Session du 28 juin 2013 : intervention de christophe porquier sur la contribution de la Région Picardie au débat national sur la transition énergétique

M. PORQUIER : C’est une délibération qui concerne le débat national sur la transition énergétique. Il vous est proposé ici un texte qui va préciser la position de la Région Picardie dans le cadre de ce débat.

Je vais d’abord rappeler quelques-uns des enjeux, que vous connaissez déjà. Bien sûr, l’enjeu climatique, avec le dérèglement climatique qui a déjà été constaté par les experts internationaux. Le Président des Etats-Unis a encore, il n’y a pas si longtemps, dit que les effets de ce changement climatique commençaient à se faire sentir sérieusement sur le territoire et coûtaient cher.

Le rapport Stern évaluait de 5 à 20 % du PIB, le coût à venir du changement climatique. Des incidents qui ne sont pas sans conséquence, puisque des régions entières du monde peuvent être soumises à des aléas climatiques qui peuvent perturber complètement notre économie. Par exemple, sur les rendements agricoles, des régions céréalières entières peuvent être affectées. Ici en Picardie, des épisodes à venir de sécheresse ou d’inondations. Des effets sur le littoral, des effets sur les argiles dans les sous-sols de notre région… Voilà des conséquences qui ne sont pas seulement sur le climat et l’environnement, mais qui peuvent avoir des répercussions extrêmement importantes au niveau économique et social.

Le prix de l’énergie également est l’un des enjeux extrêmement important. La précarité énergétique touche 14 % des ménages en France et 18,8 % des ménages dans notre région. Autant de personnes qui consacrent une part importante de leur budget pour se chauffer, et aussi une part supplémentaire de leur budget, non comptabilisée ici, pour se déplacer. Autant dire que l’impact social est considérable.

Le prix des énergies, qu’elles soient fossiles ou électriques, a une tendance à la hausse, constatée depuis des années. L’un des indices de cette augmentation, c’est le prix de la facture énergétique dans la balance commerciale : 69 milliards l’an passé pour la France, avec pour l’essentiel des achats d’hydrocarbures. 450 milliards d’achats d’hydrocarbures et de facture énergétique au niveau européen. Ce sont autant d’investissements qui s’échappent des territoires, auxquels nous devons prêter attention. Nous pourrions, si nous menions les politiques adaptées, les réinvestir sur nos territoires aux niveaux européen, national et régional.

 

 

Toutes ces questions climatiques et sur le prix de l’énergie, c’est une question de dérèglement. Nous avons plutôt affaire à des problèmes de yoyo, c’est-à-dire une hausse et une baisse du coût de l’énergie, des événements et des incidents climatiques à répétition, faisant que notre société devient plus incertaine, les investissements, du coup, deviennent douteux. On ne sait plus vers quoi on va. Nous devons nous adapter à cette nouvelle situation et construire un nouveau modèle énergétique, puisqu’aujourd’hui, notre schéma s’inscrit dans une économie qui est un peu à la peine, avec une facture énergétique qui augmente, des enjeux climatiques. Si nous ne menons pas à terme le chantier de la transition énergétique, nous risquons de rater également une opportunité importante de développement économique et social.

Je prendrai à ce titre un seul exemple, qui est le bénéfice qu’en ont retiré nos voisins allemands en créant 370 000 emplois dans les filières d’énergies renouvelables. En France, 110 000 emplois ont été créés dans ces filières. Il y a un différentiel important qui tient au fait que nous n’avons pas forcément pris tous les bons trains au moment où il le fallait, et qui ne nous positionne pas, en termes de compétitivité, aujourd’hui, de la meilleure façon qu’il soit sur cet immense chantier de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables qui vont constituer l’essentiel des solutions de demain.

Ceci dit, pour les enjeux… Pourquoi aujourd’hui cette délibération ? Il y a un débat national que je vais résumer très rapidement, avec trois consultations menées en parallèle.

