« Le climat n’a pas besoin de photos de famille. »
tribune parue sur Actu-environnement le 26 janvier 2010
Le Sommet mondial sur le climat n’aura donc abouti que sur un « Accord de Copenhague », négocié entre 28 pays mais non entériné par l’ONU, quelques pays s’y étant opposé. Quoiqu’en aient dit certains chefs d’Etat, dont Nicolas Sarkozy, l’Accord de Copenhague est d’une faiblesse coupable : il nous conduit vers un réchauffement global de 3,5°C. Inacceptable. Pire, aucun des engagements qui seront pris d’ici la fin du mois de janvier ne sera internationalement contraignant. Seul point positif, qui aura permis d’obtenir à l’arraché le soutien d’une partie des pays en développement malgré l’absence d’engagements sur les émissions de CO2: l’Accord prévoit des financements immédiats pour les pays les plus pauvres mais qui risquent d’être ponctionnés sur l’aide au développement existante – à l’image de la contribution française.
Le fiasco de Copenhague confirme malheureusement l’absence de leadership international : les Etats-Unis n’étaient pas prêts et la rupture d’avec Bush est encore insuffisante ; les pays émergents prennent de l’ampleur mais la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud notamment sont divisés sur la régulation de la mondialisation et n’ont pas les moyens de prendre la main ; l’Europe enfin est apparue absente, divisée, peu ambitieuse avec son objectif de 20% de réduction de ses émissions d’ici 2020, se résumant à l’addition des stratégies de communication personnelle de ses leaders, en particulier Sarkozy, Merkel et Brown.
Dans ce contexte où les dirigeants européens sont d’abord soucieux d’exister sur la scène internationale, quitte à saper l’efficacité et la cohérence européenne, où les Etats-Unis demeurent hostiles à tout accord internationalement contraignant, suivis en cela par la Chine, il est tentant pour les plus grands pays de s’exonérer de leurs responsabilités en contestant le processus onusien de négociation à 192 Etats. Et de lui préférer un cadre beaucoup plus facile à gérer et surtout beaucoup plus laxiste en matière de contraintes : un G20 ou G28 du climat. Il suffirait finalement d’appliquer au climat la recette déjà utilisée pour la régulation économique et financière, avec le G8/G20, ou pour la sécurité mondiale, avec l’OTAN. Peu importe si cette dernière s’embourbe en Afghanistan ou si le G20 a blanchi l’ensemble des paradis fiscaux sans que la réalité ne change ! Les plans media sont là pour vendre à l’opinion publique mondiale ces grands rendez-vous et les discours qui y sont tenus et pour masquer l’indigence des décisions qui y sont prises. De-même est-il plus facile d’appeler à une grande conférence sur Haïti que de respecter l’engagement pluri décennal de 0,7% du PIB des pays riches en aide publique au développement ou d’agir pour que les objectifs du Millénaire soient atteints.
Ces forums traduisent finalement la primauté des égoïsmes nationaux et l’incapacité des chefs d’Etat qui y participent à engager collectivement les réformes indispensables, en matière énergétique, agricoles ou financières. C’est l’instauration de fait d’une nouvelle oligarchie internationale, mettant de côté les Etats les plus pauvres. Le risque est alors grand que ceux qui en sont exclus s’installent dans une forme de diplomatie, contestataire et radicale.
Plus gravement ces forums sont la négation des instances de régulation supranationales que sont les Nations Unies et l’Union européenne. Malgré leurs imperfections, ces instances tentent de trouver des compromis responsables et équitables, nécessitent engagements et droit de regard.
Il est certes difficile de négocier à 192. L’unanimité peut également conduire à l’immobilisme ou au plus petit dénominateur commun. Nous considérons néanmoins que le système onusien constitue aujourd’hui le cadre le moins mauvais de négociation. En amont et à Copenhague, les négociateurs n’avaient pas de mandat pour trouver des compromis, la plupart des pays jouant au « poker menteur », attendant que les autres bougent pour bouger. Le groupe des 28 pays qui s’est réuni pendant le sommet et a produit l’Accord de Copenhague n’a jamais pris le temps d’articuler son travail avec les 164 pays qui en étaient exclus.
L’expérience a pu montrer que les négociations au sein des Nations Unies peuvent se construire sur des groupes restreints si ces derniers sont représentatifs des différents intérêts dans la négociation, si ses participants ont un mandat clair et viennent régulièrement rendre des comptes à leurs mandants. C’est uniquement sur cette base que le fait majoritaire est potentiellement acceptable pour l’ensemble des Etats et que l’unanimité n’est plus un obstacle infranchissable.
Le climat étant un bien public mondial, nécessitant l’engagement de tous et de chacun sur la base d’une responsabilité commune mais différenciée, l’ONU est le cadre de négociation le plus légitime. Il revient aux citoyens, aux acteurs sociaux et aux élus, notamment parlementaires, de mettre fin aux stratégies conçues par les chefs d’Etat et de gouvernement pour échapper à leurs responsabilités. La facilité n’est malheureusement pas une option. Le climat n’a pas besoin de photos de famille.