Débat sur l’avenir de l’aviation civile à l’horizon 2040

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Intervention de Corinne Bouchoux dans le cadre du débat sur l’avenir de l’aviation civile à l’horizon 2040 le mercredi 4 décembre.

Ce débat, qui s’est tenu à l’initiative de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), a notamment permis de revenir sur le rapport d’information « Les perspectives d’évolution de l’aviation civile à l’horizon 2040 : préserver l’avance de la France et de l’Europe » de Roland Courteau (Soc – Aude)

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président de l’Office,

Mes chers collègues,

Je voudrais tout d’abord saluer le travail quantitativement très impressionnant mené par M. le rapporteur Roland Courteau sur ce sujet d’importance.

Puisqu’elles ont été évoquées tout à l’heure, je dirai tout d’abord un mot des modalités de fonctionnement de l’Office. Celui-ci existe effectivement depuis trente ans, les textes fondateurs de 1983 étant très clairs sur son esprit et ses buts. À cet égard, les sénateurs écologistes, peut-être bientôt rejoints par leurs collègues députés, souhaitent déposer une proposition de loi très précise sur le mode d’examen des rapports de l’OPECST. Nous estimons en effet que, au regard de l’importance des sujets qu’ils traitent, de même que de l’ampleur des chiffres et des analyses qu’ils contiennent, ils méritent plus et mieux qu’un débat en séance. Nous souhaiterions pouvoir disposer d’un délai suffisant pour consulter ces travaux et les soumettre à des regards croisés.

Venons-en maintenant au rapport à proprement parler : comme cela a été souligné, l’aviation civile a connu des avancées remarquables ces dernières années.

Je tiens tout d’abord à saluer l’action de cette filière pourvoyeuse d’emplois, qui stimule la recherche et permet aussi de mettre en avant le savoir-faire français dans les technologies de pointe. Ce savoir-faire, en constante évolution et renouvellement, permet à notre pays de faire bénéficier tous les usagers d’une aviation civile de qualité répondant à leurs besoins.

Ces avancées technologiques s’adaptent en effet à une demande croissante des personnes qui souhaitent se déplacer pour leurs loisirs ou pour des raisons professionnelles. Comme le souligne le rapport, si le volume des passagers transportés par avion a doublé au cours de ces vingt dernières années, le trafic n’a, pour sa part, augmenté que de 20 %, grâce à des avions plus grands et mieux remplis. De vrais efforts et de vrais progrès ont été faits par l’industrie de l’aviation, notamment en matière d’efficacité énergétique et de remplissage des avions. Nous devons les saluer.

Je tiens également à souligner un point très important du rapport, celui de la formation des femmes et des hommes qui travaillent à chacun des maillons de la vaste chaîne de l’industrie de l’aviation, laquelle constitue un lobby puissant dans notre pays. Les évolutions technologiques ne peuvent en effet se faire sans une adaptation des personnels aux nouvelles possibilités qui sont offertes.

Ce rapport extrêmement riche et intéressant manque toutefois, selon nous, d’un volet plus critique, plus introspectif sur les nuisances ou les limites du transport aérien. Tel n’était sans doute pas le but de ce travail, mais nous le regrettons.

Dans le contexte actuel, qui se caractérise par une volonté de réduire les utilisations d’énergies et les émissions de gaz à effet de serre, c’est toute la filière de l’aviation civile qui doit se mobiliser afin de concevoir des avions, certes plus performants et plus attractifs, mais surtout moins énergivores et plus faiblement émetteurs de gaz à effet de serre.

La France a pris des engagements en matière environnementale ; elle doit les tenir. Elle s’est notamment engagée à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050, un objectif dont nous avons eu confirmation hier, en dépit de certains propos tenus dans les médias.

À l’heure où elle vient de se voir confier l’organisation de la 21e conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou COP 21, en 2015, la France doit montrer l’exemple et tenir ses engagements, qui vont dans le bon sens, celui d’une promotion maximale des transports respectueux de l’environnement, chaque fois que cela est possible.

