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Stations de ski et réchauffement climatique : Éléments de réflexion par Yves Paccalet

04/02/2010

L’ours, le manchot et le skieur

Il tombe de moins en moins de flocons sur nos montagnes. Partout, les glaciers reculent – les « glacières », comme on disait au XIXe siècle. C’est vrai dans les Alpes comme dans les Pyrénées, en Himalaya, sur la cordillère des Andes ou les Rocheuses ; comme (déjà, semble-t-il) au Groenland et en Antarctique…

Je me souviens de mes hivers d’enfance, en Savoie, au hameau de Tincave, dans la commune de Bozel, où je vis à nouveau. Là, juste là,  à 1 300 mètres d’altitude, à l’adret du mont Jovet – face à ce qui s’appelle aujourd’hui « Courchevel ». Courchevel la superbe ; ou (selon l’idée morale qu’on s’en forme), Courchevel l’opulente ou la scandaleuse… Bien entendu, aussi, Courchevel la pourvoyeuse d’emplois directs ou indirects pour la vallée de Bozel, et bien au-delà…

Je me remémore mon enfance. Nous sommes en 1950, j’ai cinq ans, je viens d’entrer à l’école. Au matin, les hommes du village ont ouvert des chemins dans la neige : la couche est bien plus haute que mes trois pommes. L’institutrice nous propose ce qu’on appelle une « leçon de choses » : elle nous fait mesurer l’épaisseur cumulée sur le toit de la fromagerie. 1,80 mètre ! Jamais plus, à Tincave, je n’ai revu une telle quantité de poudreuse.

Je me souviens aussi de ce voyage scolaire à Chamonix, en 1955 : quelques mètres en contrebas de la gare du Montenvers, la mer de Glace est déjà là. On ne l’atteint, aujourd’hui, qu’après une interminable descente sur des échelles…

Je suis un esprit scientifique. Je me méfie de mes souvenirs et de mes impressions d’enfance. Hélas ! En matière d’enneigement, la mémoire ne me trahit guère. Concernant les glaciers, des mesures ont été faites. La régression est bel et bien là – de plus en plus marquée, de plus en plus rapide, de plus en plus inquiétante.

Il me revient en mémoire mes voyages en Arctique et la tragédie des ours polaires épuisés, affamés, sur une banquise rétrécie et amincie, qui se forme chaque automne un peu plus tard et fond chaque printemps un peu plus tôt… Parce qu’ils ne passent plus assez de temps sur la glace où vivent les phoques dont ils se nourrissent, les ours blancs du Grand Nord auront bientôt disparu.

Je me rappelle les missions que j’ai menées en Antarctique. Le destin des manchots n’est pas assuré. Ces oiseaux sont menacés parce que la banquise du Grand Sud se met à fondre et que le bouleversement des conditions écologiques locales tue les petites crevettes (le krill) qui constituent la base de leur alimentation.

Les ours blancs et les manchots sont les plus exposés sur le front du chaos climatique. Ils sont les premières victimes de l’effet de serre que nous provoquons en répandant dans l’atmosphère du gaz carbonique, du méthane, de l’ammoniac et bien d’autres déchets de nos industries, de nos chauffages, de nos transports et de notre agriculture.

Mais je sais, aujourd’hui, qu’un autre animal se trouve en première ligne dans cette guerre du climat : le montagnard. L’Homo montanensis, plus exactement sa variété des neiges, celui qui (de façon directe ou indirecte) tire sa subsistance des sports d’hiver…

La température moyenne de la Terre a augmenté de moins de 1 degré Celsius depuis le début de l’ère industrielle, mais de 1 degré supplémentaire aux deux pôles… et sur les montagnes !

