Mercredi 9 Juin, j’ai organisé avec le groupe des Verts au Parlement une conférence sur le sujet des « fuites de carbone ». Derrière cette expression, se cache la question centrale du lien entre ambition environnementale et compétitivité. Autrement dit : en mettant des contraintes fortes sur les industries européennes pour qu’elles réduisent leur empreinte écologique, prenons-nous le risque de les voir délocaliser dans des pays moins exigeants ? Cette question a été – et reste – au cœur du débat écologique en Europe et en France. C’est l’argument essentiel utilisé par ceux qui ne souhaitent pas que l’ambition environnementale de l’Europe soit alignée avec les recommandations scientifiques. Mythe ou réalité ?
Vous trouverez ici les présentations des différents intervenants. Je retiens trois points essentiels de cette conférence.
Le débat sur les pertes de compétitivité ne fait pas de sens si l’Union européenne garde son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% en 2020 par rapport à 1990. Avec l’effet cumulé de l’effondrement économique des pays de l’Est à partir de 1991, la dernière crise économique et, dans une mesure difficile à évaluer, des efforts entrepris pour réduire ses émissions, l’Europe n’est plus qu’à quelques points de cet objectif. Pour préserver les incitations en faveur de la transformation écologique de son industrie, en faveur des investissements verts, de l’innovation, elle doit dès aujourd’hui s’engager à réduire ses émissions de 30%.
Le problème des « fuites de carbone » ne concerne que quelques secteurs industriels. De l’ordre d’un dizaine selon différentes études. Nous sommes loin des 160 secteurs officiellement considérés comme à risque aujourd’hui, et qui vont pour cela bénéficier de droits à polluer gratuits plutôt que de les acheter sur le marché carbone européen. Cette gratuité des droits pourrait d’ailleurs permettre à la majorité de ces secteurs de réaliser des milliards d’euros de profits sur le dos des citoyens ! Il faut donc une approche plus rigoureuse pour identifier les secteurs qui ont besoin d’un traitement spécial. Tout comme il faut fermement identifier le traitement spécial le plus approprié : par exemple, des droits à polluer gratuits avec des conditions (continuer à produire en Europe, investir dans la R&D) ; des subventions sous conditions ; ou encore l’achat des droits à polluer couplé avec l’inclusion des importations dans le marché carbone européen.
Enfin, les exposés des représentants des industriels présents à la conférence ont mis en avant l’érosion de leur compétitivité depuis des décennies, sans lien quelconque avec les politiques de protection du climat. Nous avons alors deux options. La première, celle qu’ils proposent : ne pas rajouter de « fardeau » environnemental supplémentaire. Mais cela ne permettrait de répondre ni au défi environnemental, ni au défi industriel qui se pose. Rien ne serait pire que de laisser notre industrie décliner ET polluer. La seconde option consisterait à sortir par le haut de ce double-défi : par un jeu de contraintes environnementales, d’aides ciblées et d’investissements de R&D, créer une industrie européenne innovante, verte et compétitive.