La Commission européenne vient d’annoncer des mesures anti-dumping portant sur les importations de panneaux photovoltaïques chinois. Yannick Jadot, député européen, vice-président de la commission du commerce international, qui mobilise le parlement européen sur ce sujet depuis plus d’un an, réagit:
« Les mesures prises par la Commission européenne pour contrer le dumping chinois sur les panneaux photovoltaïques sont tardives, provisoires et surtout moins ambitieuses que prévues. Elles offrent néanmoins un répit indispensable à une industrie qui était en train de disparaître, avec ses 25000 salariés, ses compétences, ses outils de production, tous victimes de la concurrence déloyale chinoise.
« La Commission européenne a été tenace sur ce dossier face aux menaces répétées et inadmissibles de la Chine et face aux pressions insupportables de certains États-membres ces dernières semaines. Elle a dû réviser à la baisse les mesures anti-dumping adoptées, en dessous du niveau de concurrence déloyale constatée dans les entreprises chinoises. L’évaluation même de la Commission est que le prix des panneaux chinois devraient être 88% au dessus du prix actuel en situation de concurrence loyale.
« Ce résultat amoindri et les conditions du processus de décision de l’UE sont très inquiétants pour l’industrie européenne, pour notre souveraineté énergétique et démocratique. En effet, la Chine, avec la complicité manifeste de l’Allemagne, est parvenue à créer la division au sein des Etats-membres comme au sein des acteurs de la filière photovoltaïque. Depuis plus d’un an, la Chine a en effet menacé de rétorsions d’abord les acteurs de la filière photovoltaïques, puis l’Europe, enfin les Etats-membres les plus fragiles qui dépendent pour partie des investissements chinois. «
L’Union européenne a maintenant six mois pour transformer ces mesures de protection et de sauvetage en politique industrielle.
Et Yannick jadot de poursuivre : « Quel avenir économique pour l’Europe si celle-ci abandonne à la Chine une industrie innovante, performante, compétitive en situation de concurrence loyale, destinée à être l’une des grandes industries de ce siècle, créatrice d’emploi, potentiellement présente sur tous les territoires ? Le Président Hollande et le gouvernement français, qui défendent le projet d’une relance européenne fondée notamment sur la transition énergétique, doivent convaincre leur homologues que l’intérêt général européen, l’unité et notre souveraineté énergétique et industrielle doivent prévaloir, que cette souveraineté européenne est le garant de relations fortes et équilibrées avec la Chine.
« L’Europe, en se dotant d’une politique industrielle dans les énergies renouvelables, doit aussi réconcilier les acteurs très inquiets de la filière, depuis les centres de recherche comme l’INES en Savoie, les industriels et toutes les activités aval. Adossée à des objectifs européens ambitieux en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 et à un environnement économique, juridique et financier stabilisé, la filière du photovoltaïque peut être l’acte de naissance d’une politique industrielle européenne. «
Ce qu’en dit LeMonde.fr
Panneaux solaires : divisée, l’Europe adopte des sanctions contre la Chine
Le Monde.fr | 04.06.2013 à 15h50 • Mis à jour le 04.06.2013Le commissaire européen Karel de Gucht a donc tranché. Accusée de dumping, la Chine voit désormais se dresser une muraille de taxes contre ses panneaux solaires exportés vers l’Union européenne. Ces taxe annoncées mardi 4 juin après-midi à Bruxelles pour venir à la rescousse des industriels européens déstabilisés par les bas prix pratiqués par la Chine pourront s’élever jusqu’à 47%.
Les autorités chinoises s’étaient pourtant mobilisées pour éviter ces sanctions. Le premier ministre Li Kaqiang avait encore assuré au président de la Commission européenne José Manuel Barroso, quelques heures avant la décision de Bruxelles, que les « intérêts majeurs » de son pays étaient en jeu et que des sanctions européennes étaient de nature à peser sur les relations sino-européennes.
