Député d’Europe Écologie-les Verts (EELV) au Parlement européen, Yannick Jadot participera à une table ronde consacrée au marché transatlantique, le 16 juin, aux assises pour changer de cap.
La France peut-elle influer sur la négociation sur le partenariat transatlantique ?
Yannick Jadot. Bien sûr. La France peut et doit influencer les discussions au sein du Conseil européen et, en l’état du mandat de négociation proposé par la Commission européenne, le rejeter. Cette négociation porte marginalement sur les droits de douane, déjà très faibles en moyenne. Elle porte sur les normes, les règles, les droits qui fondent notre cadre économique, mais surtout notre vivre ensemble. Ces choix de société ne peuvent être remis en cause en toute opacité, au service d’un dogme du libre-échange qui sert d’abord les intérêts des grandes firmes et qui a contribué aux crises dramatiques que nous connaissons. Nous faire croire qu’on va s’en sortir en utilisant les recettes qui nous ont mis au fond du trou n’est pas le moindre des paradoxes de cette négociation !
On parle beaucoup de l’exception culturelle, y a-t-il d’autres domaines menacés ?
Yannick Jadot. L’exception culturelle est un très bel arbre, mais il ne doit pas cacher la forêt des risques : services publics, OGM, viande aux hormones, volaille chlorée, indications géographiques, agriculture, marchés publics, accord commercial anti-contrefaçon (Acta), protection des données privées, marchés publics… Tout est sur la table, tout est négociable. Aussi grave, sinon plus, le renforcement des droits des investisseurs, qui pourront contester et potentiellement obtenir des dommages et intérêts considérables si des États ou des collectivités décident de nouveaux droits ou normes qui impactent leurs perspectives de profit. Des compagnies américaines, par exemple, demandent des centaines de millions de dollars de dédommagement au gouvernement québécois, qui a décidé d’un moratoire sur les gaz de schiste. La France est opposée à ce dispositif. Elle doit en faire une ligne rouge. Lionel Jospin, en 1998, avait bloqué les négociations de l’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) pour ces mêmes raisons.
La position à adopter vis-à-vis de ce partenariat transatlantique est-elle un sujet de débat à gauche ?
Yannick Jadot. Oui, parce qu’une partie des socialistes considère que cette négociation peut harmoniser « par le haut » les normes européennes et américaines. C’est une illusion, puisque l’agenda des deux côtés de l’Atlantique est clairement la « libéralisation compétitive », c’est-à-dire la soumission de l’intérêt général aux intérêts privés. C’est l’extension du modèle américain à l’Europe qui se joue ici. Est-ce que cela nous permettra de mieux peser vis-à-vis de la Chine ? Face au dumping chinois sur les panneaux photovoltaïques, on a vu Angela Merkel aider la Chine à diviser les Européens, incapables de défendre unis une industrie d’avenir, innovante et performante. Et c’est Merkel qui défend le plus le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. C’est dire que l’Europe ne pèsera pas lourd face aux États-Unis et qu’on nous prépare un « Otan de l’économie » !
Quelle attitude devrait adopter le gouvernement ?
Yannick Jadot. Comme en 1998 pour l’AMI, François Hollande et le gouvernement doivent stopper cette course folle qui se fait au détriment des citoyens et de l’économie européenne. Et porter en urgence le projet d’une relance et d’investissements qui contribuent à l’émergence d’un modèle européen, économique, social, écologique et démocratique.