Le tourisme est l’économie majeure de notre territoire, mais cette suprématie ne confère pas des droits, au contraire, bénéficiant d’un environnement naturel exceptionnel qui fait l’attrait de notre territoire, il est important que les acteurs du tourisme soit conscient de la responsabilité qui est la nôtre de faire en sorte de préserver ce patrimoine que nous mettons en partage et de ne pas déstabiliser les économies durables comme l’agriculture.
Le projet Huttopia qui abrite ses appétits de développement derrière de vagues habillages environnementaux (technique de marketing dénommée green washing ou écoblanchiment) s’implante sur notre canton.
Chouette un camping écolo !
« Ecolo » pour une démarche raisonnée d’écotourisme ou pour les profits d’une multinationale qui bénéficie ainsi largement des finances publiques ?
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Communauté de Communes des Gorges de l’Ardèche Projet Huttopia
J’ai manifesté à plusieurs reprises ma réserve sur le projet Huttopia, ce ressenti repose sur plusieurs analyses et constatations que je souhaite, pour plus de clarté, vous faire partager.
Chacun reste libre de ses choix et de sa pensée et chacun reste libre de les exprimer, cette note va dans ce sens. Si des erreurs se sont glissées dans cette note, merci de m’en faire part pour les rectifier.
Hervé Ozil, Maire de Lagorce, vice-pdt de la Communauté de Communes des Gorges de l’Ardèche, mars 2015
Lire le document en PDF : Huttopia Vagnas
Origine et nature du projet
Ce projet a été initié par la Communauté de Communes des Grands sites de l’Ardèche qui regroupait les Communes d’Issirac, Labastide-de-Virac, Orgnac l’Aven et Vagnas.
Il concerne l’achat, par la Communauté de Commune des Grands sites de l’Ardèche, de plusieurs parcelles de terrain, classées en zone A, situées principalement sur la commune de Vagnas, appartenant à la SFD (Sté française de distillerie de Vallon-Pont-d’Arc).
Celle-ci, lors d’un CA en juin 2012, décidait de « vendre la totalité des surfaces, situées sur les communes de Salavas et de Vagnas, à la communauté de communes des Grands Sites des gorges de l’Ardèche, au prix de 1,5 €/m2 pour une superficie de 15/16 ha. »
Note : le prix d’1,5 €/m2 (soit 15 000 €/ha) est supérieur à la moyenne du prix de vente des terres agricoles dites labourables qui peuvent atteindre un coût de 7 à 9 000 €/ha.
Les élus de la Communauté de Communes des Grands sites de l’Ardèche dénient toute valeur agricole de ces terres (malgré le classement en zone Agricole dans le document d’urbanisme de la commune de Vagnas). En toute logique, ils auraient dû négocier un prix nettement en-deçà de ce barème, les « terres en friche » pouvant s’estimer à 0,40€/ha.
À ma connaissance, il n’a pas été demandé d’estimation à France Domaine* par la Communauté des Grands Sites de l’Ardèche. Cette estimation n’est « peut-être » pas obligatoire pour les terrains (elle l’est pour les bâtiments), elle est toutefois vivement conseillée pour asseoir une transaction de ce montant dans l’intérêt de la collectivité publique.
Le caractère agricole du terrain n’a pas non plus fait l’objet d’une saisine de la SAFER, compétente en la matière.
*Cette estimation vient d’être réalisée en février 2015 (voir page 5)
Dans un courrier du 7 juin 2013, le Président de la Chambre d’Agriculture s’étonne de ne pas avoir été associé et émet un avis réservé :
(…)
Considérant les principes de la charte départementale de gestion durable des territoires et l’impact de votre projet sur l’activité agricole locale, nous émettons un avis réservé sur le caractère d’intérêt général du projet et des modalités d’urbanisation de ce secteur.
Remarques :
Concernant l’emprise foncière et le type d’utilisation du sol, vous conviendrez avec nous qu’en terme de consommation de l’espace agricole et naturel ce projet s’inscrit à l’encontre des principes de la charte, renforcés aujourd’hui par la loi Grenelle 2.
Nous avons un étalement urbain et une consommation de 10 ha d’espace vierge de toutes constructions, malgré l’implication des porteurs de projets à maintenir le caractère naturel des constructions.
