Jean-Christophe, je ne viendrai pas ce week-end

Jean-Christophe, je ne viendrai pas ce week-end

Cette semaine illustre à elle seule la violence de l’injonction lancée par le Parti socialiste de Jean-Christophe Cambadelis à ses « partenaires » et qui pourrait se résumer ainsi : aidez nous à perdre sans que cela ne se voit trop.

Jean-Christophe Cambadelis a estimé hier matin à 200 000 votants le succès de son référendum pour, selon ses termes, une « large union de la gauche ». Le même matin on apprenait sur les mêmes ondes que les syndicalistes d’Air France venaient d’être arrêtés chez eux devant leurs familles pour avoir arraché la chemise de deux dirigeants. Toute violence est condamnable et je ne me risquerai pas à excuser celle exercée dans les locaux d’Air France.

Pour autant, regardons les choses avec lucidité. L’Etat et les collectivités territoriales ont massivement subventionné des aéroports sur l’ensemble du territoire et permis par de multiples aides plus ou moins cachées, le développement de compagnies low-cost en concurrence directe avec Air France. Ces pouvoirs publics ont par là-même imposé une forme d’harmonisation par le bas des conditions de salaires dans les compagnies aériennes. Ils ont fragilisé Air France par une mise en concurrence sauvage. Ils ont de ce fait multiplié les vols à bas coûts et fait exploser les émissions de carbone de ce mode de transport dont le pouvoir de nuisance sur le climat est bien plus important que n’importe quel autre moyen de transport.

En faisant cela ces pouvoirs publics ont de maintes manières contribué aux 9000 licenciements déjà effectués à Air France et ont poussé aux 2000 nouveaux envisagés par la direction. Et tout cela a été fait alors que l’Etat est au capital d’Air France ! Et voilà qu’hier en plus de ce travail de sape souterrain et incroyablement dangereux, la cerise sur le gâteau est arrivée par l’arrestation des syndicalistes sous un gouvernement de gauche.

Alors profondément la question n’est pas dans le sort des chemises mais bien dans cette question à laquelle Jean-Christophe Cambadelis se garde bien de répondre : s’unir, pour quoi faire?

Le Gouvernement « Hollande 2, Valls 1 » s’est montré incroyablement fort avec les faibles et complaisant avec les lobbies. Cela a été vrai à Sivens, ça l’a été aussi face à la FNSEA qui n’est jamais réellement inquiétée pour ses dérives. Ça l’est encore en brisant la nuque de ces syndicalistes d’Air France, en les humiliant au nom de l’exemple. Ce gouvernement a anéanti seul le printemps 2012 que nous appelions de nos vœux et pour lequel j’ai moi-même voté au second tour.

Il faut que la violence symbolique, et parfois physique, cesse contre le peuple de gauche et contre celui de l’écologie. Il faut qu’elle cesse et qu’elle cesse immédiatement avant qu’un fossé irrémédiable ne se creuse. Le pire, dans cette tragédie, consiste finalement en cette audace d’inviter ceux que le gouvernement méprisent à aller voter à « son » référendum.

A la menace Marine Le Pen, spécialiste incontestée des « y a qu’à, faut qu’on », Jean-Christophe Cambadélis, ne propose au fond qu’une union de façade au premier tour, une addition de logos pour dissimuler la frayeur, et finalement, l’impuissance politique.

S’entêter dans cette mascarade référendaire, c’est montrer avec force la vacuité du projet, la faiblesse de l’adhésion populaire et c’est in fine réaliser un coup de force de plus. Nous sommes à la croisée des chemins et devons prendre les questions sociales et écologiques de front. Oser affirmer qu’elles sont des priorités absolues. Il nous faut sortir de la pensée selon laquelle le triptyque productivité/compétitivité/attractivité soit l’alpha et l’oméga de toute pensée progressiste.

La préservation des hommes et des femmes ainsi que de la planète sur laquelle nous vivons est la colonne vertébrale de notre Rassemblement pour la grande région Nord Pas de Calais – Picardie. Elle est le moteur de notre réflexion et elle sera la ligne dont nous ne dérogerons pas une fois élus. Notre projet est antinomique avec la rupture de dialogue social.

Donc non, je ne me déplacerai pas le week-end prochain, je préfère mener campagne. Samedi je serai dans la Somme, à Brouchy, pour la restitution d’une dizaine de forums participatifs que nous avons organisé sur l’ensemble du territoire régional et auxquels sont venus des militants mais aussi de simples citoyens qui y ont vu un espace de dialogue pour parler du projet, pour échanger sur les attentes, leurs besoins, leurs valeurs.

Ce référendum est une brindille qui cache la foret du renoncement et de l’auto-dissolution de la social-démocratie dans une économie ultra-libérale destructrice des hommes et de la planète. A la politique de l’autruche qui consiste à s’enfoncer toujours plus la tête dans le sable nous répondrons au contraire en levant la tête et en portant haut nos valeurs.

Sandrine Rousseau

Tribune publié le 13 octobre à retrouver sur le Huffington Post:

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