En analysant entre les lignes le communiqué très alambiqué de la Région Languedoc-Roussillon (en lien à la fin du texte), on comprend que la généralisation du train à 1 € soit un échec en ce sens qu’elle a voulu inciter à l’utilisation accrue de lignes TER insuffisamment fréquentées (entre autre les ligne Nîmes – Alès – Langogne, Narbonne – Carcassonne – Castelnaudary…) et que cela s’est traduit par près de 500 billets par jour non vendus mais bien payés à la SNCF.
On y lit ainsi que « le contingent de billets mis en vente exclusivement via le site Internet (www.train1euro.fr) a été consommé à 60 %, soit 710 ventes en moyenne pour une offre d’environ 1 200 billets par jour » et donc de 440 000 billets à 1 € sur l’année, non compris les 5 lignes « TER à 1 € » historiques (Carcassonne-Limoux-Quillan, Béziers-Ceilhes-Roqueredonde, Labastide Saint Laurent-Marvejols, Perpignan-Villefranche Vernet les Bains et Nîmes-Le Grau-du-Roi).
500 ventes quotidiennes ne sont pas effectuées alors même que la Région Languedoc-Roussillon verse à la SNCF une subvention pour 1200 ventes quotidiennes.
D’où la réaction de la Région qui indique avoir « triplé le nombre de places à 1 € mises en vente sur les trains régionaux les plus fréquentés » (tout en restant dans le quota de 1200 billets à 1 €). Mais ce qu’oublie de dire la Région Languedoc-Roussillon, c’est qu’elle a simultanément réduit et à due proportion le quota de places à 1 € mises en vente sur les trains régionaux les moins fréquentés (entre autre sur les ligne Nîmes – Alès – Langogne, Narbonne – Carcassonne – Castelnaudary…) après avoir constaté, d’une part, que la demande se portait d’abord et essentiellement sur les trajets de l’artère littorale Cerbère-Avignon, en particulier les parcours Perpignan-Montpellier, Montpellier-Nîmes et Nîmes-Montpellier, et, d’autre part, que le très grand nombre de messages « nombre de places offertes épuisé » générait une perception négative de l’opération « TER à1 €« .
Explications :
Comme pour la gratuité des transports urbains, l’utilisation du seul levier tarifaire ne suffit pas à augmenter l’usage du transport public, ferroviaire et/ou routier. Les « leviers » les plus importants pour augmenter sa fréquentation sont des fréquences quotidiennes élevées et une amplitude journalière large, sans oublier les autres leviers que sont la politique d’arrêts et la durée relative des déplacements vis à vis de la performance du transport individuel motorisé.
Le fait que la demande se porte essentiellement sur les trajets de l’artère littorale Cerbère-Perpignan-Narbonne-Nîmes-Avignon, où fréquences élevées se conjuguent avec une amplitude journalière large, le démontre. Plus de 50 TER circulent quotidiennement sur cet artère entre 5 h et 23 h, deux sens confondus, contre la moitié environ entre Narbonne et Carcassonne, deux sens confondus également, avec des intervalles de plus de trois heures entre deux TER successifs en matinée et dans l’après midi, une ligne qui manifestement suscite peu d’intérêt pour le TER à 1 €.
Entre 2004 et 2010, la Région Languedoc-Roussillon a augmenté globalement l’offre de 20% ; depuis 2010, l’offre s’est globalement maintenue sur l’artère littorale Cerbère-Avignon, mais s’est contractée régulièrement sur les autres lignes, réduisant ainsi leur attractivité.
Pour comparaison, le TER Alsace (1,9 millions d’habitants environ) transporte quotidiennement 85.000 voyageurs (source : http://www.ibikestrasbourg.com/2014/11/la-region-alsace-augmente-loffre-de.html) alors que le TER Languedoc-Roussillon (2,6 millions d’habitants environ) transporterait quotidiennement 23.000 voyageurs.
