Discours de clôture de la plénière d’ouverture des journées d’été des écologistes à Villeneuve d’Ascq le jeudi 20 août 2015 sur le thème de la santé environnementale.
Seul le prononcé fait foi.
Madame la Ministre,
Chers ami-es,
Tout d’abord bienvenue à Villeneuve d’Ascq pour ces journées d’été des écologistes. Dès ce matin, nous démontrons notre souci de réinterroger en permanence nos fondamentaux. Nous travaillons ici sur le fond, loin des querelles de chapelle, et je nous en félicite.
Je remercie bien sûr les intervenants de cette plénière, et notamment Génération Cobayes qui mène un combat essentiel contre les perturbateurs endocriniens, avec humour et conviction. Je remercie aussi l’un de mes colistiers ici dans cette région Nord Pas de Calais – Picardie : François Veillerette, porte-parole de Générations futures et tête de liste des écologistes pour le département de l’Oise.
Merci aussi à Michèle Rivasi, Jean-Louis Roumégas et Alain Ciccolella. A l’image de Gilles-Éric Séralini que j’ai rencontré dans l’Aisne dimanche, vous combattez sans relâche les lobbys qui nous empoisonnent. Vous êtes de précieux lanceurs d’alerte.
Et merci bien sûr aussi à Marisol TOURAINE, qui est venue nous faire part de son engagement sur ce sujet. Nous ne pouvons que nous féliciter de ses déclarations et de ses intentions. Malheureusement je crains qu’elles ne soient insuffisantes tant la situation appelle sans attendre à des actions d’ampleur. Bien sûr je n’oublie pas le chemin parcouru par cette loi de santé que nous soutenons, ni les amendements qui pourront encore être adoptés, souvent à l’initiative de nos groupes de parlementaires.
Mais la politique des petits pas est-elle suffisante face à l’urgence sanitaire, écologique et sociale ?
Et comment peut-on prétendre développer une politique de santé environnementale ambitieuse en maintenant la prime au Diésel, en abandonnant la taxe poids lourds et l’autoroute ferroviaire du Pas-de-Calais aux Landes, en soutenant l’agriculture intensive et ses pesticides, en persévérant dans un modèle économique qui nous rend malades ?
Ce midi finalement, c’est aussi le Ministre de l’économie que nous aurions dû inviter pour répondre à ces questions.
II nous faut aujourd’hui changer de braquet, sortir des logiques d’accompagnement, des pansements sur jambes de bois. Dans cette région peut-être encore plus qu’ailleurs, nous attendons des actes, et surtout des résultats.
Notre région Nord Pas de Calais – Picardie est une région accueillante, dynamique, une région ouverte. Une région qui a démontré dans l’Histoire les sacrifices qu’elle pouvait consentir pour l’intérêt général, mais aussi hélas, les sacrifices qu’elle a consenti pour quelques points de PIB.
Nos forêts ont été défrichées, notre sol a été creusé et pollué, notre eau a été contaminée, notre air a été saturé de particules fines. Force est de constater que la santé des habitants de cette région a été ignorée pendant des décennies.
Aujourd’hui notre région ne demande qu’une chose. Et nous ne demandons pas de privilèges, nous ne demandons pas de traitements de faveur, nous ne demandons qu’une chose : la justice. Oui, nous demandons à être traités sur un pied d’égalité, à avoir notre juste part. Et cela ne peut se traduire par une baisse des dotations aux hôpitaux de notre région… Nous demandons à avoir les moyens de restaurer notre environnement pour vivre en bonne santé. Nous demandons à ne plus avoir peur pour nos enfants quand on annonce un nouveau pic de pollution.
Cette demande n’est pas un caprice de bobos. La santé environnementale, c’est une urgence sociale. C’est une urgence sociale depuis la silicose qui encrassait les poumons des mineurs, jusqu’à l’amiante qui empoisonne encore les ouvriers à qui on a caché un scandale sanitaire. C’est une urgence sociale, quand l’on entasse les plus vulnérables d’entre nous dans des HLM délabrés en bordure d’autoroutes.
C’est une urgence sociale, quand un ouvrier meurt en moyenne 7 ans plus tôt qu’un cadre. Les citoyens malades n’ont pas à payer pour les pollueurs. Il est temps d’avoir le courage politique de renverser cette logique mortifère. Et je le répète ici : l’écologie n’est jamais punitive, c’est l’absence d’écologie qui est punitive !
Que voulons-nous ? Développer le soin ou éviter les maladies ? S’attaquer aux causes ou gérer les conséquences ? Prévenir ou guérir ?