D’abord, une consultation nationale, avec une sorte de parlement national du débat, le conseil national, où sont représentées les organisations patronales, syndicales, les associations environnementales, mais aussi les associations de consommateurs ou pour le logement comme la Fondation Abbé Pierre, des personnalités qualifiées y sont aussi, et les associations d’élus des collectivités qui y sont représentées, ce qui m’a valu de représenter l’Association des Régions de France dans le cadre de ce débat.

Il ressort de ce débat qu’aujourd’hui, on doit sortir d’un cadre qui est extrêmement centralisé, avec des modes de production et des débats qui tournent autour de l’électricité, mais les questions sont bien plus au-delà, bien plus transverses que cela, et ne touchent pas seulement à la question de la façon dont on va faire de l’électricité en France ou la question des gaz de schiste qui font un peu sensation dans le débat… Elles sont importantes et doivent être traitées, on a d’ailleurs déjà pris position sur ces questions ici, mais c’est aussi la question de savoir comment demain les citoyens vont pouvoir se chauffer, se déplacer, aller travailler, trouver un emploi, se former. Ce sont aussi ces questions-là, de façon transversale, qui sont au coeur du débat et traitées dans le conseil national.

Également, une consultation citoyenne a eu lieu, un ensemble de panels citoyens a été consulté et un sondage a été fait par ailleurs. Il ressort de cette consultation citoyenne une grande attente en direction de la transition énergétique. Aujourd’hui, à plus de 80 %, les citoyens sont conscients que les problèmes qu’ils rencontrent aujourd’hui, notamment en matière de précarité énergétique (et beaucoup s’estiment être déjà en précarité énergétique ou craignent d’y tomber demain à cause d’une évolution négative de la situation), pourraient trouver une solution par la transition énergétique. Beaucoup ont de l’espoir et attendent que la transition énergétique réponde à un certain nombre de leurs problèmes.

Cette réponse des citoyens n’était pas écrite d’avance. On aurait pu avoir plutôt une réponse anxiogène de repli : « On ne veut pas payer plus cher. On sait que c’est compliqué, on n’en veut pas. »

Non, pas du tout, il y a une attente positive et très majoritaire des citoyens qui se sont exprimés, qui attendent des solutions et des investissements, et qui souhaitent que le modèle change et évolue.

Enfin, troisième pilier de la concertation, le débat décentralisé qui a eu lieu dans l’ensemble des régions françaises, ici des agglomérations, ici des communes, des départements, des régions ont organisé des débats dont la synthèse est remontée au niveau national. C’est ici que prend son sens la délibération qui vous est proposée, qui fait suite à une journée régionale de débat qui a été organisée le 14 juin, à l’initiative du Président et de la Région Picardie, dans laquelle bon nombre d’acteurs économiques, sociaux, universitaires ont été associés, et qui reprend également dans tout son corpus l’ensemble des politiques transversales qui sont menées par la Région Picardie, que ce soit en matière de climat énergie, mais également sur les politiques logement, transport, les politiques des territoires, les politiques économique, d’enseignement supérieur, d’agriculture, de formation… J’en oublie peut-être !

 

La politique régionale, qu’est-elle aujourd’hui ? Elle a un cadre qui donne une cohérence à l’ensemble, c’est le schéma régional climat air énergie, schéma qui a déjà été débattu ici et adopté à une très large majorité, qui fixe des objectifs très ambitieux puisqu’il s’agit de répondre aux objectifs européens et nationaux, le facteur 4. Et tous les schémas régionaux qui ont été adoptés en France ne répondent pas à cet objectif et sont donc d’ailleurs, sur ce point, critiquables et critiqués. Ce n’est pas le cas du nôtre qui y répond en tous points. Le facteur 4 de diminution des émissions de gaz à effet de serre en 2050, cela veut dire qu’à ce terme-là, il faudra avoir réduit par deux nos consommations d’énergie.