En Alsace, sans TER à 1 €, chaque habitant utilise 5 fois plus le TER qu’un habitant du Languedoc-Roussillon.
Quelle conclusion en tirer ?
L’incantation tarifaire ne suffit pas à réaliser une politique des transports publics attractive, qui suscite du report modal ; le maillage, spatial (maintenir et rouvrir des lignes/arrêts) et temporel (fréquences élevées et amplitude journalière large), est une condition nécessaire (permettant de créer l’effet réseau qui facilite la mobilité par les transports publics) auquel il convient de rajouter des temps de trajets attractifs sans oublier une tarification optimisée.
Faut-il supprimer le TER à 1€ ?
Sur les 2,6 millions d’habitants du Languedoc-Roussillon, sans prendre en considération les 5 lignes « TER à 1 € » historiques (Carcassonne-Limoux-Quillan, Béziers-Ceilhes-Roqueredonde, Labastide Saint Laurent-Marvejols, Perpignan-Villefranche Vernet les Bains et Nîmes-Le Grau-du-Roi), le TER à 1 € ne touche que 440.000 « clients », soit 15 % de la population ; mais nombre d’acheteurs du TER à 1€ sont des initiés qui préemptent les ventes, certains n’hésitant pas à les acheter 2 à 3 semaines à l’avance, quitte à ne pas les « consommer » du fait de leur faible valeur unitaire. Gageons que l’on est plus proche des 1 % que des 15 %.
Est-il acceptable par ailleurs que la tarification du TER en Languedoc-Roussillon soit « balkanisée » en trois catégories avec ceux qui utilisent l’une des 5 lignes « TER à 1 € » historiques, les initiés qui arrivent çà bénéficier de cette tarification pour des longs trajets sur l’artère littorale et ceux qui ‘entre pas dans l’une des deux catégories précédentes ?
Entre 1 € quel que soit la distance et 10 € à plein tarif, correspondant à une distance moyenne de 50 km (Montpellier – Nîmes, Montpellier – Agde), on doit pouvoir élaborer une politique équitable territorialement, attractive vis à vis du transport individuel motorisé, solidaire vis à vis de ceux ayant besoin de se déplacer malgré leur faible capacité contributive, organisée par zone tarifaire, distinguant les utilisateurs occasionnels, réguliers et quotidiens (abonnés), tenant compte de la capacité contributive des voyageurs.
Les recettes annuelles du TER Langudeoc-Roussillon tourneraient autour de 50 millions d’€, la contribution de la région autour de 110 millions d’€. La vraie généralisation du TER à 1€ couterait autour de 40 millions d’€ par an. A titre d’illustration, cette somme (40 millions d’€) permettrait la modernisation complète de Carcassonne – Quillan, ou la modernisation complète en deux ans à raison de 40 millions d’€ par an de la voie du Train Jaune, ou l’achat (la 3° année) de 5 à 6 automotrices performantes pour le Train Jaune, ou la création d’une bonne centaine de relations ferroviaires supplémentaires quotidiennes sur les lignes actuellement en déficit notoire d’offre comme Nîmes – Marseille, Nîmes – Clermont-Ferrand, Nîmes – Le Grau du Roi …. sans oublier qu’existe des lignes fermées depuis plus ou moins longtemps qu’il conviendrait de rouvrir, telles la Rive Droite du Rhône (Nîmes – Bagnols/Cèze – Valence), Alès – Bessèges, Perpignan – Elne – Le Boulou – Céret, Montpellier – Pézenas – Bédarieux … liste non limitative.
Alors que la Région ne dispose quasiment d’aucun levier fiscal et que l’état réduit chaque année sa contribution financière, la fausse généralisation du TER à 1 €, malgré son faible coût « apparent » (3,5 millions d’€ par an), de par son caractère « inéquitable » doit être supprimée et remplacée par une tarification équitable et solidaire.
Source : http://www.laregion.fr/actualite/619/44-profitez-pleinement-du-train-a-1-.htm
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