Qu’est-ce qu’un QE et qu’a fait la BCE en janvier 2015 ? 🗓
Plusieurs personnes ont sollicité la coméco pour comprendre ce qu’avait fait la BCE, et ce que signifie le rachat de 60 milliards d‘actifs dont une majorité de dettes publiques. Cette opération est appelée QE pour Quantitative easing (ou augmentation de masse monétaire). Voici notre analyse synthétique :
Les faits : la BCE a racheté de la dette publique (majoritairement, voir en fin de note) des pays de la zone euro, pour 60 milliards d’euros, et va continuer à en racheter tous les mois, pour un total de 1 140 milliards d’euros d’ici septembre 2016. Les dettes publiques des Etats de la zone euro se montent à un peu moins de 10 000 milliards d’euros, donc la BCE interviendrait sur environ 10% des dettes publiques. A titre de comparaison, la BCE intervient sur l’équivalent de 12 % du PIB de la zone euro, c’est à dire une intervention moins importante que les interventions des banques centrales aux US (25%) au Japon (26%).
Mais ce rachat s’effectue sur le marché secondaire, c’est-à-dire qu’elle a racheté ces créances à des acteurs privés (banques, mais aussi des fonds d’investissements, des hedge funds, des assureurs, des fonds de pension) qui les détenaient jusque-là. Donc les débiteurs de ces 60 milliards (essentiellement les Etats de la zone euro) ont toujours le même niveau de dette : simplement ils ne doivent plus l’argent à des acteurs privés, mais à la BCE.
Que vont faire les banques avec les liquidités récupérées grâce au rachat par la BCE de leurs titres de dettes publiques ? Ce qu’elles veulent : elles pourront le prêter à nouveau aux Etats de la zone euro, ou à des entreprises, ou les placer sur des marchés financiers. Considérant la règlementation des risques on peut supposer que les banques privées prêteront à nouveau en partie à des souverains (Etats ou collectivités) mais rien n’assure qu’elles le feront auprès des Etats de la zone euro. Est–ce que les investisseurs seront obligés d’investir dans la zone Euro? la réponse est clairement non. Toutefois, plusieurs facteurs peuvent les attirer : une monnaie faible, une baisse des prix des matières premières, un soutien de la BCE.
Il paraît beaucoup plus douteux qu’elles prêtent davantage à l’économie réelle, étant donné que ces dernières années les banques présentent plutôt un bon taux de liquidité (malgré les contraintes réglementaires) et n’ont pourtant pas particulièrement prêté aux entreprises.
Pourquoi cette opération de rachat ? l’objectif principal de la BCE est de maintenir la stabilité des prix de la zone Euro. En rachetant des dettes publiques de la zone euro, elle limite le risque de mouvements des marchés financiers qui impacteraient l’euro (spéculations, variations de change, etc).
La BCE maintient également des taux d’intérêt bas pour les pays de la zone euro en envoyant un signe aux prêteurs : la BCE garantit d’une certaine façon les dettes publiques de la zone euro. L’impact sur l’inflation dont il est fait mention dans la presse spécialisée reste beaucoup plus hypothétique car cela dépendra de l’attitude des banques commerciales (si elles prêtent aux entreprises, cela relancerait un peu l’inflation, car les taux pratiqués pour des crédits aux entreprises sont plus élevés que ceux pratiqués pour les Etats, car plus risqués : il y aurait donc un gonflement technique de la masse monétaire, et donc une inflation).
Mais : une des principales conséquences du rachat est l’affaiblissement de l’euro. Cependant la Bundesbank n’est pas convaincue du fait que le rachat va limiter la spéculation. Il est possible que les investisseurs fuient les produits obligataires qui désormais offriront un faible rendement et se tournent vers l’immobilier par exemple.
Ce qui ne change pas : la BCE ne peut toujours pas prêter directement aux Etats de la zone euro. Elle ne peut pas non plus obliger les banques à prêter aux Etats de la zone euro : chacun de ces Etats continuera d’être évalué, par les acteurs financiers, en fonction de sa situation nationale et non de la situation globale de la zone euro.
Et surtout, les dettes publiques ne disparaissent pas. Simplement au lieu d’être détenues par des banques, elles sont détenues par la BCE.
De plus cette opération ne garantit en rien un meilleur financement de l’économie réelle par les acteurs privés. Pour cela les outils publics restent à utiliser, et surtout à développer (green bonds, plan d’investissement européen, BEI-banque d’investissement européenne, etc).
Ce qui change : cette démarche est un premier pas vers la mutualisation des dettes publiques de la zone euro. Néanmoins tant qu’il n’y a pas de renégociation globale de ce paquet de dettes diverses, cette mutualisation reste à l’état de potentiel.
La position d’EELV : notre position sur la dette de crise reste d’actualité. Nous continuons de considérer qu’environ 20% de la dette publique française devrait être annulée (pour les autres pays il faudra aussi prendre en compte les annulations partielles déjà appliquées, comme en Grèce). Nous continuons aussi de demander que la BCE puisse prêter directement aux Etats. Enfin, même si les actions de la BCE sont plutôt constructives et vont dans le sens de plus d’intégration européenne, nous continuons de demander que sa gouvernance soit démocratique…mais pour cela il faut bien évidemment un gouvernement européen, et unE ministre des finances européenNE, afin d’avoir une véritable politique monétaire commune avec les mêmes outils que les autres zones monétaires. Enfin, côté France, nous continuons à insister sur le rôle de la BPI, qui doit être un véritable outil de financement de l’économie réelle…puisque les banques privées ne font pas correctement leur travail.
Pour aller plus loin :
– La dette rachetée n’est pas que publique : les principaux actifs concernés sont les crédits titrisés (ABS), les obligations sécurisées émises par les banques, les obligations supranationales, et les emprunts d’état de la zone Euro (pour 40 milliards).
– Ce qui a surpris les marchés n’est pas tellement le rachat en tant que tel mais la rapidité et l’ampleur de l’opération : 60 milliards par mois pendant 19 mois à partir de mars au lieu de 50 milliards qui étaient attendus par les marchés depuis plusieurs jours.