Intervention lors de la discussion générale sur la proposition de loi « écoles de production »

Intervention de Corinne Bouchoux lors de la Discussion Générale  sur la PPL « écoles de production » du mercredi 21 novembre.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est tout le charme de la vie parlementaire que de pouvoir s’interroger le matin sur une loi que d’aucuns considéraient comme optionnelle, de voter l’après-midi un texte relatif aux lanceurs d’alerte et de se pencher le soir sur le sujet très pointu des écoles de production, dans lesquelles étudient 700 élèves et que l’on trouve essentiellement dans une seule région ! (Sourires.)

Je tiens à remercier M. Carle de m’avoir permis de découvrir ces écoles et de réfléchir sur cette question, à laquelle ont été confrontés tous les pédagogues.

Sans vouloir parler à la place de Philippe Meirieu, je tiens à préciser que sa position se situe sans doute entre les deux points de vue défendus précédemment. Certes, il connaît bien la région concernée et, du fait de ses attributions, il est conduit à signer des conventions. Il est également conscient du problème posé, de façon pertinente, au travers de cette proposition de loi. Toutefois, il est plutôt favorable – c’est du moins ce que je crois avoir compris – au choix de l’enseignement professionnel après l’âge de 16 ans. Nous lui en demanderons confirmation lorsque nous le rencontrerons

Même s’il est bien connu que la pédagogie est l’art de la répétition, je ne reviendrai pas sur l’organisation de ces écoles. Il nous faut bien reconnaître que celles-ci constituent, pour les métiers de l’artisanat, du commerce ou de l’industrie, une « troisième voie » pédagogique tout à fait intéressante et positive consistant à « faire pour apprendre ».

Il est tout à fait possible et envisageable que ce type d’école puisse répondre à un vrai besoin et résoudre, par exemple, un problème que M. le ministre connaît bien : le manque de soudeurs dont souffre cruellement notre pays.

Je le répète, ces écoles apportent de vraies réponses aux 700 jeunes qu’elles forment chaque année. Toutefois, il nous semble inopportun de leur offrir un régime juridique particulier, compte tenu de leurs modalités spécifiques d’organisation et du fait que, n’étant pas sous contrat avec l’État, elles ne peuvent faire l’objet d’un contrôle pédagogique. Nous préférons, pour notre part, envisager une autre perspective. Un voyage d’étude serait ainsi tout à fait utile pour saisir les aspects positifs de leur fonctionnement.

Mon groupe considère, par ailleurs, que des solutions de substitution existent d’ores et déjà pour les jeunes de 14 à 16 ans ; je ne citerai pas tous les dispositifs mis en place ces dernières années. Nous ne pensons donc pas qu’il faille chercher la réponse au problème posé dans un type particulier de structure scolaire.

Nous considérons néanmoins que les modalités d’apprentissage et une partie des approches pédagogiques en vigueur dans les écoles de production méritent d’être étudiées, y compris en portant sur elles un regard contradictoire, voire critique. Nous souhaitons ainsi que soient examinées, à l’occasion du prochain texte de refondation sur l’école qui nous a été annoncé, diverses méthodes pédagogiques. Nous pourrions ainsi user du droit à l’expérimentation prévu à l’article 34 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005.

Il est très important selon nous que l’éducation nationale ne renonce pas à prendre en charge les jeunes qui sont « décrochés », comme vient de le dire M. le ministre. Notre système public d’éducation doit leur permettre à l’avenir d’apprendre les métiers concernés, y compris dans le cadre d’un partenariat avec les entreprises.

Comprenez-nous bien : nous ne sommes pas dans une posture radicale ou dogmatique à l’égard des entreprises, dont l’école a beaucoup à apprendre. Il ne nous semble cependant ni souhaitable ni opportun, compte tenu de l’âge du public visé dans ce texte et de l’absence de tout contrôle de l’État sur ces établissements, de voter une loi spécifique pour ces 700 élèves et cette quinzaine d’écoles.

Cette proposition de loi soulève toutefois une vraie question ; nous suggérons donc, encore une fois, que soit organisé un déplacement afin d’observer le fonctionnement de ces écoles de production.

Monsieur le ministre, je voudrais enfin attirer votre attention sur la question du décrochage scolaire, que nous avons évoquée en commission et qui concerne 150 000 élèves. Nous sommes conscients que l’éducation nationale n’est pas en mesure actuellement, sur le plan tant pédagogique que pratique, de répondre à toutes les attentes. C’est un fait.

Sans doute serait-il intéressant de constituer un recueil des bonnes pratiques pédagogiques qui existent dans les diverses structures, notamment dans les écoles de production, où nous pourrions aussi trouver matière à apprendre. Nous ne pensons pas, en revanche, que faire travailler les jeunes dès l’âge de 14 ans soit une bonne méthode pédagogique.

Plutôt que de tenter de résoudre le problème des élèves décrocheurs une fois qu’ils sont exclus du système scolaire, nous préférerions le traiter en amont, dans les collèges et les lycées. Pour cela, il faut prévoir les effectifs et les modalités pédagogiques nécessaires à la prise en charge de ces élèves différents.

Pour conclure, je tiens à souligner un point positif de ce texte qui, bien qu’il ne concerne que 700 élèves et une quinzaine d’écoles implantées dans une seule région, pose de façon très intéressante la question de l’échec du système éducatif dont, précisément, vivent les écoles de production. Nous devrons absolument y répondre dans la prochaine loi sur l’école.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons voter ce texte en l’état, mais nous tenons à remercier M. Carle de nous avoir appris que ces écoles existaient. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

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