Budget de l’écologie
Le budget de l’écologie a été examiné le mercredi 2 novembre à l’Assemblée nationale. Yves Cochet et François de Rugy ont dénoncé ce budget peu ambitieux, au regard des enjeux qui nous attendent. Dans ce contexte de crise, Yves Cochet a insisté sur la nécessité de supprimer les niches fiscales néfastes à l’environnement et conserver, au contraire, les aides à la transition écologique. Il a proposé 30 milliards de recettes nouvelles pour réduire le déficit et préserver notre modèle social.
François de Rugy s’est concentré sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Il a remis aux ministes la copie d’une contre-expertise dont les nouvelles projections modifient radicalement les résultats de l’analyse SCBA (coûts-bénéfices) qui avait conduit à justifier la déclaration d’utilité publique du projet.
Budget 2012, écologie – Yves Cochet 3 novembre… par Pompili
Budget 2012, écologie – François de Rugy 3… par Pompili
EXTRAITS DU COMPTE-RENDU OFFICIEL :
Intervention d’Yves Cochet
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. M. Chanteguet a bien parlé. J’ajouterai pour ma part quelques critiques, même si je reconnais que la situation en général, celle de l’euro, du G 20, n’incite pas à l’écologie, au développement durable ni à la protection de l’environnement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Mais si !
M. Yves Cochet. C’est le contraire qu’il faut faire ! C’est maintenant qu’il faut avoir une autre ambition, à l’image de ce que fait notre amie, l’Allemagne.
Pour reprendre les faiblesses du budget proposé, nous déplorons que le crédit d’impôt développement durable continue de se réduire alors que, comme le montre le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, il a permis d’atteindre des objectifs environnementaux, qu’il s’agisse de la réduction des consommations d’énergie ou des émissions de gaz à effet de serre. De même, l’objectif de 400 000 rénovations en 2012 ne pourra pas être atteint puisque, en un an et demi, seulement 150 000 éco-PTZ ont été accordés.
Autre conséquence de cette réduction, on déplore de nouvelles suppressions de postes. Je pense notamment aux personnels de la mission 113 : avec la suppression de l’ingénierie publique concurrentielle qui amène à la suppression de 3 300 équivalents temps plein au total, qu’envisagez-vous pour la reconversion des personnels concernés ?
On peut citer également le programme 217 qui regroupe presque toute la masse salariale du ministère. Ce programme subit largement la contraction de votre budget : moins 6,08 % pour les autorisations d’engagement, moins 0,41 % pour les crédits de paiement, et surtout 1 580 équivalents temps plein annuel travaillé supprimés par rapport à 2011. C’est une tendance qui se confirme depuis plusieurs années puisque nous en comptions 1 400 en moins en 2009, 1 294 en 2010, 1 287 en 2011, et qu’il en est prévu la suppression de 1 580 ETPT en 2012.
Nous pensons, car nous allons faire des propositions pour essayer de rectifier autant que faire se puisse, qu’il faudrait commencer par supprimer les niches fiscales néfastes à l’environnement et conserver, au contraire, les aides à la transition écologique. Face à la crise financière et économique, la voie de la rigueur a été choisie. Mais la bonne voie, à mon sens, est la transition écologique de la société et de l’économie. Elle pourrait être l’occasion de supprimer certains financements publics et niches fiscales défavorables à l’environnement. Je pense notamment aux dispositifs peu efficaces et coûteux, tels que la politique de soutien aux agrocarburants de première génération.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Je suis d’accord.
M. Yves Cochet. Ah, vous les avez supprimés ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Non.
M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Elle est d’accord.
M. Yves Cochet. Elle est d’accord, mais elle ne peut pas le dire. Les arbitrages de Bercy sont bien terribles !
Autre scandale : les exonérations de TIPP pour le transport routier et aérien. Cette disposition est injuste et contraire aux orientations du Grenelle de l’environnement. Celui-ci devait, au contraire, encourager les modes de transport alternatifs.