Pour rappel, le SRCE fixe un cadre avec un tas de mesures qui sont déclinées pour gagner en efficacité énergétique, tant dans les mobilités, dans l’urbanisme… On peut rappeler à ce titre-là les politiques menées :

Dans le cadre du développement du transport express régional, le schéma d’aménagement durable du territoire et les directives régionales d’aménagement. Bien sûr, la production d’énergie, avec le soutien aux énergies renouvelables ou même le stockage de l’énergie, l’efficacité énergétique avec un certain nombre de dispositifs qui sont soutenus et de programmes de recherche qui sont soutenus pour substituer à des produits pétroliers des produits venant de filières végétales avec le pôle industrie Agro-ressources, le CVG ou le CoDEM par exemple, mais aussi l’efficacité énergétique dans les transports avec le pôle I-trans et là aussi des programmes de recherche ambitieux qui sont soutenus pour gagner en poids dans les véhicules, économiser des carburants, économiser aussi l’électricité ou les matériaux pour le transport ferroviaire. Egalement le logement avec un référentiel logement qui a été établi depuis déjà de nombreuses années et qui permet de définir un cadre précis pour le logement social, permettant d’arriver à une performance dans les logements sociaux. Et enfin le plan régional environnement entreprise, qui accompagne toutes les entreprises qui désirent s’engager dans des démarches d’efficacité énergétique dans leurs process, dans le recyclage des déchets ou dans des économies d’énergie plus généralement. Cette politique a besoin d’avoir des relais nationaux. Aujourd’hui, un certain nombre de politiques sont menées au niveau régional, qui sont exemplaires, qui sont bien identifiées au niveau national, la Picardie est très souvent citée dans les débats nationaux qui vont concerner cette thématique car elle dispose de nombreux points forts, mais il y a aujourd’hui dans le cadre de ce débat national, un certain nombre de mesures que nous pouvons pousser parce qu’elles coïncident avec nos politiques.

Je vais prendre quelques exemples, sans revenir sur l’ensemble de ce qui est détaillé dans la délibération. Sur le secteur de l’énergie éolienne, à terme, une éolienne sur sept en France sera en Picardie. La Région Picardie et la Région Champagne-Ardenne, à elles deux, constituent déjà quasiment 25 % de la production éolienne nationale. La production éolienne, c’est près de 1 000 emplois en Picardie, 11 000 emplois au niveau national. C’est un chantier de formations dans lequel la Région est déjà bien engagée puisqu’il y a une plateforme de formations qui va voir le jour à la rentrée. Ce sont aussi des enjeux importants d’investissements sur le territoire, près de 1,5 milliards d’euros d’investissements sur l’éolien offshore, également plusieurs milliards d’investissements avec l’éolien terrestre sur les territoires.

Aujourd’hui, toute cette dynamique qui bénéficie au territoire en termes de création d’emplois, avec des sociétés qui ont maintenu ou créé des centaines d’emplois sur le territoire, que ce soit Mersen à Amiens avec la production de balais électriques, ou Enercon à Compiègne avec la construction de mâts béton, tous ces emplois sont dans l’incertitude parce que la réglementation qui va concerner l’éolien ne leur permet pas de se projeter dans l’avenir. Le fait d’avoir une réglementation stable et lisible dans ce domaine est une grande attente, et c’est indispensable pour que ce mode de production d’électricité puisse se développer.

Pour citer un exemple, quand un projet éolien voit le jour en France, pour obtenir un permis, ce sont 6, 7 ou 8 ans. En Allemagne, c’est moitié moins. Cela a des conséquences très concrètes, c’est qu’entre le moment où vous lancez un parc éolien et le moment où il va se réaliser, la machine que vous allez installer est déjà périmée, mais vous ne pouvez pas pour autant mettre la nouvelle qui est sortie, parce que le permis ne le permet pas. On est dans des absurdités de ce type-là, auxquelles il est urgent de remédier.