Il est indiqué soit dans la note de l’ADT, soit dans le document de présentation du projet quelques contradictions qui nous interpellent sur la prise en compte du caractère agricole et naturel de la zone de projet.
Nous citerons pour mémoire :
- L’offre touristique liée à l’ERGC devrait diversifier les structures d’accueil et en particulier offrir deslits dans des hôtels de « haut de gamme » ce qui n’existe pas dans le territoire des gorges. De notre point de vue, l’offre proposée ne fait que confirmer l’offre actuelle en matière de tourisme de pleine nature en limitant seulement l’impact visuel des « mobiles homes».
- Il est dit dans la notice de présentation que l’espace était en friche depuis 30 ans. Or une visite de terrain et des photos prises par nos soins, indiquent le contraire. Tout comme l’évaluation environnementale qui montre qu’une partie non négligeable de l’emprise présente, au delà du potentiel agricole, un enjeu écologique fort avec des prairies à orchidées, et des prairies humides, espaces protégés à l’échelle départementale. Vous conviendrez qu’une autre orientation sur ces surfaces aurait pu être envisagée ou du moins étudiée pour une mise en valeur agricole des secteurs à potentiel agronomique intéressant (potentiel avérée de ressources fourragères, arboricoles et viticoles).Il est dommage qu’à ce niveau d’élaboration de ce projet, aucun contact avec nos services n’ait été envisagé par la Communauté de Communes, voire le maître d’ouvrage.
(…)
Il est dommageable que ce projet mûrement réfléchi par les partenaires locaux n’ait pu être conduit en partenariat avec notre institution. Le maintien en bon état écologique de la zone humide, des prairies adjacentes et la protection incendie des boisements sont intimement liés à l’activité agricole. Ne pas en tenir compte expose le porteur de projet à des coups de fonctionnement et des investissements sans commune mesure avec un entretien agricole de la dite zone.(…)
Modification du PLU
Le déclassement de la zone A en zone touristique nécessite alors une modification du PLU dans le cadre d’un « projet ponctuel d‘intérêt général pour la Commune ». Le Conseil municipal de Vagnas lance cette procédure par délibérations prises notamment en octobre 2012 puis mars 2013.
Cette procédure de modification, dans la mesure où elle porte sur des terres agricoles, appelle un avis de la Commission Départementale de la Consommation des Espaces Agricoles (C.D.C.E.A.)
Deux avis (fait unique) sont prononcés :
- Avis motivé du 11 juin 2013 : défavorable à l’unanimité
Avis non motivé du 10 septembre 2013 : favorable par 7 POUR, 2 ABS, 2 CONTRE
Note : il appartient à chacun de s‘interroger sur le revirement de la commission.
En aout 2013, la DREAL déroge au « régime de la protection des espèces » ce qui « n’appelle pas » la production d’une étude d’impact. Le terrain étant classé en zone agricole, il peut paraître étonnant que ce service soit appelé à émettre un avis.
En vue de la fusion des deux intercommunalités, le dossier est présenté dans ses grandes lignes par la Communauté de Communes des Grands Sites aux élus de la Communauté de Communes des Gorges de l’Ardèche fin 2013, il est fait état de 12 emplois à l’année (cette prévision d’emplois a été dernièrement ramené à 7 emplois temps plein et 3 emplois permanents).
Dans le cadre de cette fusion, la plupart des compétences de la Communauté des Grands sites sont reprises par la Communauté de Communes des Gorges de l’Ardèche, dont celle du projet d’achat à la SFD du terrain avec bail à Huttopia.
L’action est inscrite au budget de la Communauté de Communes des Gorges de l’Ardèche. Il est rappelé aux élus lors du vote du budget, que celui-ci est prévisionnel et que les actions inscrites feront débat avant phase opérationnelle.
Note : mon intervention s’inscrit dans ce débat.
Samedi 23 novembre 2013 : journée de mobilisation
A l’appel de la Confédération paysanne, une journée de manifestation d‘opposition au projet est organisée sur site, manifestation soutenue par Nature et Progrès 07, EELV 07, les Alternatifs, le Parti de Gauche, le groupe d’Aubenas de la Fédération Anarchiste, l’association « les Amis de la Grange des Prés » de Barjac.
