Handicap et sexualité : un festival inédit pour briser les interdits

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Colorée et dynamique, l’affiche se veut résolument festive. Malgré un sujet a priori délicat… La première édition du festival «Ma sexualité n’est pas un handicap » se tiendra les 25 et 26 avril sur le site de Buc Ressources (78). Jean-Luc Letellier (1), le président du CRéDAVIS (Centre de recherche et d’étude pour le droit à la vie sexuelle dans le secteur social et médico-social), est l’instigateur de cette manifestation originale qui brasse beaucoup d’enjeux (2). Interview.

Quelle est l’ambition de ce festival ?

Jean-Luc Letellier : Proposer aux personnes handicapées – mais aussi à leurs familles et aux professionnels de l’accompagnement – un espace de rencontre, de réflexion et d’information sur la sexualité. Notre éthique est celle de l’OMS, à savoir considérer la sexualité comme faisant partie du domaine de la santé. Des séminaires ou des colloques ont très souvent été organisés ces dernières années sur cette thématique ; mais notre objectif est de donner la parole aux personnes concernées (sur les 400 préinscrits, 170 sont ainsi en situation de handicap). Le tout dans un esprit joyeux, positif, sans lamentations. Nous souhaitons que, pendant deux jours, les festivaliers se considèrent comme des êtres humains partageant le même désir : celui d’aimer, d’être aimé et de ne pas être entravé dans leurs aspirations à une vie sensuelle, charnelle, érotique et sexuelle.

Comment vont se présenter ces journées ?

J.-L. L. : Différents ateliers pratiques (animés par nos partenaires) seront organisés, notamment sur l’image de soi, la séduction sur Internet (faut-il ainsi dire d’emblée qu’on est handicapé ?), les sex-toys ou encore l’importance du toucher dans une relation. Il y aura des spectacles, des projections de films. Le Crips d’Île-de-France proposera également une exposition photo assez forte sur l’intimité, à l’issue de laquelle sera ouvert un espace de discussion. L’idée de ce festival a émergé en mai 2012 et il a tout de suite suscité l’engouement. Il y a une attente énorme autour de ces thématiques.

Le sujet de la sexualité des personnes handicapées est-il donc tabou ?

J.-L. L. : Non, on ne peut pas dire cela car, depuis 10 ans, les choses ont beaucoup changé. Les jeunes professionnels ont une position plus ouverte, ils intègrent cette dimension dans leur réflexion. Mais il y a encore du travail. Le problème en France, c’est que les personnes handicapées ne sont pas assez visibles, du fait du manque d’intégration à l’école et de l’inaccessibilité des espaces. Tout cela contribue à l’enfermement.

Vous dites aussi que c’est en institution que la difficulté est la plus grande…

J.-L. L. : Certains établissements interdisent toujours les relations sexuelles entre adultes – ce qui est illégal. De la même manière, il y a encore aujourd’hui de nouvelles institutions qui se construisent où, dans une chambre de 12 ou 15 m², il n’y a qu’un lit d’une personne. Le message envoyé est clair : on n’est pas là pour être en couple. Même si certaines structures acceptent les rencontres en interne… C’est comme si vous, personnes valides, vous ne pouviez avoir des relations qu’avec les gens de votre immeuble !

Qu’est-ce qui bloque ?

J.-L. L. : La culture religieuse a beaucoup influencé la culture française et la sexualité est pensée comme dangereuse, négative. Les professionnels ont un fantasme collectif de la contagion, ils se disent : si on autorise les relations sexuelles, notre établissement risque de devenir un lupanar… Mais c’est faux ! C’est le même principe que l’éducation à la sexualité. Les enquêtes montrent qu’au lieu de « donner des idées » aux jeunes, l’accès à l’information les incite au contraire à retarder leur première fois.

Quelles « solutions » préconisez-vous pour que les personnes handicapées puissent vivre leur sexualité le plus sereinement possible ?

J.-L. L. : Il n’y a pas de réponse toute faite – d’autant plus que la question se pose différemment suivant le type de handicap (physique ou psychique). Ma position, c’est de dire aux personnes responsables (aidants professionnels mais aussi parents d’adultes handicapés) de travailler d’abord à faire bouger leurs propres conceptions et représentations. Et lever les barrières qu’ils ont dans la tête. Certains accompagnants me disent ainsi : « Je n’ai pas le droit d’emmener une personne handicapée voir une prostituée », ce qui n’est pas vrai. Certes, ils n’ont pas le droit de « prendre rendez-vous » pour elle, mais ils peuvent la conduire dans un lieu donné… Je pense aussi qu’il ne faut pas se substituer aux personnes elles-mêmes. C’est à elles de se prendre en charge. Et de revendiquer leurs droits.

(1) Jean-Luc Letellier est aussi l’auteur de l’ouvrage Leur sexualité n’est pas un handicap (Erès).

(2) Le festival (dont le détail est disponible sur le site www.masexualitenestpasunhandicap.fr) est soutenu par la Région.

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Du 25 avr 2014 au 26 avr 2014
Buc

 

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