Pour une réglementation sociale et environnementale aux portes de l’Europe

Point de vue

par

  • Eva Sas,  membre du Bureau Executif d’Europe Ecologie Les Verts et co-Responsable de la Commission Economie Social Services Publics d’Europe Ecologie Les Verts,
  • Sandrine Rousseau, auteur de ‘oui l’écologie c’est social !’ (Les petits matins, Avril 2012),  membre du Bureau Exécutif  d’Europe Ecologie Les Verts,
  • Agnes Michel, Co-Responsable de la Commission Economie Social Services Publics d’Europe Ecologie Les Verts.

 

Et si nous arrêtions de subir la crise ? Depuis des décennies, l’Etat se trouve impuissant devant les cycles économiques mondiaux. A cette impuissance, les gouvernements libéraux d’Europe se sont résignés, voire l’ont encouragée par des politiques de dérégulation incessantes, guidés par une idéologie ultralibérale : « Laissons faire les marchés, les peuples bénéficieront en dernier ressort des bienfaits de cette économie ouverte ». Ce faisant, ils se sont volontairement désarmés.

Pour pouvoir à nouveau mener des politiques publiques qui répondent aux quatre enjeux des temps qui viennent : consolider notre modèle social, créer de l’emploi, réduire les inégalités et protéger notre environnement, nous devons réhabiliter la volonté de régulation. Oui, nous avons besoin de régulation, et nous en avons besoin pour sortir de la course folle au moins disant social et environnemental, pour pouvoir de nouveau légiférer sans risquer, à chaque pas en avant, de voir nos entreprises et leurs salariés exposés à un chantage à la délocalisation.

Le rapport Jacob-Guillon, rédigé à la demande du ministère de l’économie et des finances, et publié ce 29 mars dernier, dénonce lui-même cette libéralisation à outrance qui par idéologie de l’ouverture, surexpose les salariés de nos entreprises à une concurrence déloyale. Mais attention à ne pas en conclure qu’il faut baisser les normes auxquelles sont soumises les entreprises européennes.

A la droite qui ne parle que de compétitivité et cherche chaque fois à essayer de s’aligner sur les législations les moins contraignantes de nos concurrents, nous disons qu’elle fait fausse route. Nous devons au contraire reprendre la voie de la régulation, faire progresser la législation sociale au niveau européen, mettre en route une convergence vers le haut en matière de salaire  minimum, de protection sociale, de temps de travail, de normes environnementales, pour éviter les concurrences déloyales intra européennes.

Nous devons aussi et surtout conditionner l’accès au marché européen au respect de normes environnementales et sociales, et veiller strictement au respect de ces normes. REACH est pour nous un exemple à suivre. Cette législation européenne vise à protéger les citoyens européens de substances chimiques les plus dangereuses. Elle met en œuvre trois principes fondamentaux dont toutes les législations sociales et environnementales aux frontières de l’Europe devraient s’inspirer : l’application aux produits importés, l’inversion de la charge de la preuve qui repose désormais sur le fabricant ou l’importateur, l’obligation de traçabilité. « Article Premier : Il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, mettre sur le marché ou utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine et l’environnement.» Le rapport Jacob-Guillon pointe le coût de cette législation pour les industries européennes. Mais ce qu’il faut dénoncer avant tout, ce sont les moyens insuffisants pour veiller à son application, une application qui protégerait l’industrie chimique française d’une concurrence intolérable, et les consommateurs européens de l’exposition à des produits potentiellement toxiques.

C’est sur le modèle de REACH que nous devons entreprendre de construire une nouvelle règlementation sociale et environnementale d’accès au marché européen, une réglementation dont la première pierre serait le respect des huit conventions fondamentales de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) sur la liberté syndicale, l’interdiction du travail forcé et du travail des enfants.

C’est en renforçant cette réglementation sociale et environnementale aux frontières de l’Europe que nous cesserons d’opposer les intérêts des consommateurs à ceux des salariés, que nous cesserons la course à la baisse des salaires pour s’aligner sur les pays les moins favorables, et que nous favoriserons la protection de l’environnement et de la santé de nos concitoyens.

En 2013, auront lieu les élections législatives en Allemagne. L’avènement simultané d’une nouvelle majorité dans nos deux pays doit être l’occasion de relancer la construction européenne autour d’un nouveau contrat social et environnemental pour l’Europe. C’est cette Europe-là que nous voulons. A nous de la faire advenir ensemble.

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