LE MINISTÈRE de l’écologie s’apprête à payer son tribut à la réduction des niches fiscales demandée par Bercy. En réponse à la demande du ministère des finances de » raboter » les niches de 10 %, il va présenter une liste de propositions qui ne font pas l’unanimité.
Sous l’appellation crédit d’impôt pour le développement durable, se cache une série d’avantages fiscaux. Ces crédits d’impôts ont bénéficié en 2007 à plus de 1,2 million de ménages.
Il peut s’agir le plus souvent de l’installation d’une chaudière à condensation ou à bois, d’une pompe à chaleur, de panneaux photovoltaïques, ou de matériaux d’isolation thermique.
Jean-Louis Borloo indique que le » verdissement » de la fiscalité française se poursuit, mais fait l’objet » d’ajustements « . Son cabinet ajoute que certains équipements qui ont été largement adoptés pourraient subir une baisse de leur avantage fiscal, quand d’autres, jugés écologiquement intéressants mais moins populaires, devraient voir leur avantage maintenu voire augmenté.
Ainsi, le crédit d’impôt sur les installations de production d’électricité solaire photovoltaïque pourrait passer de 50 % à 25 %, ces installations ayant connu récemment une envolée spectaculaire. Certaines pompes à chaleur, mais aussi les agrocarburants de première génération, pourraient connaître le même sort.
» Baisse brutale »
A contrario pourrait être encouragée l’installation d’autres équipements, dont la liste n’est pas dévoilée. Aux yeux de spécialistes du secteur, au rang desquels figure Thierry Salomon de l’association Négawatt, » les petits équipements de chauffage à bois ont énormément progressé sur le plan technique, ils méritent d’être soutenus « .
Autre volet, le ministère de l’écologie rappelle que le bonus-malus automobile va, comme prévu, voir ses conditions se durcir au 1er janvier 2011. Pour en bénéficier, les véhicules devront émettre moins de 120 g de CO2 au km (au lieu de 125) pour profiter du bonus, tandis qu’émettre plus de 150 g (au lieu de 155) entraînera un malus.
Certains souhaiteraient aller plus loin. C’est tout le principe du crédit d’impôt développement durable qui est remis en question par le député Gilles Carez (UMP), rapporteur de la loi de finances : » Ce dispositif subit année après année une évolution très négative au regard des finances publiques, nous dit-il. En 2009, le ministre prévoyait qu’il coûterait 1,5 milliard d’euros, il a coûté 2,8 milliards. On ne peut continuer ainsi. Je pense qu’il faut le remplacer par un système de subvention au montant plafonné, de façon à ce que l’on sache précisément combien cela va coûter à l’Etat. »
A l’opposé, les écologistes s’insurgent, eux, contre la réduction des avantages fiscaux verts. Pour Yannick Jadot, député européen d’Europe Ecologie, » les avantages fiscaux actuellement visés constituent un des outils principaux de la transformation écologique de la France. Il vaudrait mieux remettre en question les multiples exonérations de taxes énergétiques qui coûtent 4 milliards d’euros à l’Etat chaque année, ou encore les dépenses pour les infrastructures routières ou les aides à l’industrie automobile sans conditionnalité « .
Du côté du Parti socialiste, Philippe Martin, député du Gers et responsable de l’environnement, estime que » ce rabotage d’une mesure phare du Grenelle de l’environnement, et dont le ministre se prévalait souvent, est tout à fait scandaleux. »
» Nous ne contestons pas qu’il faille baisser progressivement les subventions, lui rétorque Jean-Philippe Roudil, délégué général du Syndicat des énergies renouvelables (SER). En revanche, la baisse brutale qui pourrait intervenir sur le soutien à l’énergie photovoltaïque nous inquiète. Une politique de stop-and-go n’est pas bonne pour une filière naissante, il faut une vision industrielle et ne pas prendre des décisions lorsqu’on est au pied du mur pour des raisons budgétaires. »
Hervé Kempf
L’État compte récupérer 1 milliard d’euros, notamment sur les aides à l’installation de panneaux solaires.
FISCALITÉ Les niches fiscales vertes sont sur la sellette. C’est notamment le cas du « crédit d’impôt chaudière ». En achetant des équipements censés améliorer la performance énergétique de leur logement, les ménages peuvent déduire de leur impôt sur le revenu une part de la dépense, variable selon l’équipement.
Utilisée par un nombre croissant de Français, cette niche voit son coût déraper. La facture pour l’État a été de 2,8 milliards en 2009, au lieu des 1,5 milliard prévus par Bercy. Et ce malgré des rééquilibrages successifs. Ainsi en 2009, les chaudières à basse température ont été exclues des équipements éligibles et, en 2010, la ristourne fiscale est passée de 25 % à 15 % pour les fenêtres.
Pour le budget 2011, le mouvement ne devrait aller que vers un nouveau tour de vis. Les arbitrages sur les niches ne seront pas rendus avant la fin août. Mais les mesures proposées par le ministère de l’Écologie et révélées par Les Échos sont des pistes sérieuses. Jean-Louis Borloo propose de revoir, au sein du « crédit d’impôt chaudière », l’avantage accordé aux ménages installant des panneaux photovoltaïques sur leur maison. Une des hypothèses, mais ce n’est pas la seule, est de passer le crédit d’impôt de 50 % à 25 % et de le réserver aux logements anciens. Économie pour l’État : 400 millions d’euros. Plus généralement, la liste des équipements éligibles au crédit d’impôt chaudière serait réduite. Et la ristourne fiscale diminuée d’au moins 10 %. Elle passerait ainsi de 25 % à 22,5 % pour les appareils de régulation du chauffage.
Par ailleurs, le ministère réfléchit sur les matériaux éligibles à la TVA à 5,5 % pour la rénovation du logement, l’idée étant de la réserver aux matériaux écologiques (mais cette mesure pose problème avec Bruxelles). Au total, le gouvernement espérerait récupérer 1 milliard d’euros sur les niches vertes.
Effets spéculatifs
« Le gouvernement enterre l’économie verte », estime l’eurodéputé écologique Yannick Jadot. Reste que la révision des avantages fiscaux a sa logique. Le coup de pouce doit aider au lancement d’un nouveau produit. Mais lorsque celui-ci est mature et que son coût de production a baissé, la subvention gonfle les prix et encourage l’entrée sur le marché d’acteurs peu qualifiés. Les professionnels du solaire en sont conscients. Sans réduction des aides, « on nous reprochera toujours d’être spéculatifs et de profiter d’effet d’aubaine », déclarait ainsi récemment Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, association professionnelle de l’énergie solaire.
La tendance est européenne. En plus de baisser le prix de rachat de l’électricité solaire, l’Allemagne compte ainsi réduire en quelques années l’aide aux énergies vertes.