Vous le savez comme moi, l’Europe s’est engagée dans la voie d’une taxation européenne du CO2, dans un but de stabilisation de ses émissions. Il faut aussi intégrer cette contrainte au développement de cette industrie qu’est l’aviation civile.

Le rapport parie par ailleurs sur une croissance importante du trafic. Celle-ci sera inévitablement corrélée à de nombreux problèmes touchant divers domaines : les capacités aéroportuaires et les infrastructures, les risques environnementaux et, parfois, la saturation de la navigation.

Pour éviter ces risques réels qui handicaperont notre pays, d’autres solutions complémentaires de l’aviation civile sont parfois possibles. Le report modal, pour les trajets internes à la France, voire à l’Europe, est une solution qui doit être favorisée. Nous plaidons à cet égard pour une action de rénovation et de modernisation des infrastructures existantes des lignes ferroviaires, lorsque cela est possible.

Pour nous, le ferroviaire ne s’oppose par l’aviation civile. Au contraire, nous devons jouer sur la complémentarité des modes de transport afin que ceux-ci soient moins énergivores et plus opérationnels.

M. Vincent Capo-Canellas. Très bien !

Mme Corinne Bouchoux. Les compagnies aériennes européennes elles-mêmes s’intéressent aujourd’hui à des offres combinées « rail-air ». Même si cette option ne m’est pas apparue dans le rapport, il nous semble qu’il faille l’intégrer dans l’analyse présentée ce soir. Autrement dit, la réflexion sur le développement de l’aviation civile ne doit pas faire l’objet d’un raisonnement « en silo », ne prenant en considération que les éléments propres à ce secteur, mais intégrant les divers autres moyens de transport existants.

Enfin, nous rappelons que l’avion n’est pas un moyen de transport économique, loin de là ; c’est l’un des plus coûteux et cette particularité ne cessera de s’aggraver avec la raréfaction des ressources énergétiques.

Malgré les évolutions technologiques soulignées dans le rapport, nous devons envisager la situation actuelle au regard de celles, concrètes, existant sur nos territoires.

Et vous voyez venir où je veux en venir, monsieur le ministre, avec mes gros sabots…

Un des arguments des défenseurs du projet de transfert de l’aéroport de Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes est celui du bruit. Or, la nuisance sonore n’est pas évoquée dans le rapport…

M. Roland Courteau, rapporteur. Si, le bruit a été mentionné !

Mme Corinne Bouchoux. Certes, mais pas ce cas d’espèce.

Ainsi, cette nuisance empêcherait le bon développement de Nantes et de sa métropole sud. Or, les avions étant de moins en moins bruyants, nous considérons que l’argument de la nuisance sonore ne peut être utilisé comme prétexte pour justifier le déplacement de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes.

D’ailleurs, plusieurs plans d’exposition au bruit prévisionnels, réalisés récemment, ont clairement démontré l’inutilité d’un transfert de l’aéroport actuel. Ces nouveaux plans, commandés au cabinet Adecs Airinfra et rendus publics en septembre 2013 mettent à mal les précédentes statistiques, datant de 2003. Nous privilégions donc les statistiques de 2013, celles de 2003 nous paraissant caduques.

Monsieur le ministre, ce petit « zoom » sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sert aussi à rappeler le phénomène d’aéroports vides, en Espagne par exemple ou au Canada, qui en compte deux. De même, je vous invite à visiter avec moi l’aéroport Willy Brandt, à trente kilomètres de Berlin. Modèle technologique, cet aéroport, dont l’inauguration a été reportée, ne sera vraisemblablement pas ouvert à une échéance très proche.

Ainsi, penser l’avenir de l’aviation civile est une bonne chose. Toutefois, il semble nécessaire de lier cette réflexion à la réalité de nos territoires, aux aéroports où les avions se posent. Cette réflexion nous aurait également semblé pertinente. Nous aimerions que cet oubli soit réparé. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

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