Par ma présence, je manifeste ma solidarité avec les opposants au projet, notamment agriculteurs (3 agriculteurs de Lagorce, dont 1 retraité, sont présents).
Malgré la demande qui m’en a été faite, je ne prends pas la parole, conservant ainsi partiellement un devoir de réserve.
Retour sur les dernières délibérations du Conseil communautaire
• Conseil communautaire CDC Gorges de l’Ardèche 9 octobre 2014 :
Compétence économie
Déclaration de projet avec mise en conformité du PLU de Vagnas pour l’aménagement d’une structure d’hébergement touristique Huttopia
• Conseil communautaire CDC Gorges de l’Ardèche 13 novembre 2014 :
Compétence tourisme
Projet Huttopia : création d’un accès sur la départementale : demande de portage par le Conseil général et principe de conventionnement pour la participation financière
Finalisation du projet : acquisition des terrains et bail de location
• Conseil communautaire CDC Gorges de l’Ardèche 11 décembre 2014 :
Finances
Décisions modificatives des budgets
Sur les 150 000 euros de la dépense à imputer au budget pour la participation à la création d’un accès sur la départementale, il est engagé un emprunt de 120 000 euros.
Note : il apparaît qu’entre les conseils d’octobre et de novembre, le projet « est basculé » de la compétence économie à la compétence tourisme.
A la question posé le 9 octobre sur d’éventuels investissements portés par la Communauté de Communes, il est signifié que tout sera à la charge d’Huttopia. Au Conseil du 13 novembre, il est signifié que la Communauté de Communes participera à la prise en charge financière de l’accès sur la départementale (aménagement projeté d’ailleurs en contradiction avec les conclusions de l’enquête publique, § 1.6.5 : « compte tenu de le présence des voies départementales, l’accès au site ne nécessitera que des aménagements mineurs, lesquels ne seront pas susceptibles de modifier ni le paysage, ni la topographie des voies de circulation ».
La participation de la Communauté de Communes à l’aménagement routier « mineur » est fixée à 150 000 euros.
Il est déclaré que pour financer l’achat du terrain, la Communauté de Communes devra recourir à l’emprunt, il en est de même pour l’aménagement du rond-point, soit au total un emprunt d’environ 380 000 euros.
Il est également déclaré que les annuités de location du terrain à Huttopia (16 700 €/an les 25 premières années) dans le cadre d’un bail emphytéotique de 45 ans, ne couvriront pas directement les annuités d’emprunt.
Sur l’éventualité d’un rachat du « fond de commerce » par un autre opérateur, je pose la question de savoir si le nouveau propriétaire aura obligation de conserver les mêmes engagements « environnementalistes » que ceux avancés par Huttopia, il m’est répondu « que le PLU encadre les aménagements prévus ».
A la lecture du PLU, il ressort que la zone Un (zone touristique) n’a rien de spécifique. Les seules contraintes portent sur les zonages précis des zones humides. Pour le reste du zonage, l’occupation est comparable à toute zone Un de l’OAP d’un PLU classique.
Extrait du PLU
Article Un2 :
Sont admis
« -les habitations légères de loisirs,
– les constructions annexes du camping, qu’elles soient à vocation d’habitat (nécessaire et en lien avec le camping), d’hébergement hôtelier, d’équipement d’intérêts collectifs… »
Il est certes spécifié qu’est admis « l’aménagement de terrain de camping à faible densité », et « qu’il convient de respecter les orientations d’aménagement et de programmation » (OAP qui différencie les zones, protégeant ainsi les zones humides et d’intérêt faunistique qui ne représentent environ que 15% de la surface du site).
Article Un 10
« la hauteur maximale des constructions (…) ne pourra excéder huit mètres au faitage de la toiture. »
Il s’agit d’une hauteur comparable, déjà conséquente, à celle que l’on trouve dans beaucoup de nos zones urbaines.
Seule la phrase introductive de la note accompagnant l’OAP semble contraignante :
« le projet de « campement nature » devra privilégier les aménagements légers dans le but de rendre le site à la nature si nécessaire ».