Ivan Illich nous a appris il y a 40 ans que : « Le niveau de santé ne s’améliore plus alors qu’augmentent les dépenses médicales. Il faut donc conclure soit l’inefficacité globale croissante de l’entreprise médicale, soit que la société devient rapidement plus malsaine ». La réponse est sans doute un peu des deux.
Les pouvoirs publics ont réussi à faire croire que la santé ne se résumait qu’au soin, alors que nous savons ici que 70 à 80% de l’état de santé d’une population dépend de son environnement. Alors que 83% des dépenses de l’assurance maladie concernent les maladies chroniques !
Nous ne vaincrons pas le cancer en nous contentant d’augmenter le nombre d’IRM, même si c’est nécessaire. Nous le vaincrons en prévenant les comportements à risque mais surtout en éradiquant les polluants de notre environnement, en sortant de la malbouffe, en purifiant notre air et notre eau, en restaurant notre biodiversité.
Notre région compte 560 sites pollués, 600 km de cours d’eau contaminés, notamment aux métaux lourds. Et face à ce drame environnemental et sanitaire, certains élus chipotent sur l’extension du périmètre de sécurité autour du site pollué de Métaleurop, à quelques kilomètres d’ici ! Nous devons engager un plan de dépollution massive de nos sols, et intégrer ces coûts dans le calcul de rentabilité des entreprises polluantes.
Notre région est aussi une succession d’openfields où l’on épand sans compter ces pesticides que l’on retrouve dans les cheveux de nos enfants. En France, 70 000 tonnes de pesticides sont utilisés par les agriculteurs. 2 000 tonnes pour les collectivités et entreprises et 8 000 tonnes par les particuliers.
Interdire Monsanto pour les seuls particuliers est une mesurette. Nous devons nous attaquer au modèle agricole productiviste dans son ensemble. Nous devons refuser les fermes-usines de 1000 vaches, 4500 porcs ou 250 000 poules pour préserver notre environnement, nos sols, notre air et notre santé. Mais aussi pour préserver la santé des agriculteurs qui sont les premières victimes des errements de la FNSEA.
Notre région est traversée de poids lourds, qui viennent déverser des produits bas de gamme dans toute l’Europe. Elle compte deux fois plus de kilomètres d’autoroutes et de routes nationales que la moyenne nationale ! La conséquence ? C’est 280 000 asthmatiques dans cette région. Et seulement 8 conseillers médicaux en environnement intérieur ! Et quelle est la réponse du gouvernement ? L’abandon de la taxe poids lourds ! Le refus même d’en débattre à l’occasion des prochaines élections régionales.
Pour engager une politique de santé environnementale, il faut du courage politique. Il faut cesser de considérer que l’état de santé du patient ne relève que de sa responsabilité individuelle. Nos maladies sont le fruit de choix politiques dépassés, de résignations face aux lobbys, de compromissions et de sacrifices.
Notre santé est politique, profondément politique. Nos cancers sont politiques. Nos maladies environnementales sont politiques.
Et je remercie celles et ceux qui s’engagent déjà dans nos territoires. Celles et ceux qui résistent, celles et ceux qui créent, celles et ceux qui sèment les graines du monde de demain. Les initiatives sont nombreuses, notamment dans notre région Nord Pas de Calais – Picardie. Nous sommes une région innovante et créative. Nous l’avons toujours été, avec le premier lycée HQE de France ou encore la première éolienne d’Europe.
De Loos-en-Gohelle à Grande-Synthe, de nos élus lillois aux conseillers régionaux sortants, nous avons entamé, non sans résistances, cette transition que nous appelions de nos vœux. Je pense bien sûr à Jean-François Caron ou encore Damien Carême qui développent des politiques exemplaires dans leurs communes, avec l’isolation des logements, le bio dans les cantines, la nature en ville. Ils ne font pas de la politique sans les habitants mais avec eux. Ils ne font pas de la politique contre les habitants mais pour eux.
Cet engagement, il prend sa source dans les initiatives des acteurs de terrain. Qu’il s’agisse des lanceurs d’alerter, des collectifs ou des entrepreneurs responsables. Nous devons nous appuyer sur leurs réussites, mais nous ne pouvons plus nous en contenter. Nous devons généraliser les initiatives qui fonctionnent, sortir de l’expérimentation permanente en matière de santé environnementale car oui il y a urgence et oui nos propositions sont génératrices de mieux vivre pour toutes et tous !
Alors chers ami-es sur ces combats soyons unis, engageons cette bataille pour la santé ! Engageons cette bataille pour vivre mieux ! Faisons de cette région une pionnière en matière de santé environnementale !
Extrait du discours en vidéo:
https://www.youtube.com/watch?v=f7Es1YePYb4