DES DIVISIONS PROFONDES
Survenant après des mesures similaires décidées par les Etats-Unis, la décision de la Commission européenne masque difficilement de profondes divisions. Tout d’abord entre Etats membres. Recevant le premier ministre chinois à Berlin, le 27 mai, la chancelière allemande, Angela Merkel, avait fait part publiquement de son opposition.
« Dans cette affaire, Mme Merkel privilégie les intérêts allemands », estime le député européen Yannick Jadot (EELV), « elle redoute des rétorsions et par ailleurs les panneaux solaires sont faits avec des machines outils allemandes ». L’Allemagnen’est pas seule sur cette position. Selon M. Jadot, le lobbying des autorités chinoises, notamment auprès des Etats d’Europe orientale a été efficace. Un bloc conséquent de pays (les estimations vont de quatorze à dix-dix) sont opposés à la décision de taxer les panneaux solaires chinois.
Mais les divisions européennes ne sont pas que politiques. Au sein même de la filière de l’électricité produite avec de l’énergie solaire, qui marque le pas depuis des mois, des opérateurs doutent ouvertement de la pertinence d’un combat qu’ils jugent perdu d’avance. C’est notamment le cas de Thierry Mueth, président directeur général de la société Coruscant. Et président d’Enerplan, syndicat des professionnels de l’énergie solaire. Pour ce spécialiste de l’installation de panneaux solaires sur les parkings, le panneau ne représente qu’une partie du coût global d’une installation et son prix est voué selon lui à se réduire.
LE COUP DE FORCE EUROPÉEN A T-IL UN AVENIR ?
Dans le contexte de la pression sur les prix que peuvent se permettre les producteurs chinois, « réduire l’ambition de la France dans le solaire aux panneaux n’a pas de sens ». Yannick Jadot est d’un autre avis : « Si on ne fait rien face à la Chine, on se retrouvera au niveau européen dans le même cas de figure qu’avec la Russie, être tributaire d’un seul pays dans un secteur stratégique et d’avenir ».
Le coup de force européen a-t-il un avenir ? Yannick Jadot en convient lui-même : la décision de la commission se comprend également dans le contexte des délicates négociations à venir avec les Etats-Unis sur un traité de libre-échange. D’autant que les taxes qui ont été décidées ne seront en place que pour une période de six mois, sauf si une majorité simple des Vingt-Sept se prononçait pour leur prolongation, ce qui ne semble pas être le cas.
Six mois, un délai bien court pour tirer de l’ornière une industrie en piètre état. Pour preuve, le groupe allemand Bosch – qui a annoncé le 22 mars son désengagement du photovoltaïque – avait pris dans ses calculs l’hypothèse de cette taxation des produits chinois et avait jugé que cela ne serait pas suffisant pour regagner le terrain perdu, explique Harald Franck, porte-parole du groupe Bosch en France.
Anne Eveno et Gilles Paris
Bruxelles annonce l’instauration de taxes sur le solaire chinois (officiel)
4 June 2013
La Commission européenne a annoncé mardi l’instauration de taxes provisoires sur le solaire chinois, malgré les réticences de plusieurs Etats de l’UE et les craintes de représailles commerciales de Pékin.
« Aujourd’hui, la Commission européenne a décidé à l’unanimité d’imposer des taxes sur les importations de panneaux solaires chinois, les cellules photovoltaïques et les composants », a déclaré le commissaire en charge du Commerce, Karel De Gucht, lors d’une conférence de presse.
L’exécutif européen a opté pour des mesures graduelles: à partir du 6 juin, les taxes seront au taux de 11,8%, et passeront deux mois plus tard à 47,6% en moyenne si la Commission ne parvient pas à trouver un accord avec Pékin.
« La balle est dans le camp des Chinois », a estimé M. De Gucht en évoquant une « fenêtre d’opportunité ». « Il est clair que si la Chine n’apporte pas de solution d’ici le 6 août, des taxes plus élevées seront appliquées », a-t-il insisté.
« Ce n’est pas une mesure protectionniste », a assuré M. De Gucht, justifiant l’instauration de ces taxes en expliquant qu’il s’agissait d’une « mesure d’urgence pour donner un ballon d’oxygène à un secteur qui souffre » des pratiques de dumping de Pékin.
