«Ne pas faire des oukases en permanence»
Entretien sur Public Sénat
Le député européen EELV Yannick Jadot n’entend pas non plus « faire des oukases en permanence», explique-t-il à publicsenat.fr. S’il menace toujours que son parti ne vote pas le budget « s’il n’est pas bon », il préfère « tirer un bilan plus subtil des engagements de François Hollande ». Prenant « acte que l’accord de majorité parlementaire de novembre 2011 ne guide clairement pas l’action du gouvernement », Yannick Jadot appelle à « très vite discuter d’un accord de gouvernement ». Pour ce proche de Daniel Cohn-Bendit, « réduire l’écologie à l’écologie punitive et au rapport de force, c’est le pire service à rendre pour l’écologie ». Entretien.
François Hollande a-t-il répondu dimanche aux inquiétudes des écologistes ? Il y répondra surtout dans son discours de vendredi (lors de la conférence environnementale, ndlr). Il a clairement indiqué la nécessité de la transition écologique hier, qui n’est non pas une contrainte mais une nécessité et une opportunité. C’est important. On voit bien que le débat sur l’écologie est trop souvent caricaturé. La question ce n’est pas sur une nouvelle taxe, c’est « est-ce qu’on rapproche progressivement la fiscalité du diesel et de l’essence ? » Le président de la République a eu raison de rappeler que c’était une opportunité, une chance. Et c’est vendredi qu’on pourra savoir s’il entend poser des actes.
Diriez-vous comme le député Noël Mamère que l’ultimatum lancé samedi par Europe Ecologie-Les Verts a fait pschitt ? Non. On n’a pas lancé d’ultimatum. Effectivement, la conférence environnementale est un rendez-vous très important pour les écologistes. Puis il y aura le budget. Je m’inscris dans ce calendrier de l’automne pour pouvoir tirer un bilan plus subtil des engagements de François Hollande. Je remarque qu’en France le débat sur le gaz de schiste est clos, qu’il y a quand même eu un report de Notre Dame des Landes, que la France essaie de tirer les discussions sur le réchauffement climatique. Le Président lui-même dit qu’il faut aller vers la fiscalité écologique. C’est aussi le résultat d’une présence des écologistes au gouvernement. Le bilan de la première année est décevant mais si on n’était pas au gouvernement il serait bien pire.
Les écologistes ont manié à plusieurs reprises la menace, n’excluant pas de quitter le gouvernement. Faut-il garder plus de hiérarchie dans l’utilisation de cette menace ? C’est vrai qu’il faut manier cette menace avec beaucoup de précaution. Ce que nous devons profondément modifier – si on poursuit notre participation et je veux le croire – c’est notre méthode de travail. Trop souvent, la question écologique est ramenée à un rapport de force entre gouvernement et Europe Ecologie-Les Verts. Mais on n’arrive pas à débattre pour savoir si la transition écologique est bonne pour l’écologie ou le gouvernement. Il ne faut pas poursuivre ce rapport de force incompréhensible pour l’opinion publique. Il faut plutôt être dans la co-construction et démontrer que l’écologie est l’intérêt général de la France.
On est toujours amené à menacer pour que les choses soient entendues et qu’on commence à réfléchir. C’est dramatique. Il faut arriver à trouver un chemin d’explication qui soit autre chose. Il ne faut pas être dans le « qu’est ce qu’on donne aux écologistes pour ne pas avoir une crise politique gouvernementale ? »
Il faut absolument changer de méthode et avoir une forme de gouvernement qu’on n’a pas eu jusque là. On a eu en novembre 2011 un accord de majorité avec Martine Aubry. Mais dans la Ve République, tout ça disparaît avec l’élection du Président. Il faut donc très vite discuter d’un accord de gouvernement qui définisse la méthode et les objectifs en matière de transition écologique.
Europe Ecologie-Les Verts est au gouvernement depuis plus d’un an. N’est-ce pas faire les choses à l’envers ? On est d’accord. Mais prenons acte que l’accord de majorité parlementaire de novembre 2011 ne guide clairement pas l’action du gouvernement. Redéfinissons à la fois le cap de la transition écologique et la méthode. Puis expliquons-le aux Français ainsi que son utilité dans la sortie de crise.
Les écologistes doivent-ils sortir de la rhétorique du « retenez-moi ou je fais un malheur » ? Il faut qu’on soit dans la rhétorique de l’explication du bien fondé de nos propositions. On doit constater qu’aujourd’hui on n’a pas convaincu l’opinion publique sur la fiscalité. Mais c’est aussi la responsabilité du gouvernement et des forces politiques, donc aussi la notre. Réduire l’écologie à l’écologie punitive et au rapport de force, c’est le pire service à rendre pour l’écologie.
Et si vendredi, lors du discours de François Hollande à la conférence environnementale, le compte n’y est pas ? On sait que c’est un rendez-vous majeur. Nous évaluerons le discours du Président. Puis on va avoir le débat sur le budget au Parlement. Sur la fiscalité écologique, la résolution de l’Assemblée nationale est bonne. J’entends Christian Eckert, rapporteur de la commission des finances, dire qu’il faut faire de la fiscalité sur le diesel. On va avoir ce débat là. Ce sera aussi au Parlement de faire entendre sa voix. Mais si le budget n’est pas bon, s’il n’intègre pas d’éléments écologiques, nous ne voterons pas ce budget.
Mais vous savez déjà qu’il n’y aura pas d’augmentation sur la fiscalité du diesel dans le budget 2014… Est-ce que ce sera 0% d’augmentation en 2014, 2015 et 2016 ? Ou est ce qu’il faut réduire le cadeau fiscal fait sur le diesel ? Si on veut sortir de la logique du « retenez-moi ou je fais un malheur », il faut aussi attendre de voir ce qui va arriver. Je ne vais pas faire des oukases en permanence. On a bien conscience de la difficulté de notre participation gouvernementale. Au gouvernement, le débat sur l’écologie est beaucoup moins ouvert qu’au PS. Mais il faut convaincre l’opinion.