Mais qui imposera la « nécessité » de rendre ce site à la nature ?
• Conseil communautaire CDC Gorges de l’Ardèche 26 février 2015 :
L’acquisition des terrains est voté par le Conseil communautaire (32 POUR, 4 ABSTENTIONS, 1 CONTRE) au prix d’1,50 euro le m2.
Une estimation a été sollicitée auprès de France Domaine* par la Communauté de Communes des Gorges de l’Ardèche qui a rendu un avis le 2 février 2015 pour une valeur d’environ (sic) 1,065 euros le m2.
Dans la mesure où le prix d’achat est supérieur à l’estimation (+140%), la collectivité doit motiver son choix : motivation dument justifiée par « l’intérêt général du projet ».
Note : l’estimation de France Domaine (anciennement service des Domaines) a été faite sur la valeur de terrains à vocation touristique et non pas sur la valeur de terrains agricoles, la modification de PLU ayant été faite entre temps. Si cette évaluation avait été faite à l’origine du projet, le différentiel (à la charge du contribuable) aurait été encore plus disproportionné.
Sur le rééquilibrage rive droite – rive gauche
Un des arguments, porté dès l’origine par la Communauté de Communes des Grands sites, réside sur le fait d’une nécessité de rééquilibrer l’offre en matière de lits touristiques entre les deux rives au profit de la rive droite.
De mon point de vue, cet argument n’est pas fondé ni quantitativement, ni qualitativement.
En terme quantitatif,
la rive droite ne souffre pas d’un sous-équipement comme on pourrait le laisser penser : de nombreuses structures d’hôtellerie de plein-air et d’hébergement touristique y sont présentes. Sans remonter aux portes de la Communauté de Communes, la prise en compte des équipements présents de Sampzon à Salavas témoigne d’une activité conséquente avec une offre de plus d’1 millier de lits.
En terme qualitatif,
L’argument avancé est de privilégier la rive droite de l’Ardèche par un accueil qui serait plus qualitatif que celui de la rive gauche.
Il y aurait donc dans l’offre touristique des Gorges de l’Ardèche une opposition entre la rive droite de l’Ardèche qui se distinguerait par un tourisme « haut de gamme » et « d’un bon niveau qualitatif » de la rive gauche offrant majoritairement des campings et hébergements économiques.
Note : Cette position me semble de nature à sous-qualifier la rive gauche, voire la déprécier.
Sur la notion de créer un précédent
Même si le projet a été basculé de la compétence économie à la compétence tourisme (ceci explique peut-être cela, mais le tourisme reste bien cependant dans le champ de l’économie), il risque de générer une différence de traitement auprès des opérateurs économiques, quels qu’ils soient, souhaitant s’installer ou se développer sur notre territoire.
Prime à l’installation
Les conditions de location du terrain, acquis par la Communauté de Communes, à la Sté Huttopia présentent des conditions très avantageuses qui sont concédées à une entreprise multinationale. Ces conditions substantielles sont de nature à être considérées comme une « prime à l’installation ».
Il y a donc nécessairement « création d’un précédent » en matière économique, ainsi, en toute logique, d’autres opérateurs auront toute légitimité à faire état de ces « avantages consentis » auprès de l’intercommunalité.
Comment donc faire accepter à des entreprises, souvent issu du tissu économique local, qu’elles ne bénéficieront pas de mêmes avantages ? N’y aura t’il pas « deux poids – deux mesures », différence de traitement qui risque d’être plus ressentie par les entreprises locales ?
Sur la notion de concurrence « défavorable »
La «prime à l’installation» consentie à Huttopia ne va t’elle pas engendrer une concurrence défavorable aux entreprises touristiques déjà installées, qui pour certaines n’ont pas eu cette facilité lors de l’acquisition des terrains ?
Le même constat peut être fait envers d’autres porteurs de projet – et ils sont nombreux dans le domaine touristique avec l’imminence de l’ouverture de la Caverne du Pont d’Arc -, qui ne bénéficieront vraisemblablement pas du même bonus apporté par la collectivité publique.
Certes ces considérations sont de portée générale ; les acteurs économiques ne ressentiront peut-être pas ce différentiel !
Projet Huttopia. Mars 2015 – 7
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