 

La filière bois, 15 000 emplois en Picardie, pour l’essentiel des emplois ouvriers. Cette filière nécessite également d’avoir un fort soutien. On sait que la balance commerciale du bois est déficitaire au niveau national, alors que nous avons l’un des gisements de bois les plus importants. Il y a 48 chaufferies bois en Picardie. Nous y contribuons sur la partie bois-énergie dans des proportions importantes et un contrat de filière est en place. Mais avoir une réglementation plus ambitieuse en matière d’intégration du bois dans le bâtiment, soutenir la filière et soutenir aussi la mobilisation des bois dans le cadre d’une gestion durable de la forêt, c’est aussi un enjeu national qui ne peut que coïncider avec nos politiques.

Sur l’accompagnement des entreprises, sur le développement de la recherche, j’ai déjà cité un certain nombre de choses comme le CoDEM, le CVG et un certain nombre d’expériences menées auprès des entreprises… La, c’est vraiment en termes de politique de décentralisation qu’il y a nécessité de clarifier les rôles de chacun, et notamment de conforter la Région dans ce rôle de chef de file dans ce domaine. Deux exemples encore, l’un sur le logement : 9 000 entreprises en Picardie, 35 000 salariés dans les entreprises du bâtiment, et aussi 45 % des consommations énergétiques, 23 % des émissions de CO2 dans le bâtiment. Il s’agit aussi de répondre à la question de la précarité énergétique, comme je le disais tout à l’heure. Pour cela, nous avons besoin de nouveaux outils.

Le SRCE fixe pour objectif de rénover 10 000 logements par an. En France, ce sont 30 millions de logements qui doivent être rénovés pour atteindre le facteur 4 et diviser nos consommations d’énergie. Un certain nombre de mesures ont déjà été mises en place, des politiques.

Par exemple, sur les plateformes de formations qui concernent le bâtiment et les énergies renouvelables dans le bâtiment, les panneaux solaires, les pompes à chaleur, etc., beaucoup de plateformes de formations ont été mises en place en Picardie. Sur 50 plateformes qui existent au niveau national, 39 sont en Picardie.

Autant vous dire que, de ce point de vue-là, nous sommes une région particulièrement en avance et particulièrement pilote, parce qu’elle a fait le choix de décentraliser ses plateformes. Les autres Régions ont décidé de faire un centre de formation, donc une ou deux plateformes, nous avons fait le choix d’en avoir sur l’ensemble des lycées professionnels et des CFA pour que les élèves, les apprentis, les salariés puissent se les approprier et se former en adéquation avec les exigences de qualification qui seront attendues demain. Nous avons là-dessus une longueur d’avance, mais il faut aussi que la réglementation, l’ambition nationale accompagne cet effort de qualification puisqu’il sera attendu à l’arrivée.

Ce sera également une évolution attendue dans les dispositifs de financement. Aujourd’hui, entre les emprunts à taux 0, les prêts, c’est un peu une jungle où chacun doit se retrouver. Bien sûr, il y a des espaces info-énergie qui répondent à un certain nombre de ces besoins. D’ailleurs, 55 % des gens qui contactent un point info-énergie passent à l’acte et effectuent des travaux de rénovation par la suite, mais c’est un public captif. Il s’agit d’aller vers une massification et de trouver les processus de financement qui permettront de répondre à la fois à des publics urbains et ruraux, à des personnes qui sont solvables et à des personnes qui ne le sont pas, à des personnes en logements individuels mais aussi à celles en logements collectifs, en intégrant également la problématique du tertiaire. Il faut accompagner ces personnes, leur trouver une solution de financement.

C’est pourquoi la Région a engagé aujourd’hui une réflexion qui se poursuit sur le service public de l’efficacité énergétique. Au niveau national, l’idée d’un guichet unique qui permettrait de répondre à chacun de ces besoins, de trouver une solution de financement, de construire l’offre de formation et de construire globalement l’offre des artisans et des entreprises qui devraient y répondre.

