Le libre-échange transatlantique ne sauvera pas l’Europe

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26 April 2013

Par Yannick Jadot Vice-président de la commission du commerce international et député européen Europe Ecologie-les Verts (EE-LV) Karim Zéribi Membre de la délégation pour les Etats-Unis et député européen Europe Ecologie-les Verts

L’Union européenne et les Etats-Unis pourraient engager, dès cet été, des négociations pour créer la plus grande zone de libre-échange au monde. Après plusieurs tentatives avortées depuis les années 90, la Commission européenne, poussée par Angela Merkel et David Cameron, remet le couvert sans lésiner sur les promesses : 1% de croissance annuelle supplémentaire, le boom de nos exportations et des emplois à gogo. Les Etats membres ont jusqu’en juin pour valider ou refuser le lancement des négociations.

Passons sur l’escroquerie intellectuelle : les bénéfices du libre-échange et de la dérégulation promis depuis vingt ans auraient dû nous donner une croissance économique supérieure à celle de la Chine ! Au contraire, cette logique néolibérale nous a conduits à une croissance nulle, à 27 millions de chômeurs, à toujours plus d’inégalités sociales et de prédation sur les ressources.

De quoi parle-t-on ? L’accord envisagé ne cherche pas à favoriser les échanges de biens et services par la réduction des barrières tarifaires : le commerce transatlantique représente déjà le tiers du commerce mondial et les droits de douane sont marginaux. Cette nouvelle étape de libéralisation concerne avant tout les cadres réglementaires, c’est-à-dire les règles, les normes, les droits qui régissent l’économie et le vivre ensemble, et traduisent, bien souvent, des choix de société décidés démocratiquement.

Côté américain le mandat est clair : c’est toujours plus d’OGM, l’arrivée dans nos assiettes de la volaille chlorée et du bœuf aux hormones, la remise en cause de la politique agricole commune (PAC). C’est encore plus de libéralisation des services, y compris certains services publics, les services culturels ou financiers. C’est la négation, en matière de propriété intellectuelle, des indications géographiques protégées, la menace sur les libertés numériques et les données privées. C’est, en matière d’investissement, plus de pouvoirs pour les groupes multinationaux, une capacité encore réduite pour les citoyens, les salariés, les Etats et les collectivités à défendre leurs droits ou à en instaurer de nouveaux s’ils remettent en cause les perspectives de profits privés.

On comprend alors que le journal allemand Die Welt dénonce lui aussi cet «Otan de l’économie» qui ne conduirait qu’à étendre définitivement à l’Europe le modèle américain !

On voudrait sacrifier ce qui nous reste de modèle européen, alors qu’on ne parvient pas à protéger notre industrie ? Absurde.

Aux Etats-Unis, la politique commerciale sert de manière pragmatique la politique industrielle. En Europe, elle se fonde sur une foi inébranlable dans les vertus du libre-échange, au risque de sacrifier nos usines et ceux qui y travaillent.

Ainsi, les dirigeants européens laissent-ils le groupe Mittal décider pour la sidérurgie européenne, mettre en concurrence les Etats, racketter les fonds publics, mener des restructurations brutales. Ils abandonnent aux Chinois notre industrie photovoltaïque, hier encore leader mondial.

Côté américain, en revanche, la sidérurgie bénéficie du programme Buy American, l’administration Obama a décidé depuis un an déjà de contrer le dumping chinois sur les panneaux photovoltaïques en imposant des droits de douane allant jusqu’à 250%, et les PME profitent d’un Small Business Act qui leur donne un accès privilégié aux marchés publics.

Quel modèle de développement voulons-nous pour l’Europe de demain ? C’est tout l’enjeu du moment. Avant d’engager des négociations commerciales, l’urgence est de protéger et de moderniser notre économie, en nous dotant d’une politique industrielle ambitieuse, d’une politique de transition écologique, d’une politique fiscale harmonisée et d’une politique de change qui nous protège des yo-yo délibérés du dollar et du yuan. La priorité est également de redéfinir l’accès à notre marché, en le conditionnant au contenu des importations en CO2, au respect des droits humains et de la liberté syndicale, de normes sanitaires et environnementales exigeantes.

En 1998, Lionel Jospin avait stoppé, au nom de la France, la négociation de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) qui renforçait, de manière totalement déséquilibrée, les droits des investisseurs étrangers. François Hollande doit porter l’ambition d’une régulation du commerce qui contribue à l’émergence d’un modèle européen, économique, social, environnemental et démocratique. Et, partant, refuser un agenda de pure libéralisation qui en balaie toute perspective.

 

 

 

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