EXPLICATION DE VOTE LOI FIN DE VIE
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Explication de vote de Corinne Bouchoux sur la proposition de loi « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » qui a été rejetée par 196 voix contre.

Mme Corinne Bouchoux: Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues sénatrices et sénateurs,
Je voudrais dans un premier temps remercier les rapporteurs MM. Michel Amiel et Gérard Dériot, le rapporteur pour avis M. François Pillet, le président de la commission des affaires sociales M. Alain Milon, ainsi que tous les collègues de la commission des affaires sociales dont nous ne partagions pas tout à fait les vues mais dont nous souhaitons saluer le travail rigoureux, équilibré et, on le dira a posteriori, malheureusement visionnaire.
Comme cela a été dit lors des interventions précédentes, le premier scandale en France, c’est l’inégalité face à la mort. Les soins palliatifs sont trop peu nombreux et, à cet égard, l’échec ou la non-application de la loi Leonetti ont été dénoncées à diverses reprises.
Aussi, nous saluons les progrès, dans le nouveau texte, concernant les soins palliatifs et la mesure des inégalités sur le territoire, une préoccupation majeure.
Nous l’avons déjà dit lors de précédentes interventions, 79 sénatrices et sénateurs de toutes les familles politiques souhaitaient aller plus loin que le texte initial. Un débat de qualité a permis, dans la nuit de mardi à mercredi, de constater que nous étions encore trop peu nombreux, puisque 75 personnes ont voté en faveur des amendements tendant au respect de la volonté des personnes atteintes de maladies incurables et qui désiraient ne plus souffrir.
Nous aurions voulu aller plus loin, mais je vous l’avoue, mes chers collègues, pas un instant nous n’avions anticipé ce qui allait se produire mercredi, à savoir un détricotage, pas à pas, méticuleux, au début masqué, ensuite, moins, durant lequel on a réussi à inventer – c’est très difficile de l’expliquer en dehors de cette assemblée – la sédation profonde et intermittente, puisque nous avons décidé que la sédation profonde ne serait plus continue jusqu’à la mort.
Je ne suis pas certaine que tous nos collègues aient réalisé – c’est l’excuse que je leur trouve – la monstruosité de ce que nous avons voté.
M. Bruno Sido. Allons, allons ! Du calme !
Mme Corinne Bouchoux. Tous ceux qui ont accompagné des personnes en fin de vie vous le diront ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)
Concernant les directives anticipées, un deuxième tour de passe-passe a permis, en quelque sorte, de rendre celles-ci optionnelles face au pouvoir médical, ce qui représentait justement l’inverse de ce qu’avait défendu la commission des affaires sociales, comme l’avait rappelé Mme la ministre.
Nous avons donc abouti mercredi à un texte qui est vidé de deux de ses éléments essentiels. L’article 3 a été validé à l’aide d’un scrutin public – nous avons fait voter les absents – au cours duquel certains doivent amèrement regretter que l’on ait pu voter pour eux.
Ce texte est également devenu inepte : non seulement nous n’avons pas créé de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, mais nous avons réussi, mes chers collègues, à reculer par rapport à la loi Leonetti. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.),…
M. Didier Guillaume. C’est un drame, un recul sans précédent !
Mme Corinne Bouchoux. … et cela a sans doute été un peu masqué dans la presse.
M. Hubert Falco. C’est excessif et déplacé !
Mme Nicole Bricq. Le Sénat ne s’est pas grandi !
Mme Éliane Assassi. Continuez, madame Bouchoux ! Ne vous laissez pas intimider !
Mme Corinne Bouchoux. Ces deux modalités ont totalement dévitalisé ce texte de loi, en le privant de sa portée juridique.
M. Éric Doligé. Vous n’avez rien fait pendant trois ans !
Mme Corinne Bouchoux. Madame la ministre, je salue pleinement le travail que vous avez accompli et la loyauté dont vous avez fait preuve : certes, nous n’avons pas soutenu les mêmes positions, mais vous avez défendu, pas à pas, un équilibre politique qui avait tout son sens.
Or, par la volonté de quelques-uns – nous connaîtrons leur nombre exact dans quelques instants –, c’est non seulement la proposition de loi relative à la fin de vie qui a été malmenée, mais c’est l’image même du Sénat qui a été écornée (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC.), alors qu’il y a peu encore, la Haute Assemblée apparaissait comme le défenseur des libertés individuelles et collectives.
M. Bruno Sido. C’est simpliste !
M. François Grosdidier. Un peu de mesure, madame Bouchoux !
M. Hubert Falco. Monsieur le président, on ne peut pas laisser dire cela !
Mme Éliane Assassi. Continuez, continuez !
M. le président. Poursuivez, madame Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Chers collègues, j’en suis convaincue, dès lors que l’on n’avance pas, on recule : en matière politique, lorsqu’on revient sur des droits acquis, on ne défend plus une position conservatrice, on verse dans la réaction pure et simple ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
Mme Christine Prunaud. Exactement !
Mme Corinne Bouchoux. Je vois bien les mines consternées qu’affichent certains, à la droite de cet hémicycle. Ce résumé est simpliste, mais il est vrai. Au reste, il n’y a que la vérité qui blesse.
M. Bruno Sido. Pas du tout !
Mme Corinne Bouchoux. Les intéressés sont vexés d’avoir laissé détricoter un tel texte de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également. – Vives protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. L’invective remplace le débat !
M. le président. Madame Bouchoux, continuez.
Mme Corinne Bouchoux. Chers collègues de la majorité sénatoriale, le spectacle que vous donnez est pathétique ! (Protestations et exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains auxquelles répondent des huées sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. François Grosdidier. Vous méprisez nos arguments ! C’est lamentable !
M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !
Poursuivez, madame Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Merci, monsieur le président.
Dois-je rappeler qu’en cet instant, des malades et leurs familles nous regardent ?
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. François Grosdidier. Ben justement !
Mme Corinne Bouchoux. Mercredi, le Sénat n’a pas donné l’image d’une assemblée respectueuse des équilibres politiques. En effet, pardonnez-moi d’insister sur ce point, même si, majoritairement, au groupe écologiste, nous ne souscrivions pas à la prudence de la proposition initiale, le texte qui nous a été soumis était politiquement équilibré, juste, censé et respectueux des malades, respectueux des valeurs de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC. – Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Létard. Bravo !
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Corinne Bouchoux. Chers collègues de la droite, je ne répondrai pas à ces aboiements, qui ne sont pas dignes d’un sujet de cette gravité.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Corinne Bouchoux. Je préfère m’en tenir là ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du groupe CRC.)

Crédits photo: Sénat