Les taxes entreront en vigueur jeudi pour une durée de six mois. Dans cet intervalle, la Commission va continuer à négocier avec la Chine, avec la volonté d’aboutir à une « solution amicale » et de suspendre ces taxes.
Elle espère qu’une réunion aura lieu « dans les semaines qui viennent » avec des responsables chinois « pour discuter de manière constructive » de tous les sujets ayant trait à leur relation commerciale.
« Nous sommes soulagés que la Commission européenne ait décidé de prendre des mesures concrètes pour lutter contre les pratiques déloyales chinoises, qui ont déjà couté des milliers d’emplois et la fermeture de 60 usines dans le secteur en Europe », s’est félicité le groupement d’entreprises EU ProSun.
A l’opposé, l’Alliance pour une énergie solaire abordable (Afase), qui regroupe des industriels opposés aux taxes, a affirmé que cela allait « sévèrement heurter le niveau de demande, ce qui entraînera des pertes d’emplois et portera un coup important à l’industrie solaire européenne ».
Bruxelles veut protéger l’industrie photovoltaïque européenne, dont la survie est menacée par les pratiques de dumping des industriels chinois. Quelque 25.000 à 30.000 emplois sont en jeu, selon des chiffres avancés par la Commission.
« La Commission a tenu bon face aux menaces formulées par la Chine, avec la complicité de l’Allemagne, et face aux pressions de certains Etats », a réagi auprès de l’AFP l’eurodéputé Vert Yannick Jadot. « L’UE a maintenant six mois pour sortir du piège de la division dans laquelle elle a été mise par la Chine et retrouver une ambition pour l’industrie du photovoltaïque, une des industries les plus prometteuses en Europe », a-t-il souligné.
Outre les autorités chinoises, la Commission a dû affronter plusieurs Etats membres qui se sont élevés contre l’instauration de ces taxes, en premier lieu l’Allemagne, premier partenaire européen de la Chine, qui craint des représailles commerciales. Dix-sept autres pays ont milité en faveur d’une solution négociée entre Bruxelles et Pékin.
La décision prise mardi « fait suite à une enquête sérieuse et à de nombreux contacts avec les acteurs de marché », a rappelé M. De Gucht en assurant que la Commission était « indépendante ».
SOLAIRE
Yannick Jadot : «Il ne faut pas abandonner aux Chinois l’avenir de la filière solaire»
5 juin 2013
Interview Le député européen écologiste se réjouit de la taxation des panneaux solaires chinois par Bruxelles. Mais déplore que Pékin ait réussi à «diviser les Etats membres».
recueilli par Coralie SCHAUB
Libération
La Commission européenne vient d’imposer des taxes antidumping sur les panneaux solaires importés de Chine. Ceux-ci seront taxés à compter du 6 juin, pour une durée de six mois. D’abord au taux de 11,8%, puis à 47,6% en moyenne à compter du 6 août si la Commission ne parvient pas à trouver un accord avec Pékin. La décision de Bruxelles fait fi des réticences de plusieurs Etats de l’UE et des craintes de représailles commerciales chinoises. Selon le Commissaire en charge du Commerce Karel De Gucht, il s’agit là d’une «mesure d’urgence pour donner un ballon d’oxygène à un secteur qui souffre» du dumping chinois. Interview du député européen EE-LV Yannick Jadot, qui défendait bec et ongles une telle action.
La décision de la Commission vous satisfait-elle?
Elle offre un répit absolument indispensable à l’industrie européenne, qui dégringole depuis deux ans du fait de l’inondation du marché mondial par les entreprises chinoises. Selon l’enquête qu’elle a menée pendant neuf mois, la Commission confirme que les panneaux chinois sont vendus à la moitié de leur coût de revient. Malheureusement, Bruxelles a réduit l’ampleur de ses mesures de rétorsion. Mais elle a fait face à des menaces répétées de la Chine et des pressions de certains Etats membres. Ce qui se joue, c’est la capacité de l’Europe à développer et à défendre des industries d’avenir.