Tout ceci contribue également à cette dynamique.

Je terminerai par l’exemple des politiques territoriales qui sont menées, en particulier sur l’exemple de Montdidier où il y a un cas tout à fait intéressant de mix énergétique local, avec une production diversifiée bois, éolien, solaire et également du fioul pour combler les trous ici ou là. Une politique d’efficacité énergétique menée sur la commune, une politique de réseaux intelligents qui est menée pour que la consommation et la production soient équilibrées, et même que le territoire puisse être à terme à énergie positive, c’est-à-dire qu’il produise plus d’énergie qu’il n’en consomme.

 

Cette logique de la territorialisation, c’est également celle que nous portons au niveau de la Région Picardie, de façon à imaginer, demain, une production et une consommation d’énergie qui soient avec beaucoup moins de consommation, sans perte de confort, avec des bénéfices pour le citoyen en termes de solidarité et d’emploi, et en termes aussi de rénovation totale de notre parc de production d’énergie qui, je le répète, n’est pas que la production électrique puisqu’il s’agit bien aussi des transports et d’énergie consommée par les entreprises.

Voilà pour balayer le sujet… J’ai été un peu long, mais malgré tout je suis allé assez vite par rapport à l’ensemble des dispositifs présents dans cette délibération et qui résument l’inscription de notre Région dans le débat, ce qu’elle peut y apporter et aussi ce que nous espérons que la loi de transition énergétique qui interviendra début 2014, nous permettra pour développer ces politiques de façon encore plus adaptée.

Je vous remercie

 

 

 

MME FAGOT : Monsieur le Président, mes chers collègues, effectivement, si nous avions eu connaissance de la contribution régionale en amont, j’aurais évité quelques redondances et je ne vais pas évoquer non plus tous les domaines impliqués dans la transition énergétique. Pour le groupe Envie de Picardie, il nous semble important et normal que les Régions portent, au moins en partie, la transition énergétique. C’est l’échelon pertinent. Ce débat sur la transition énergétique avait déjà eu lieu lors du Grenelle de l’environnement, porté par Jean-Louis Borloo, alors ministre du développement durable. Il a duré des milliers d’heures et avait permis à tous de s’exprimer largement. À relire dans ce cadre le rapport du groupe de travail démocratie écologique que présidait Nicole Notat, tout était déjà dedans, je le tiens à votre disposition.

Après le vote de la loi de programmation du Grenelle de l’environnement adoptée à la quasiunanimité, des décisions importantes et opérationnelles ont été prises. La continuité républicaine aurait dû se faire avec votre gouvernement, malheureusement vous reniez tout, et l’on vous ressent pour beaucoup habité par le rejet de tout ce qui gravite autour du précédent gouvernement.

Alors la transition énergétique portée par le même Jean-Louis Borloo peut ne pas vous satisfaire quelques années plus tard. Il y a bien entendu nécessité d’une actualisation et d’une nouvelle adaptation, mais pourquoi ne pas avoir assuré la continuité au niveau national en ce qui concerne entre autres la remise en état du parc immobilier qui avait bien fonctionné en 2009-2010 ? Il s’agit là aussi de réduire les dépenses et de mettre en place un mix énergétique. La lutte contre la précarité énergétique, la rénovation thermique sont loin d’avoir le rythme qu’il faudrait. Je l’ai déjà souligné lors d’une précédente intervention. Entre autres, le dispositif « habiter mieux » n’a toujours pas trouvé sa vitesse de croisière. Nous vous proposons la création d’une agence nationale de rénovation thermique des bâtiments, qui fasse travailler ensemble les Régions, l’Etat, les collectivités concernées, et l’ADEME en précurseur, une force de frappe pour la rénovation thermique, mais aussi d’intensifier un travail sur la croissance verte européenne.

