Vers moins de Député-Maire et plus de Députée-Mère ?
Texte de Chris Blache
A l’occasion du débat sur le cumul des mandats à l’Assemblée Nationale, notre groupe EELV a déposé deux amendements[i]. Le premier prévoyant qu’une députée en congé maternité puisse être remplacée par son suppléant, le deuxième demandant une mesure similaire pour tout député ou députée souhaitant prendre un congé parental d’éducation. Amendements qui ont été rejetés par une majorité de députés.
Les obstacles législatifs à la mise en application de ces amendements sont multiples. D’une part ces amendements impliquent une réforme constitutionnelle, d’autre part les député-es, tout comme des sénateurs, sénatrices et autres éluEs locaux ne relèvent pas d’un régime « de travailleuses/eurs» leur mandat n’est donc pas soumis à la législation du code du travail et dans ce contexte les éluEs ne bénéficient d’aucun congé maternité, ni paternité.
Mais l’obstacle principal est surtout historique et symbolique. Comme Eva Sas[ii], députée (EELV) de la 7 e circonscription de l’Essonne, actuellement enceinte, l’a justement rappelé « la constitution de 1958 a été modelée par les hommes. Il n’y avait que 1,3 % de femmes à l’Assemblée ».
Denis Baupin, père de jeunes enfants confirme que, même la composition actuelle de l’Assemblée Nationale, n’est guère propice au changement « plus globalement, force est de constater que l’organisation du travail parlementaire est particulièrement peu adaptée pour les parents, particulièrement d’enfants en bas-âge. Cette non-préoccupation est un reflet direct de l’âge moyen des parlementaires… à l’exception notable des primo-députés – dont nombre d’écologistes. Favoriser le renouvellement du personnel politique passe aussi par la prise en compte de la compatibilité entre vie politique et vie familiale ».
L’Egalité Femmes-Hommes est une des valeurs fondamentales de l’écologie politique. Et les équilibres écologiques, sociaux et économiques ne pourront être atteints que si les droits de toutes et de tous sont garantis et respectés.
Or si les progrès législatifs en termes de droit et d’égalité ont permis de grandes avancées, des écarts perdurent à tous les échelons, salaires, précarité, partage des tâches domestiques et sociales, accès aux responsabilités, droit de disposer de son corps.
Un rattrapage ne suffira donc pas. Pour tenir pleinement cette promesse d’égalité, il est aujourd’hui nécessaire d’opérer une mutation majeure. Et c’est au cœur même de nos institutions que nous devons être les plus exemplaires afin d’ouvrir la voie à de profondes réformes autour de ces questions sociétales.
Questions dont les congés maternité et paternité ne sont qu’un volet, et non des moindre puisque des études montrent que même dans des couples progressistes, où les tâches sont équitablement partagées, l’arrivée d’un enfant[iii] déclenche un processus d’inégalités entre les parents. Avec dans la majorité des cas les mères qui sacrifient une partie de leur carrière – où de leur santé quand elles décident de tout mener de front – pour donner du temps à la famille. Et le temps donné pas les femmes ne se limite pas aux enfants. Nous pourrions citer également l’aide à la personne, le soutien aux personnes âgées, rôles encore une fois endossés majoritairement par les femmes, comme s’il était « naturel » qu’elles s’investissent de ces responsabilités. Nos habitus ont la vie dure et le modèle familial hérité des 18 et 19è siècle continue de régir une organisation sociétale, qui n’a pourtant plus rien à voir avec celle mise en place par l’ordre bourgeois qui imposait ses valeurs à cette époque.
Nous sommes au XXIè siècle et la société s’est transformée. Chacune, chacun, veut pouvoir exister, évoluer, grandir, se former, se définir, comme elle, il, le souhaite. Monoparental, hétéro-parental, homoparental, multidimensionnel, le modèle familial connait lui aussi des mutations importantes.
Alors que le projet de loi sur la famille sera débattu à l’Assemblée en octobre prochain, il est urgent de revisiter dès maintenant les règles et usages qui définissent les droits de chacune et de chacun à conduire sa vie, le plus harmonieusement possible et sans sacrifices.
Car la division des espaces et des rôles, sphère privée pour les femmes, sphère publique pour les hommes, perdure. Et si les femmes, comme les hommes, se reconnaissent de moins en moins dans ces représentations figées, comme le disait Simone de Beauvoir, tout concoure à les y enfermer « On ne nait pas femme [On ne nait pas homme] On le devient ».