Industrie en France, fin de l’histoire ? Bien sûr que non !

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Jean-Philippe Magnen était ce jeudi 27 novembre l’invité des Etats Généraux de l’Industrie organisés par le Parti Communiste à Saint-Nazaire. A la question « peut-on encore produire en France ? » le président du groupe EELV de la région des Pays de la Loire a répondu par l’affirmative, mais à la condition d’accompagner une reconversion « radicale mais douce » du logiciel industriel.

 

« Les faits parlent d’eux même : automobile, agroalimentaire, sidérurgie, textile… il n’est pas un jour dans ce pays sans qu’on parle de restructurations ou de plans sociaux dans les filières industrielles », rappelle en introduction Jean-Philippe Magnen, qui ne cherche pas à dissimuler la mauvaise santé du tissu productif français. Car la pilule est en effet dure à avaler : en 30 ans l’industrie française a perdu 2 millions d’emplois dont plus de 750 000 ces dix dernières années et 60 000 pour la seule année 2013 ! Sa contribution à la richesse nationale est passée de 24 % en 1980 à 10 % en 2011, et « même si en Pays de la Loire nous résistons mieux que les autres régions françaises[1], personne ne peut croire que ce déclin ne va pas s’accentuer si nous ne faisons rien » enchaine Jean-Philippe Magnen.

 

Alors comment y remédier ? D’abord en mettant en lumière les pratiques contre-productives. A l’heure où, selon l’INSEE, les délocalisations seraient responsables de la destruction de 36 000 emplois par an, « à qui la faute ? », s’interroge Jean-Philippe Magnen. Il y a bien entendu une multitude de facteurs à prendre en compte, tel que la productivité élevée des salariés français par rapport aux autres pays européens[2], ou le progrès technique, qui sont des destructeurs d’emploi. Pour sa part, le Vice-Président a choisi d’en retenir 3 principaux:

 

  1. D’une part, l’incapacité des pays de l’Union Européenne à harmoniser par le haut la législation européenne, via des clauses sociales et environnementales, pour mettre fin au dumping social et donc aux délocalisations. A quoi s’ajoute le manque de volonté politique pour mettre en place une stratégie européenne industrielle commune, seule capable d’organiser le leadership européen en matière de filières industrielles d’avenir.

 

  1. D’autre part, la contre-productivité des politiques gouvernementales d’austérité et de réduction des dépenses des services publics (-53 milliards d’ici 2017) qui inhibent la commande publique et donc la demande intérieure en direction de notre industrie. Sur un autre plan, le pacte de responsabilité (baisse du coût du travail et allégement des cotisations sociales patronales[3]), le Crédit d’impôt compétitivité emploi et le Crédit d’impôt recherche sont de nouveaux outils taillés pour réduire les couts de production des multinationales mais qui ne bénéficient pas au tissu de petites et moyennes entreprises. « La faute serait au coût du travail, qu’il faudrait baisser pour rendre nos grandes entreprises compétitives dans un contexte de concurrence internationale exacerbé » s’indigne Jean-Philippe Magnen, « sauf que, en réalité, les gestionnaires des entreprises utilisent les profits supplémentaires rendus disponibles par ces mesures pour payer des intérêts aux créanciers, verser des dividendes, racheter leurs propres actions, ou spéculer[4]». Des cadeaux aux actionnaires des multinationales, donc, qui ne profitent ni à l’investissement[5], ni aux salariés, ni à l’économie réelle[6]. En outre, « pourquoi quand les petits payent leur impôt sur les sociétés au taux de 33 %, les grandes entreprises ne payent en moyenne que 8 % ? » s’interroge Jean-Philippe Magnen. Encore un signe du penchant français pour l’hégémonie de fleurons industriels plutôt que le développement d’un tissu productif de petites et moyennes entreprises innovantes.

 

  1. Enfin, le cruel manque de courage politique pour réorienter notre industrie vers les secteurs porteurs et en phase avec la contrainte énergie-climat. « C’est le drame de la France : elle n’a pas créé assez d’emplois dans les secteurs d’avenir pour compenser le déclin des vieilles industries. Je pense aux filières des énergies renouvelables, des transports collectifs et mobilités de demain, du bâtiment énergétiquement performant et des éco-matériaux, de la chimie verte, de l’agriculture biologique et de proximité » regrette Jean-Philippe Magnen. Mais qui dit reconversion des filières dit forcément reconversion des métiers et des formations. Sécuriser les parcours des salariés et améliorer l’offre de formation, c’est justement la mission de l’outil « compétences 2020 » initié par la région Pays de la Loire et qui vise à développer un accompagnement régional des mutations professionnelles, notamment par la formation tout au long de la vie vers les nouveaux métiers émergents.

 

Alors l’industrie en France, fin de l’histoire ? « Bien sûr que non ! » rétorque Jean-Philippe Magnen, « mais pour cela il va falloir comprendre qu’il est nécessaire, à la fois, d’encadrer mieux la finance et la gestion des profits, de donner sa chance à un tissu de petites et moyennes entreprises relocalisées, et de faire le deuil des fleurons industriels français du XX° siècle en réorientant notre appareil productif vers des pratiques post-carbone. Et pourquoi ne pas commencer, par exemple, par faire fonctionner notre système productif de façon circulaire en évitant le gaspillage et en privilégiant l’économie du recyclage, de la fonctionnalité, de réparation, et l’écologie industrielle, comme aux Pays-Bas ? ». Les idées sont lancées…

 

Pour aller plus loin :

 

 

[1] L’industrie des Pays de la Loire a perdu 9,4 % de ses salariés en 20 ans contre 23,9 % dans l’ensemble de la France de province.

[2] La productivité des français est de 58$ contre 55$ pour un Allemand et 44$ en moyenne dans les pays de l’OCDE.

[3] On pense notamment à l’extinction du financement par les entreprises de la branche famille de la protection sociale.

[4] En 10 ans, les dividendes ont atteint 9 % de la valeur ajoutée pour les sociétés non-financières.

[5] Depuis plusieurs décennies la part des dépenses des entreprises françaises en R&D stagne entre 2,1 et 2,3 % du PIB.

[6]Aujourd’hui, 98% de la masse monétaire mondiale est mobilisée dans l’économie virtuelle des marchés financiers et seulement 2% est réinjectée dans l’économie réelle, qui correspond pourtant aux échanges vitaux du plus grand nombre.

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