Comme vous avez pu le constater, nous n’avons pas rejeté le débat sur la transition énergétique. Il nous semble bien que maintenant la Région soit porteuse d’une partie des dispositifs et impulse la dynamique. Pour une note plus légère, même Arnold Schwarzenegger va défendre cette position auprès de la commission européenne, c’est dire…! Il faut désormais un grand coup d’accélérateur aux dispositifs connus, et à ceux que vous allez, que nous allons mettre en place, car les collectivités sont déjà partenaires du Grenelle et le seront pour la suite.

Une évidence reprise par tous, si l’on souhaite développer la voiture électrique, il est grand temps de couvrir le territoire des points de recharge dits intelligents, le réseau ERDF doit donc évoluer et s’adapter. Les éco-PTZ, je serais curieuse de connaître le nombre réalisé en Picardie et les bénéficiaires. Les familles qui occupent des logements passoires ont en général peu de revenus et n’accèdent pas aux prêts. Quand bien même on organise un montage financier qui laisse un faible résiduel, bien souvent elles ne sont même pas en capacité d’absorber ce résiduel. Résoudre la problématique des logements à forte déperdition énergétique est donc compliqué.

Par ailleurs, concernant les gaz de schiste, laissons se poursuivre les études et les recherches sur les méthodes possibles d’extraction, sachant que nous sommes absolument défavorables à la méthode d’extraction proposée actuellement. Une étude, c’est d’abord un éclairage. Nous partageons le fait qu’il n’y a pas que l’électricité à prendre en compte. Je n’ouvrirai pas par ailleurs le débat sur les centrales nucléaires, sujet qui divise jusque dans votre majorité, mon intervention se voulant un soutien sur certains dispositifs et sur le rôle nécessaire que doivent avoir les Régions dont la nôtre.

À ce titre, je regrette que des dispositifs tels que celui sur le solaire soient détournés de leurs objectifs, tel que vous nous l’avez expliqué, motif pour lequel vous avez abrogé ce dispositif. C’est la raison pour laquelle chaque dispositif mis en place doit afficher une totale transparence et poser des règles strictes afin de se pérenniser durant quelques années.

Voilà la position que je souhaitais porter à cet instant, eu égard au travail fait en amont au travers du Grenelle de l’environnement, même si des imperfections ont vu le jour, travail que vous ne reconnaîtrez pas, même si certains des vôtres ont œuvré à l’époque, telle que Marie-Noëlle Lienemann.

Je n’ai malheureusement pu que lire en diagonale la contribution qui était déposée sur nos bureaux ce jour, mais je constate que dans les projets à venir et dans la partie valorisation du transport fluvial, vous n’avez pas fait totalement disparaître le Canal Seine Nord Europe. Il reste donc dans cette assemblée des collègues qui n’ont pas baissé les bras.

Nous sommes satisfaits de votre volonté de changer d’échelle dans le traitement de la problématique climat énergie et de porter un coup d’accélérateur. Je partage avec vous aujourd’hui le sentiment que les Régions ont un rôle important à jouer.

 

(…)

 

M. PORQUIER : Je vais intervenir sur quelques points, pas sur tout mais revenir sur quelques points soulevés dans le débat. Monsieur Pilniak parlait éventuellement des effets des énergies renouvelables sur l’environnement. C’est bien sûr dans un cadre respectueux de l’environnement et de la biodiversité que le développement des énergies doit se faire. C’est comme ça qu’il a été conçu dans le schéma régional éolien picard, avec une annexe entière consacrée aux questions de biodiversité notamment, et comme ça que cela doit se faire globalement pour l’ensemble des énergies renouvelables. C’est tout à fait clair, et notamment sur les questions qui vont toucher aux ressources. Il y a certaines énergies que l’on dit renouvelables, qui touchent à des ressources agricoles ou forestières, sur lesquelles l’impact sur d’autres fonctions qui peuvent toucher aux productions agricoles ou à la forêt peut être considérable. Il y a là des questions d’équilibre à trouver, pour ne pas perdre en biodiversité, ou en autre usage d’une production, ce que l’on pourrait gagner, par ailleurs. Je crois que là dessus, tout le monde en est conscient, en tout cas, au niveau de la Région Picardie et de la majorité, on en est conscient.