Quant à la fameuse taxe sur les émissions de gaz à effet de serre, comment expliquez-vous, madame la ministre, le rejet par la commission des finances de l’amendement qui prévoyait de créer une taxe finançant l’achat par l’État de quotas d’émission de CO2 pour les nouveaux entrants au Plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre ?
M. Charles de Courson, rapporteur spécial. C’est anti-communautaire.
M. Yves Cochet. La taxe prévue par le Gouvernement devait s’appliquer au chiffre d’affaires des entreprises ayant bénéficié des allocations les plus importantes – soit au moins 60 000 tonnes de CO2 –, concerner quelque 400 entreprises et rapporter 200 millions d’euros. Comment cette réserve peut-elle être financée désormais ?
Nous formulons également d’autres propositions, car il est vrai que se pose un problème budgétaire. Nous proposons 30 milliards de recettes nouvelles pour réduire le déficit et préserver notre modèle social.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Trente milliards ?
M. Yves Cochet. Oui, 30 milliards !
Tout d’abord, il convient de réduire le déficit public, par un point de PIB en 2012, ce qui revient à diminuer ce déficit d’environ 20 milliards d’euros.
M. Thierry Mariani, ministre. C’est un peu facile !
M. Yves Cochet. Mais attendez !
Vous aviez parié sur 1,75 %. Nous sommes presque à 1 %, et nous pourrions presque prendre les paris sur une probable récession en 2012. Mais ce serait cruel.
M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis. Il ne s’agit pas de pari !
M. Yves Cochet. Je me souviens qu’à l’époque, M. Fillon et Mme Lagarde parlaient d’être à 1 % en 2009. Or nous avions connu une baisse de 2,6 %. Quelle erreur ! Cela nous coûte des dizaines de milliards d’euros !
M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis. Et les tempêtes, vous croyez aussi que ce sont des paris ?
M. le président. Poursuivez votre propos, mon cher collègue. Ne vous laissez pas perturber.
M. Yves Cochet. Ces 30 milliards d’économie pourraient être intégralement financés par les mesures suivantes : lutte contre la fraude dans les paradis fiscaux, 8 milliards d’euros ; suppression partielle de l’exonération de l’impôt sur la fortune pour les biens professionnels, 5 milliards d’euros ; instauration d’un impôt plancher de 17 % sur les bénéfices des entreprises, 5 milliards d’euros ; retour à une fiscalité plus juste sur la succession des grands patrimoines, 2,5 milliards ; intégration des revenus du capital dans l’impôt sur le revenu, 2 milliards…
M. Yanick Paternotte. Qui veut gagner des milliards ?
M. Yves Cochet. …forte taxation des revenus au-delà de 500 000 euros par an et plafonnement des niches fiscales, 3 milliards ; mise sous conditionnalité sociale des exonérations de cotisations des entreprises, 4,5 milliards.
M. Daniel Paul. C’est un bolchevique !
M. Yves Cochet. Une fiscalité plus écologique apporterait 14,5 milliards d’euros. Je pense notamment à une taxe sur les énergies non renouvelables, à savoir les énergies fossiles et nucléaires intégrant une taxation du carbone à 36 euros la tonne de CO2, pour 12 milliards ; ou encore à l’harmonisation des niveaux de taxe énergétique de l’électricité, du gaz naturel, du charbon et du fioul, pour 2,5 milliards.
La crise que nous traversons est exceptionnelle par sa brutalité et sa globalité. Nous en sommes d’accord, encore que d’autres l’avaient anticipée ! Elle remet en cause les fondements mêmes du système, du paradigme pourrait-on dire, sur lequel repose l’économie mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale.
Il existe pourtant un chemin pour sortir notre pays de cette crise sans attendre une mythique croissance. C’est ce que l’on pourrait appeler la prospérité sans croissance. C’est un budget pour la transition écologique de la société dont nous avons besoin, dont je viens de dire quelques mots. Ce n’est pas, hélas, celui que vous nous présentez.
