De la police pour le théâtre
Mobilisation des professionnels du spectacle vivant,
Suite à la décision du nouveau maire de Roanne, Yves Nicolin, de mettre un terme au contrat de Abdelwaheb Sefsaf, directeur du Théâtre de Roanne, les professionnels du spectacle vivant se mobilisent.
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
C’est en envoyant la police municipale au domicile d’Abdelwaheb Sefsaf, directeur du Théâtre de Roanne, que le nouveau maire de Roanne et député de la Loire, Yves Nicolin a choisi, le 14 avril dernier, de notifier officiellement à notre collègue, sa décision de mettre un terme à son contrat. Simple procédure pour accuser réception dudit courrier expliquera l’édile.
Mais nous qui accordons de l’importance au sens des gestes et des mots, nous affirmons aujourd’hui que cet acte symboliquement fort traduit à merveille l’état d’esprit dans lequel se trouve Monsieur Nicolin vis-à-vis d’un artiste et directeur d’établissement culturel et quel usage il entend faire de son autorité.
Il aurait aussi bien pu nous dire qu’il n’avait pas confiance dans les services de la Poste, cela ne justifierait pas mieux son choix.
Ce geste conclut un processus entamé il y a maintenant plusieurs semaines durant la campagne électorale. Campagne municipale au cours de laquelle Monsieur Nicolin s’est engagé publiquement à remettre en cause le contrat d’Abdelwaheb Sefsaf, arguant du fait qu’être à la fois artiste et directeur du théâtre représenterait un conflit d’intérêts.
Monsieur le maire a donc tenu son engagement, et c’est seulement 4 jours après son élection officielle, soit le 10 avril, qu’il a reçu notre collègue dans son bureau, pour lui faire savoir qu’il le libérait de ses fonctions. Lors de cet entretien, Monsieur le maire a changé son fusil d’épaule, puisque désormais ce n’est plus le cumul des fonctions (artiste / directeur) qui pose problème, mais un vice de procédure. Monsieur Nicolin invoquant une soi-disant caducité du contrat de Monsieur Sefsaf (qui reste à prouver) pour motiver le licenciement.
Ce changement de cap, laisse entrevoir clairement qu’il s’agit plutôt d’une attaque à la personne que d’un problème avec le projet du Théâtre, dont le bilan après un an d’exercice est tout à fait remarquable.
Monsieur le maire, quatre jours après sa nomination a donc fait du limogeage de notre collègue, une priorité absolue.
Si nous nous réjouissons de voir l’importance que Monsieur le maire semble accorder à la culture dans sa ville, nous aurions évidemment préféré que son intérêt s’exprime autrement que par une volonté de fragiliser dès sa prise de fonction un équipement culturel, pourtant en plein essor. Sa méconnaissance du fonctionnement et de la gestion d’un lieu culturel est par ailleurs inquiétante. En effet, rien ne peut justifier le licenciement brutal d’un directeur de Théâtre au cœur d’une saison. Cette éviction risque de fragiliser toute une équipe au moment crucial où la saison prochaine se prépare.
Ainsi nous nous interrogeons aujourd’hui publiquement sur les raisons d’un tel empressement de l’édile à asseoir son autorité? Quels sont les griefs qu’ Yves Nicolin entretient réellement à l’encontre de Monsieur Sefsaf ? Sur quelles bases a-t-il pu construire sa réflexion ?
Dans ces circonstances, pour manifester notre soutien à notre collègue et pour faire entendre notre vigilance totale face à des comportements politiques extrêmes, nous entendons réaffirmer très clairement certains principes :
· Un artiste peut légitimement diriger un établissement culturel, sans que son activité de création soit une entrave à la charge de ses fonctions de directeur. C’est le cas dans de nombreux Théâtres et Centres Chorégraphiques dont les bilans sont très positifs. Cet argument n’est recevable ni à Roanne, ni ailleurs, et nous ne laisserons pas s’installer le moindre doute à ce sujet. En abandonnant d’ailleurs ce motif, Monsieur Nicolin a, de fait, reconnu son absence de valeur.
· Le dialogue entre élus et directeurs(rices) de lieux culturels est essentiel à l’élaboration de véritables projets territoriaux et l’intérêt général doit toujours primer sur les querelles de personnes. Nous ne tolérons pas que des élections soient prétextes à des règlements de comptes partisans. Ceci entraîne des décisions hâtives dont les motivations reposent plutôt sur l’affect que sur l’examen consciencieux du bilan de professionnels choisis précisément pour leurs compétences à développer une mission de service public.
Monsieur Sefsaf, nommé par l’équipe municipale qui a précédé Yves Nicolin, n’est pas l’héritier de l’ancienne municipalité et ne saurait être puni au simple titre qu’il a été choisi par des élus d’un autre bord politique.
· Partout en France, quelle que soit la municipalité et son bord politique, nous ne laisserons pas souffler le vent du populisme, sans faire entendre notre voix. L’art et la culture ne sont pas subordonnés au pouvoir, et les relations entre responsables politiques et établissements culturels doivent garantir le droit fondamental des artistes à la libre expression. Nous entendons réaffirmer notre liberté de choix dans nos programmations, guidés par des critères qualitatifs. Ceci sans avoir à subir des pressions politiques qui remettraient en cause l’équilibre de notre démocratie.
· Le cadre contractuel, qui régit notre profession et les relations de travail avec les pouvoirs publics, répond à des règles et à des calendriers rigoureux. La remise en cause d’un contrat de travail de manière anticipée, doit répondre à des motivations sérieuses et argumentées. Nous tenons à rappeler qu’ici, comme dans les autres secteurs d’activité, le code du travail et la loi en général, protègent les salariés contre toute sanction qui s’avérerait discriminatoire. A cet endroit, les sanctions prises aujourd’hui à l’encontre de Monsieur Abdelwaheb Sefsaf nous interrogent vivement et nous attendons des éclaircissements précis de Monsieur le Maire quant aux motifs réels de son limogeage.
Le Groupe des 20 – Scènes publiques en Rhône-Alpes, Jacky Rocher, président;
Le SNSP, Syndicat National des Scènes publiques, Giuliano Tenisci, membre du conseil syndical;
Le SYNDEAC, Syndicat Nationale des Entreprises Artistiques et Culturelles, Anne Meillon, déléguée régionale;
Le réseau Loire en Scène, Gilles Granouillet, président.