Par contre, il y a d’autres effets pervers… Le réchauffement climatique, cela induit aussi, notamment, une augmentation du recours à la climatisation. On parle du CO2, ce ne sont que 70 % des gaz à effet de serre ; les 30 % restant, ce sont tous les gaz et en bonne partie les gaz fluorés qui sont consacrés à la réfrigération et à la climatisation. Ils sont aujourd’hui en très forte augmentation, parce que l’on répond à la crise climatique par des dispositions qui aggravent la situation. Sur les gaz de schiste, on a pris la délibération la plus forte de toutes les régions françaises, disant que nous nous opposions par tous les moyens à la mise en place d’extraction et à l’exploration.

Aujourd’hui, on ne peut pas aller plus loin que ce que nous avons déjà dit, qui est d’ailleurs redit dans cette délibération.

D’ailleurs, j’ai remarqué que Maryse Fagot tenait un discours assez différent du nôtre, disant qu’il fallait laisser une ouverture sur d’autres formes d’exploration. Ceci introduit un autre débat, si l’on doit aller à nouveau vers l’exploration d’hydrocarbures, c’est d’une part placer là des investissements que l’on ne pourra pas mettre ailleurs, et d’autre part, c’est perdre de vue que de toute façon, ce sont des hydrocarbures et donc ils contribueront aux émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, quand bien même on trouverait une extraction bio pour trouver les gaz de schiste, elle va mettre 20 ou 30 ans à se mettre en œuvre, parce qu’aujourd’hui elle n’existe pas. Et donc, le temps qu’elle soit expérimentée et validée, elle ne peut de toute façon pas être mise aujourd’hui à l’ordre du jour. Et il y a fort peu de chances pour que l’on trouve une solution de ce type quand on connaît les conditions géologiques, économiques et d’eau dans lesquelles tout cela doit se mettre en place.

C’est une fausse piste. On l’a vu, les articles de presse qui, pendant un certain temps, parlaient de boom économique sur les gaz de schiste, commencent à voir qu’il s’agit plutôt d’une bulle, que tout ce système est en train de s’effondrer. C’était vraiment du très court terme. Il faut plutôt viser là sur le long terme, ne pas chercher à consommer nos ressources jusqu’à la dernière goutte, avec des investissements inconsidérés et destructeurs. Il faut plutôt essayer de tabler sur le long terme. Cela va nous coûter un petit peu plus cher tout de suite, mais cela nous permettra d’avoir plus de visibilité et de retour sur investissement à moyen terme et à long terme.

Il n’y a pas de reniement du Grenelle ou de rejet comme vous l’avez dit, Mme Fagot. Vous avez parlé de M. Borloo qui aurait mené des politiques exemplaires… A vrai dire, il avait parfois la prime légère quand il fallait fixer un tarif sur le photovoltaïque ou arrêter un plan d’investissement sur le Canal Seine Nord. Je n’ai pas remarqué qu’il avait toujours de grandes qualités en matière de gestion des fonds publics et de vision à long terme de l’impact de ces politiques.

Je pense qu’un travail a été fait par le Grenelle, qui a produit un certain nombre de choses très positives, les schémas régionaux climat air énergie en sont un exemple puisqu’ils sont issus de la loi Grenelle 2, mais il y a aussi eu un certain nombre d’improvisations qui ont été faites. Aujourd’hui, il y a nécessité d’avoir un cadre réglementaire beaucoup plus stable et une politique tarifaire beaucoup plus stable sur les énergies renouvelables que les coups de yo-yo qu’il a pu y avoir et qui ont complètement déstructuré la filière et laissé libre cours aussi à des phénomènes spéculatifs qui n’étaient pas les bienvenus.