Nous ne voterons pas votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Intervention de François de Rugy :
M. le président. La parole est à M. François de Rugy.
M. François de Rugy. Madame la ministre de l’écologie, monsieur le ministre des transports, chers collègues, Yves Cochet ayant fait une intervention générale, je mettrai à profit mon temps de parole pour intervenir sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Au-delà de son impact local, il s’agit d’un projet national, qui a fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, signée en 2008 par le Premier ministre. Il est financé par l’État à hauteur de 140 millions d’euros et par les collectivités locales pour 115 millions d’euros, ce qui couvre près de la moitié du coût global du projet tel qu’il est estimé aujourd’hui, alors même qu’il s’agit d’une concession pour cinquante-cinq ans au groupe privé Vinci.
En 2006, en vue de la déclaration d’utilité publique, une analyse SCBA – en d’autres termes, une analyse coûts/bénéfices – a été menée pour examiner l’intérêt public du projet. Elle vous avez alors conduits à justifier la déclaration d’utilité publique.
Cinq ans après, en 2011, nous avons commandé une contre-expertise. Par nous, j’entends une association d’élus très pluraliste, qui regroupe des élus d’appartenances très diverses, du parti de gauche au Modem, en passant par le parti socialiste, les divers gauches et les écologistes.
M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. C’est quand même un peu à gauche !
M. François de Rugy. Mais cette démarche est également soutenue par notre collègue de Debout la République…
Cette étude qui réévalue un certain nombre de critères remet en cause plusieurs des postulats sur lesquels repose votre projet. Ainsi, les projections de croissance de la demande des passagers – ce qui concerne l’ensemble du transport aérien – sont particulièrement optimistes, car elles ne tiennent pas compte de l’augmentation, désormais constatée, des prix du pétrole. Plus incroyable encore pour une étude commandée par l’État, ces projections de passagers ne prennent pas non plus en compte le fait que l’aviation sera incluse dans le marché européen des émissions de CO2, argument auquel vous devriez être sensible, madame la ministre. Enfin, les scénarios présentés dans cette étude sont fondés sur des hypothèses de croissance économique, là encore très optimistes au vu des prévisions actuelles qui prévoient une stagnation, voire une récession de l’activité.
Par ailleurs, des calculs ont été effectués sur les améliorations globales attendues de cet aéroport pour la collectivité, en termes de temps de trajet. Or les chiffres de l’État se révèlent quatre fois plus optimistes que ceux qui touchent aux autres projets d’infrastructures pilotés par l’État : en effet, on considère ici qu’une heure gagnée vaut cent euros, quand elle est d’ordinaire évaluée à vingt-cinq euros.
Je me permettrai donc, madame et monsieur les ministres, de vous remettre à chacun une copie de notre contre-expertise, que vous pourrez consulter. Vous verrez ainsi que les nouvelles projections modifient radicalement les résultats de l’analyse SCBA. En effet, selon cette dernière, le bénéfice global du projet, qui intègre entre autres le temps de trajet, la sécurité, le bruit et les émissions de gaz à effet de serre, se chiffrait à 607 millions d’euros, tandis que la nouvelle expertise aboutit, avec une hypothèse basse de réévaluation des coûts, à un déficit de 91 millions d’euros, et, avec des hypothèses de coûts plus réalistes, à un déficit de 614 millions d’euros pour la collectivité !
Ma conclusion sera donc simple, madame la ministre de l’écologie, monsieur le ministre des transports. Nous sommes en période de difficultés budgétaires. Chacun cherche à faire des économies, et nous tenons ici l’occasion d’une économie de 140 millions d’euros pour le budget de l’État, tout en respectant les intentions du Grenelle dont l’un des objectifs était de ne pas augmenter la capacité aéroportuaire de la France.
Je vous invite donc à me répondre sur les conclusions de cette nouvelle étude, souhaitant que la déclaration d’utilité publique soit abrogée et, en attendant, que le projet soit remis à plat. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)