Pourquoi ces mesures étaient-elles si importantes?
Les énergies renouvelables sont les énergies du XXIe siècle. La protection du climat, de notre santé et de l’environnement en dépendent, mais aussi la compétitivité de nos économies et l’emploi, puisque les énergies renouvelables en créent beaucoup. Elles permettent donc pour l’Europe de construire enfin sa souveraineté énergétique. C’est aussi une industrie d’avenir. Si on abandonne aux Chinois nos filières les plus compétitives, c’est que nous actons la fin de toute politique industrielle. Et puis la transition énergétique, c’est repenser localement les besoins et la demande, et offrir les réponses les plus durables. Concentrer en Chine une étape aussi essentielle est un risque lourd, sachant que ce pays n’est pas démocratique, qu’il use et abuse du dumping social, environnemental, fiscal et monétaire. Enfin, l’économie verte doit contribuer à offrir des emplois, y compris industriels.
Vous dites que ces mesures sont tardives et en dessous du niveau que vous auriez souhaité…
Les mesures proposées par la Commission il y a un mois étaient d’imposer des droits de douane en moyenne de 47%. Là, la commission impose un taux de 12% pendant 60 jours. Si les entreprises chinoises ne corrigent pas leur stratégie, alors la Commission imposera les mesures initialement prévues. Ce qui est dramatique, c’est que la Chine a réussi, avec la complicité de l’Allemagne, à diviser les Etats membres et à diviser les acteurs au sein de la filière photovoltaïque. C’est une atteinte grave à notre souveraineté que nous laissons faire.
Ces mesures suffiront-elles à sauver le photovoltaïque européen?
Elles offrent une bouffée d’oxygène. Cela ne suffira pas si les conditions d’une concurrence loyale ne sont pas maintenues après les 6 mois de mesures provisoires. Soit la Chine arrête ce dumping, soit les mesures anti-dumping doivent devenir définitives.
Que préconisez-vous d’autre, au-delà de ces mesures anti-dumping?
L’Europe des renouvelables doit marcher sur deux jambes. Une jambe politique avec des objectifs ambitieux et contraignants en matière de renouvelables à l’horizon 2030. Et une jambe économique avec d’un côté une politique industrielle qui favorise les partenariats, la recherche et l’innovation, et, d’un autre côté, un environnement économique et juridique stable, avec notamment des politiques de rachat d’électricité concertées et prévisibles.
Tout peut être remis en question dans six mois par les Etats : n’est-ce pas là que le début de l’histoire, le début des pressions?
C’est évidemment le début d’une lourde bataille puisqu’aujourd’hui une majorité des Etats membres est contre les mesures anti-dumping. L’Allemagne considère que ce n’est pas son intérêt économique; mais pendant combien de temps vendra-t-elle à la Chine ses machines-outils? D’autres pays ont dramatiquement besoin des investissements chinois et sont directement menacés. La France doit construire une majorité au conseil autour d’une transition énergétique plus ambitieuse et d’une industrie correspondante. Surtout, le débat sur notre souveraineté énergétique et industrielle doit être posé: peut-on dépendre durablement d’un seul fournisseur pour produire une énergie pourtant disponible infiniment? Voulons-nous que l’Europe se réduise à une économie de services?
Le WWF et d’autres ONG étaient opposées à ces taxes sur les panneaux chinois qui, en cas de taxe à 60%, menaceraient jusqu’à 242 000 emplois dans l’UE et nuiraient au décollage du solaire en Europe. Votre réaction?
Ces estimations ont été largement contestées. Elles ne reposent sur rien de sérieux. Je déplore que certains acteurs écologistes, légitimement inquiets par le contexte économique difficile pour les énergies renouvelables, soient prêts à sacrifier les acteurs industriels européens, même performants, pour obtenir les panneaux les moins chers possible. C’est un pari à très court terme car dès que la Chine aura acquis un quasi-monopole, le gouvernement chinois n’aura plus aucun intérêt à subventionnner son industrie et les prix remonteront.