Nos glaciers ne seront bientôt qu’un souvenir. Lorsque j’écrivais mes premiers articles sur le changement climatique, voici près de 30 ans, les spécialistes imaginaient qu’il n’y aurait plus de glaciers dans les Alpes en 2100. Les prévisions actuelles sont qu’il n’y aura plus de glaciers, mais pas en 2100 : en 2050. Et pas dans les Alpes : dans l’Himalaya ! Pour les Alpes, ce sera aux alentours de 2030. Dans vingt ans…

Sans glaciers, plus d’eau dans les torrents. Déficit hydrique dans les agglomérations de montagne, comme dans les jardins et les champs des vallées… Imaginons le phénomène : aucun barrage ne se remplit plus, ni ceux destinés à l’hydroélectricité (or, EDF en a besoin !), ni ceux qui servent à la fabrication de la neige artificielle, ce « miracle » technologique qui n’en est pas un… Je rappelle, ici, qu’en France, la consommation d’eau pour la neige de culture équivaut à celle de la ville de Grenoble ; et que la consommation d’électricité pour cet usage égale celle d’une ville de 500 000 habitants… Avec le réchauffement continuel du climat, il nous faudra soit renoncer à la neige de culture, soit y ajouter des cristaux d’iodure d’argent et d’autres substances chimiques capables d’élever le point de congélation du liquide…

La neige tombera de moins en moins sur nos sommets. C’est une certitude. Nous aurons encore des hivers blancs. Mais ce qui nous tombera sur la tête, ce seront surtout des pluies torrentielles, dont les eaux fileront vers nos vallées en inondations destructrices… C’en sera peut-être fini des stations de ski de basse et de moyenne altitude. En France, nombre d’entre elles ont déjà fermé ou sont en difficulté, dans les Cévennes, les Vosges, les Pyrénées… Même dans les Alpes, certaines d’entre elles ont mis la clé sous la porte : Céüse, dans les Hautes-Alpes ; Abondance, en Haute-Savoie (qui vient d’être « reprise » ; mais pour combien de temps ?). Demain, ne resteront ouverts aux sports de neige que quelques complexes de haute altitude. Dans vingt ou trente ans, on peut en faire le triste pari, beaucoup de stations actuelles seront abandonnées, vestiges d’une ruée vers l’or blanc qui aura duré, au total, moins d’un siècle.

Sauf adaptation intelligente…
Sauf reconversion énergique…

Le drame économique est devant nous : pour ce qui concerne les Pays de Savoie (Savoie et Haute-Savoie réunies), les chiffres sont implacables : 50 pour 100 du produit intérieur brut y sont fournis par le tourisme. Là-dessus, 80 pour 100 par le tourisme d’hiver – le ski et ses annexes…

Comment allons-nous gérer les prochaines décennies, sachant qu’en tendance, et pour donner des chiffres ronds, les Alpes du Nord perdront chaque année un centimètre de neige et une journée d’enneigement ? Sachant qu’en un demi-siècle, la limite pluie-neige est déjà remontée de 300 mètres ? Là où il neigeait naguère à 1 500 mètres, les flocons tombent aujourd’hui à 1 800…

Quels investissements allons-nous décider pour les 30 ans qui viennent, si dans 30 ans nous avons une saison plus courte d’un mois – même à Chamonix, à Val d’Isère, à Méribel, à Val Thorens ou à Courchevel ? Allons-nous fermer les yeux et nous contenter de prières ? Le ciel est un peu sourd, ces temps derniers…

Mieux vaut, me semble-t-il, regarder la réalité en face. C’est maintenant qu’il nous faut imaginer des solutions alternatives : un tourisme aussi vert que blanc… C’est plus facile à dire qu’à faire. Mais  incontournable. Indispensable. Urgent… Les responsables économiques et politiques doivent monter en première ligne de la première ligne de la lutte contre le chaos climatique en cours. Je me persuade qu’ils s’y préparent avec l’énergie requise.

Il est évidemment plus simple de regarder ailleurs. De cacher – et de se cacher – la vérité. Je souhaite que nous ne pratiquions plus jamais la méthode de l’autruche des montagnes, vous savez ? Ce nouveau Dahu qui se plante la tête dans ce qui reste de neige, afin de ne pas voir qu’il s’agit d’une substance immaculée, froide et merveilleuse, mais en voie de disparition…

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