Yannick Jadot : « Le rapprochement diesel essence ne va pas assez loin ! »

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Fiscalité écologique : « Le rapprochement des taxes diesel et essence ne va pas assez loin »

Réaction de Yannick Jadot pour FranceTVinfo

Instaurer dès 2014 une taxe carbone progressive d’ici à 2020, faire converger les prix du diesel et de l’essence. Telles sont les grandes lignes que l’économiste Christian de Perthuis devrait faire adopter, jeudi 13 juin, par le Comité pour la fiscalité écologique (CFE) qu’il préside. Membre de ce comité chargé de soumettre des propositions au gouvernement, l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot réagit pour francetv info aux mesures évoquées.

Lire l’entretien avec Yannick Jadot.

Notons par ailleurs Yannick Jadot avait écrit la semaine passée aux Ministres concernées et au Président du Comité pour leur proposer une solution plus opérationnelle.

Extraits de son courrier :

Madame  Delphine Batho, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie,

Monsieur Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances,

Monsieur Christian de Perthuis, Président du Comité pour la Fiscalité Écologique,

Le Comité pour la fiscalité écologique, mis en place par le Gouvernement, a recommandé le 18 avril l’examen d’un scénario de réduction de l’avantage fiscal qui favorise le diesel par rapport à l’essence dans le domaine des carburants automobiles. La priorité accordée à la fiscalité écologique avait été confirmée dans le cadre du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, dont les conclusions prévoient que 3 milliards d’euros de fiscalité écologique seront dégagés à l’horizon 2016. Cette priorité doit être réaffirmée et les mesures engagées dès le projet de loi de finances 2014.

L’écart de taxation entre le gazole et l’essence est aujourd’hui est totalement absurde

  • les automobilistes sont piégés par une l’illusion « diesel » qui consiste à leur faire payer plus cher une voiture à l’achat, surcoût que les trois quarts d’entre eux n’amortiront pas grâce au différentiel de prix par rapport à l’essence parce qu’ils roulent moins de 20 000 kms par an.
  • le diesel est particulièrement dangereux pour la santé et l’environnement et entrainerait près de 16000 morts par an dans notre pays, quatre fois plus que les accidents de la route !
  • le taux réduit de Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) du diesel par rapport à l’essence représente une dépense fiscale de près de 7 milliards d’euros par an (6,9 milliards en 2011 selon la Cour des Comptes) payée par l’ensemble des contribuables, y compris par ceux qui ont des véhicules essence
  • l’exception diesel française (le parc diesel est passé de 5% du parc automobile en 1980 à 60% aujourd’hui) est inadaptée à nos capacités de raffinage et nous coûte 16 milliards d’euros par an d’importations.
  • elle contribue aux problèmes de compétitivité du secteur automobile français

Il faut donc sortir de ce cercle vicieux où les automobilistes, les citoyens, les contribuables et la filière automobile sont perdants. Ce retournement de politique fiscale sur les carburants est néanmoins délicat puisque le piège du diesel a été encouragé par l’État et les constructeurs.

Faut-il aligner la fiscalité du diesel sur celle l’essence ?

La logique voudrait que, comme aux États-Unis, la fiscalité diesel soit plus forte que la fiscalité essence, pour prendre en compte la réalité des coûts, en particulier les conséquences dramatiques sur la santé et l’environnement. Mais l’alignement de la fiscalité diesel sur celle de l’essence doit se faire progressivement, en prenant en compte le pouvoir d’achat des ménages qui sont souvent captifs de leur voiture parce que confrontés à une insuffisance de transports collectifs. L’alignement de la fiscalité diesel doit aussi être conçu pour favoriser l’innovation dans le secteur automobile, pour les équipementiers comme pour les constructeurs, en orientant de manière forte notre industrie sur des modèles à forte efficacité énergétique et à faible émission de particules et de gaz à effet de serre.
Rendre compatibles nos objectifs de santé et d’environnement, de pouvoir d’achat et de compétitivité

Compte tenu de ces contraintes, auxquelles s’ajoutent l’engagement de stabiliser la pression fiscale en 2014, je me permets de faire la proposition suivante:

  • De baisser de 3 centimes/litre la fiscalité sur l’essence en 2014 et d’augmenter chaque année de 3 centimes/litre, jusqu’en 2017, la fiscalité sur le diesel
  • Pour limiter l’impact sur les automobilistes qui possèdent un véhicule diesel et pour redynamiser l’industrie automobile, la moitié des recettes fiscales perçues seraient investies dans une prime à la conversion du parc diesel. Cette prime, s’ajoutant au bonus écologique, serait conditionnée à d’un véhicule dont la consommation est inférieure à 3,5L/100 km et émettant moins de 90g de CO2/km parcouru.

Alors que la France fait actuellement l’objet de poursuites contentieuses au plan communautaire pour non-respect des valeurs limites applicables aux particules fines (PM10) qui résultent directement des sources d’émissions des transports et particulièrement des moteurs diesel dont les gaz d’échappement sont classés cancérogènes par l’OMS ; il est indispensable de rendre compatibles nos objectifs de santé publique, d’écologie, et de pouvoir d’achat avec nos objectifs industriels. Mettons à profit le fait que les groupes français soient bien positionnés sur les moteurs à faible consommation et faible émission de CO2 pour se doter d’une vraie ambition sur l’efficacité des moteurs. C’est ainsi qu’on créera des emplois qualifiés et peu délocalisables en favorisant l’ancrage industriel sur nos territoires.

Je vous prie… »

 

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