Partant du principe que la dignité de tout un chacun, pour lui-même et sa famille, est de pouvoir se loger, se nourrir, se soigner, nous ne pouvons nous cantonner à un simple témoignage d’empathie face à la pauvreté et aux exclusions sociales liées au mal logement. Nous devons enclencher une véritable rupture en termes d’analyses et de perceptions, en termes des solutions nouvelles à proposer. Le projet pour la grande région Midi Pyrénées Languedoc Roussillon doit s’inscrire dans la volonté de s’attaquer aux inégalités par la redistribution nécessaire que cela induit, même en raison de crises persistantes. Reste que lutter contre la pauvreté, ce n’est pas seulement redistribuer, c’est aussi développer des politiques plus générales qui évitent l’extension et la reproduction de ces phénomènes.
Bien entendu, si nous sommes conscients de ces réalités, si nous sommes reconnaissants envers les associations qui aident les plus démunis, nous ne pouvons que constater que cela n’est plus suffisant. Ce sont les mêmes solutions, bricolées en urgence, qui conduisent au final à voir progresser les situations de précarité et persister les difficultés pour des millions de personnes en dépit du principe de continuité des actions de prise en charge.
Selon la Fondation Abbé Pierre, « La situation du logement s’aggrave sur tous les fronts en France » : 693 978 personnes sont dépourvues de logement personnel en France (dont 141 500 Sans Domicile Fixe), 3,6 millions sont non ou mal logées et plus de 5 millions sont fragilisées. Malgré un constat sans équivoque, il convient de redonner espoir en la force publique ; les nouvelles sur le front du logement ne sont pas bonnes. L’accueil d’urgence est submergé par une demande croissante à laquelle il ne peut répondre. L’hébergement d’insertion ne parvient pas toujours à assurer la sortie vers un logement des personnes accueillies. Si le nombre de logements sociaux a augmenté (49 300 logements mis en service en 2014), tous les segments de l’offre d’hébergement ou de logement social rencontrent des difficultés majeures pour répondre à la demande sociale. Bien des efforts sont également à être effectués concernant les financements de nouveaux logements et l’amélioration de l’isolation et de la consommation énergétique de l’existant. C’est maintenant que la « Mobilisation générale pour le Logement » doit se traduire dans les actes à travers des décisions politiques qui s’inspirent du « Contrat social pour une nouvelle politique du Logement » de 2012.
Languedoc Roussillon et Midi Pyrénées sont des régions attractives (environ 60 000 nouveaux habitants supplémentaires en moyenne chaque année depuis 10 ans), à la fois pour leur qualité de vie, et le dynamisme économique de Montpellier et Toulouse. Cette attractivité et cette forte croissance démographique ne doivent pas masquer une autre réalité, un taux de chômage et un taux de pauvreté bien supérieurs à la moyenne nationale.
Cette situation a des conséquences directes sur la problématique du logement, avec un nombre de demandes de logements à loyers modestes bien supérieur à l’offre existante, un parc social sous dimensionné et très inégalement réparti sur l’ensemble du territoire.
En 2015, les difficultés d’accès au logement sont toujours très présentes et les fractures territoriales à l’échelle de la ville ou du territoire national continuent de se creuser. Dans ce sens, nous devons réaffirmer quatre enjeux majeurs pour atteindre les objectifs de lutte contre la précarité et pour la dignité et le bien être de tous: Produire suffisamment de logements pour répondre aux besoins sociaux, Maîtriser les loyers et améliorer la couverture des aides au logement, Refonder la politique de Solidarité en faveur des sans-abri et des mal-logés, Poursuivre la rénovation urbaine et Relancer la politique de la ville. Face à l’urgence sociale il faut donc, ne plus hésiter à oser, à passer à l’action.
En effet, après des mois de progression du chômage et une croissance trop timide, le préoccupant développement des formes de travail précaire et le manque grandissant d’efficacité des aides publiques et du régime de protection sociale, le nombre de personnes en difficulté de logement ne cesse d’augmenter. Outre le faible prorata de logements sociaux disponibles et les difficultés d’accès aux logements du parc privé par des travailleurs pauvres, la hausse des prix augmentant la part du logement dans le budget des ménages amènent inexorablement bon nombre de locataires vers des situations d’impayés, de surendettement.
Dans le fait d’investir massivement dans le logement, si l’on croise les chiffres de la Fondation Abbé Pierre et ceux du patronat du bâtiment (construire en France entre 400 et 500 000 nouveaux logements vraiment sociaux), il faut voir la possibilité, l’avantage de créer entre 250 000 et 300 000 emplois en trois ans. Car oui, « Investir dans le logement est rentable car, chaque mois, il y a des loyers qui rentrent. Tous les calculs montrent que, sur vingt‐cinq ans, investir dans la construction de logements est aussi rentable et nettement plus sûr et plus juste que d’investir sur des marchés financiers qui peuvent s’effondrer du jour au lendemain. De plus, en rééquilibrant le marché, une vraie politique du logement fait baisser les loyers de millions de locataires et distribue du pouvoir d’achat à des millions de ménages. »
Naturellement, et afin de faire face à ces enjeux, il ne convient pas seulement de soutenir la production de logements. La mobilisation du foncier public en faveur du logement, le renforcement des obligations de production de logement social, l’encadrement des loyers ou la loi SRU prédisposant une part de logements sociaux sur le territoire des communes, peuvent aisément être complétés par des dispositifs alternatifs, complémentaires, simples et efficaces.
Selon l’INSEE, on compte 34,7millions de logements en France et le poids des logements vacants tend à remonter ces dernières années (6,9% en 2009 et 7,9% en 2014). En raison des tensions sur les marchés immobiliers, la lutte contre la vacance dans le parc privé, pour augmenter le nombre de logements disponibles et abordables, devient un levier incontournable dans la politique du logement. En effet, s’il est possible d’imaginer de la construction neuve dans les villes moyennes où des surfaces sont encore disponibles, cela est bien moins vrai dans les grandes unités urbaines qui sont des zones à forte densification de population et où la progression de la demande est en inadéquation avec la demande.
A un moment où des milliers de personnes éprouvent des difficultés à se loger, la vacance de logements est un véritable gaspillage, une inefficacité économique. Outre une vacance « structurelle » des biens inadaptés (où les propriétaires auraient de lourds travaux de rénovation à réaliser), il existe une rétention à des buts spéculatifs. D’après l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), le nombre de logements vacants se situe actuellement entre 1,8 et 2,5 millions. Il est possible, en créant des synergies, d’aider à la rénovation de ce parc privé et/ou de tabler sur une refonte fiscale incitative, et espérer la mise sur le marché, dans un délai raisonnable, d’au moins 25% de ces logements.
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