La journée d’aujourd’hui mardi est pleine de réunions informelles. D’un côté les négociateurs se retrouvent derrière des portes fermées pour régler des problèmes « techniques ». De l’autre les ministres discutent des gros sujets : objectif de réduction des émissions pour les pays qui ont déjà signé Kyoto (donc les pays riches… sauf les américains !), aide financière aux pays du Sud, actions des pays en développement… On attend les premiers résultats de ces discussions, pleines d’incertitudes, cet après-midi. La rumeur enfle : s’il n’y a pas eu d’avancées concrètes avant demain midi, Copenhague sera un échec.
Ce matin, j’ai pu rencontrer Yvo de Boer. Parmi les différents sujets évoqués, un qui m’a surpris. Il a annoncé que les actions de réduction des émissions proposées par les grands pays émergents sont aussi ambitieuses que les recommandations les plus sévères des scientifiques du climat. Leurs émissions pourraient être, en 2020, 28%; en dessous de ce qu’on aurait pu craindre, quand les scientifiques recommandent entre 15 et 30%. Autrement dit : les grands pays émergents font largement le boulot à Copenhague, toujours pas les pays riches. Ils sont encore loin de la recommandation minimum des scientifiques.
C’est pour cela que les pays en développement ont mis la pression hier, en exigeant la prolongation du Protocole de Kyoto. Ils en font une condition inébranlable d’un accord ici. Pas question de revenir sur un outil qu’ils ont mis 8 ans à développer, sans savoir ce qu’ils auront à la place. L’Europe montrerait des signes de flexibilité. Les Japonais, les Canadiens ou encore les Russes continuent à s’y opposer. Les américains, qui ne font pas partie de Kyoto, doivent se marrer…
Avec des objectifs sérieux de réduction des émissions, ce qu’on attend aussi de la part des pays riches, c’est leur aide financière aux pays du Sud. Après l’annonce européenne (2,4 milliards d’euros par an jusqu’en 2012), japonaise (3 milliards de dollars), et américaine (1,2 milliards de dollars), les pays riches pouvaient croire qu’ils avaient fait le boulot. Mais il n’en est rien. Ils doivent dire quelque chose sur les financements de long terme, d’ici à 2020. Car comment croire qu’un pays peut développer des énergies renouvelables, des infrastructures d’accès à l’énergie propre, tout ça avec une visibilité de 3 ans ? Les pays les plus pauvres ont besoin de ces financements de moyen terme. Ils sont soutenus pour l’instant par les grands pays émergents. Pour l’instant seulement… Malheureusement, personne n’est encore sorti du bois chez les pays riches.
Certains pensent qu’Obama pourrait faire une annonce sur ce sujet… d’autres non. Que les japonais ne bougeront jamais sur ce sujet… d’autre si. Quant à l’Europe…
Les observateurs s’accordent au moins sur un point : l’Europe reste confuse, bloquée qu’elle est par des divergences internes. Doit elle annoncer qu’elle s’engage à réduire ses émissions de 30% ? Le Royaume-Uni milite pour cela. La France peut être aussi, même si elle semble préférer attendre encore un peu. L’Allemagne ne se prononcerait pas clairement. Et à l’Est, on trouve beaucoup de réticences. L’Europe doit-elle se battre pour que les objectifs qui seront pris ne soient pas par la suite affaiblis de manière dramatique par des règles perverses de comptabilisation des émissions forestières ou par ce qu’on appelle dans le jargon « le transfert de l’air chaud » ? Malheureusement, certains pays européens ont intérêt à ce que de telles règles perverses soient maintenues, et l’Europe est incapable de se mettre d’accord. L’Europe doit-elle enfin annoncer sa contribution financière à l’horizon 2020 ? On n’entend rien de ce côté là. La France doit se battre sur ce sujet, si elle veut éviter que les pays africains soient les dindons de la farce climatique. Il ne suffira pas de compter sur une hypothétique taxe sur les transactions financières. La France doit pousser l’Europe à s’engager sur un contribution claire, et on verra par la suite comment les pays riches mobiliseront cet argent : taxe Tobin, taxe sur le transport maritime, taxe élargie sur le marché carbone, mise aux enchères des droits à polluer des pays riches… Si ces « mécanismes innovants » ne voient pas le jour ou ne permettent pas de lever suffisamment d’argent, les pays riches devront compléter par des sources nationales.
Ce qui est sûr, c’est qu’il faut un geste fort de la part des pays riches pour redonner espoir à tous ceux qui suivent la négociation. Que ce soit de la part des américains ou des européens.