Si l’on veut avoir des entrepreneurs et non des spéculateurs qui s’emparent du chantier des énergies renouvelables, qui vont concerner des milliers de PME, des centaines sur le territoire, il est important d’avoir ce cadre stable. Et c’est particulièrement cela qui a fait défaut avec M. Borloo dans le cadre du Grenelle.

Vous appelez à un dispositif national, une agence nationale… Pas de bataille sémantique. Ce qui aujourd’hui émerge comme un point fort du débat sur la transition énergétique, c’est d’avoir un guichet unique. Aujourd’hui, il est répondu avec des dispositifs épars comme le programme « habiter mieux », le PTZ, etc., la volonté est de grouper le tir à travers un guichet unique pour avoir une réponse plus concentrée et qui réponde vraiment aux enjeux de la rénovation massive du logement en France.

Tel est bien l’enjeu et donc aujourd’hui, l’ADEME et l’ANAH vont devoir travailler de concert et avec les collectivités pour qu’il y ait une réponse groupée sur les territoires. Ce à quoi nous réfléchissons, ici, avec le service public de l’efficacité énergétique, cela s’inscrit bien dans cette demande : c’est-à-dire, expérimenter sur peut-être 2 000 logements rénovés, un modèle de financement qui va permettre, par un système de tiers financement, d’absorber une partie des frais d’emprunt qui aujourd’hui sont à la charge des ménages. Ce serait grâce à un tiers financeur qui pourrait mieux négocier de façon groupée, les emprunts, que ne le ferait une par une chacune des personnes qui voudrait engager des travaux.

Je ne détaille pas, on reviendra plus tard sur les mécanismes exacts de ce dispositif régional. Il est en gestation et pourrait permettre de généraliser, sur le bâti, une politique de rénovation de l’habitat.

Seine-Nord, bien sûr… Il en est fait mention dans ce document. C’est vrai que la politique des transports de marchandises, globalement, soulève beaucoup de questions. Il y est fait mention en disant que c’est aujourd’hui la façon dont le projet doit être réorienté qui nous interroge. La problématique n’est pas seulement celle de couler un canal au milieu de la Picardie, mais de savoir comment on répond à l’acheminement des marchandises dans le nord de l’Europe, et celles qui vont transiter par la Picardie. Et bien sûr, cela concerne le transport ferroviaire, l’amélioration du réseau fluvial existant, les transports routiers. C’est vrai, l’enjeu des 44 tonnes bouleverse le modèle économique du transport routier et dessert très probablement le fret ferroviaire aujourd’hui. C’est aussi l’un des héritages du Grenelle, malheureusement.

Mais nous devons bien nous poser cette problématique, celle du corridor qui achemine des centaines de millions de tonnes de marchandises, plus de 600 millions de tonnes de marchandises, qui viennent depuis l’Angleterre, les Pays-Bas et qui descendent vers la région parisienne. Savoir comment nous répondons à cette question de flux, en émettant moins de CO2, en consommant moins d’énergie, et aussi en relocalisant l’économie sur le territoire. Je vous signale que le port de Rotterdam, à lui seul, a plus de trafic que l’ensemble des ports français aujourd’hui, qui ont du mal à se positionner par rapport au port de Rotterdam.

La question aussi de l’avenir des ports français et de leur inscription par rapport à leurs hinterlands respectifs, et donc la façon dont le territoire picard pourra se positionner par rapport à ces ports français est une question tout à fait déterminante, surtout si l’on se pose la question du transport des marchandises par voie ferroviaire.

L’ensemble de ces enjeux doit être pris en considération si l’on veut répondre aux objectifs très généraux, climat, énergie, etc., et si l’on s’inscrit dans une dynamique territoriale. Aujourd’hui, le fait que le Canal Seine Nord soit bousculé par les rapports qui ont été remis, cela permet de se reposer les bonnes

Remonter