Lettre ouverte de Christophe Porquier à Alain Gest

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Monsieur Alain GEST
Député de la Somme
Président de VNF

Amiens, le 5 juillet 2013

Objet : Lettre ouverte à Alain Gest, Président-Candidat

Monsieur le Président de VNF, candidat à la mairie d’Amiens, député de la Somme, responsable de l’UMP de la Somme,

Vous voudrez bien m’excuser, Monsieur le Président-Candidat, de ne pouvoir assister à votre venue au Conseil régional de Picardie, qui était attendue depuis des mois, et qui a du être reportée à votre demande.

Je regrette que vous ayez spécialement choisi la date du lundi 8 juillet, qui se trouve être une réunion plénière très importante du Conseil national du débat national sur la Transition énergétique, qui doit faire une synthèse des travaux effectués dans les régions. Comme je siège dans cette réunion en tant que représentant de l’Association des régions de France et au titre de la délégation de la région Picardie, il me sera donc difficile d’être parmi vous, et je le regrette vivement.

Comme vous êtes vous-mêmes membre du Conseil national du débat sur la Transition énergétique en tant que parlementaire, j’aurais pensé que vous auriez fait le choix d’y participer plutôt que de caler une réunion à Amiens précisément ce jour là, mais les problèmes d’agenda sont souvent insolubles pour les personnes qui cumulent fonctions et mandats. Je compatis et je ne manquerais pas d’excuser votre absence au Conseil national du débat, lieu où seront débattues (entre autres) les modalités de déplacement d’avenir pour les personnes et les marchandises.

Vous devez venir ce lundi discuter d’un projet de canal géant hérité des années 70 et pour lequel toute l’énergie de VNF s’est déployée sous votre mandat de président, au détriment du réseau historique de voies navigables qui s’en est trouvé délaissé, et même abandonné car certaines portions sont aujourd’hui inutilisables.

Mon collègue et président de groupe Franck Delattre reviendra ce lundi sur les arguments de fond que nous avons de longue date opposés à ce projet pharaonique et irréaliste en tant qu’écologistes : naufrage annoncé du plan de financement en PPP, gabarit délirant alors que les canaux du nord sont plafonnés à 3000 tonnes, création totalement utopique de 4 plate-forme sur 100 km, risques pour les zones humides …

Ces arguments financiers, techniques ou concernant l’impact environnemental de ce mauvais projet ont presque tous été repris dans l’analyse de l’IGF et du CGEDD, dont on ne peut pas soupçonner qu’il s’agisse de repaires d’écolos décroissants. Les faits sont têtus et ils sont accablants pour votre gestion de ce dossier.

Alors que vous avez donné des leçons sur le coût du canal à celles et ceux qui affirmaient que son chiffrage serait bien supérieur, nous constatons que l’estimation finale est plus proche des 6 milliards (et même au-dessus) que des 4,3 que vous avez avancé, encore dans un courrier de février 2013. Et ceci sans compter les sommes publiques qu’il aurait fallu débloquer pour éponger le déficit d’exploitation, de même que les aménagements d’accueil (routes, …) qui auraient été à la charge des collectivités.

Pharaonique et irréaliste, vous le saviez probablement, comme le savaient les services de l’Etat qui avaient alerté sur le risque financier. Pourtant le déplacement de Nicolas Sarkozy à Nesle au printemps 2011 est venu consacrer le lancement du dialogue compétitif contre toute raison technique et financière, reportant les décisions réelles à plus tard.

Il faut dire qu’un déplacement devant un chantier trompeur, car anticipé avec le plan de relance qui aurait du servir à créer des emplois durables, en compagnie de Jean-Louis Boorloo au moment où il était question de candidatures à la présidentielle, ce n’était pas nécessairement inutile. Sans doute avez-vous vu ces images très drôles du président (presque candidat) faisant les yeux doux à on ex-ministre pendant le déplacement à Nesle dans une émission satyrique de Canal Plus (ça ne s’invente pas). Cela aurait pu être drôle, la suite nous montra que non aurait dit Brassens.

Et puis lancer une patate chaude à 4,3 milliards en sachant qu’elle ne retombera qu’en décembre 2012 à l’issue du dialogue compétitif dans le meilleur des cas, ça laisse le temps de raconter tout ce qu’on veut, et notamment qu’il va créer des emplois.

Non seulement cela est bien utile avant la présidentielle, mais cela est également utile avant une campagne législative à laquelle vous concourrez en utilisant l’ « argument » du canal, dans un méchant mélange des genres.

Ce canal a donné de faux espoirs aux picards, aux chômeurs et aux salariés, aux élus locaux de bonne foi, qui ont cru à ce projet de canal géant, qui vous ont cru, alors que ce projet était irréalisable financièrement et absurde techniquement. C’est ce qui est le plus grave dans toute cette histoire.

Des sommes importantes ont été engagées pour abaisser l’autoroute, pour des études et des fouilles archéologiques. Les moyens de VNF et de nombreux services publics ont été mobilisés. Ces millions d’euros dépensés en pure perte, ils auraient pu financer d’autres projets bien plus utiles pour l’emploi, les déplacements, la santé, l’éducation …

Et au final, à quoi aura servi ce bluff ? Si l’élection de Nicolas Sarkozy n’a pas été acquise, cela n’aura surement pas été inutile pour gagner l’élection législative de 556 voix.

Je ne vais pas m’acharner sur Nicolas Sarkozy dont les frais de campagne viennent d’être retoqués par le Conseil constitutionnel ayant constaté de nombreux dépassements liés notamment à l’utilisation des moyens de l’Etat.

Il y aurait toutefois matière à s’interroger sur l’imputation des dizaines de millions dépensés pour créer l’illusion d’un canal que vous avez porté en tant que Président de VNF. Vos comptes de campagne aux législatives les ont-ils intégré ?

Mais il est vrai que vous naviguez déjà sur d’autres eaux pour voguer vers les municipales amiénoises, toujours président de VNF et toujours candidat. Ne venez-vous pas de proposer aux amiénois une navette fluviale sur la somme pour relier Etouvie à Camon ? C’est vrai que les navettes fluviales urbaines dans les écluses, c’est si rapide et si pratique … Décidément le transport fluvial et vous, ça fait deux.

Alors, cessez cette mascarade. Vous n’avez aujourd’hui plus grande légitimité à défendre un canal qui est déjà coulé, sauf à faire des pirouettes politiques en niant les faits et les arguments. Votre place n’est plus à la tête de Voies navigables de France, qui doit pouvoir développer un autre projet, plus adapté au réseau fluvial existant, à la modernisation de la flotte française, à l’intermodalité avec les ports français et le réseau ferroviaire. Je vous invite donc à démissionner de cette fonction dans les plus brefs délais.

Recevez, Monsieur le Président de VNF, candidat à la mairie d’Amiens, député de la Somme, responsable de l’UMP de la Somme, mes plus cordiales salutations.

Christophe Porquier,
Vice-président du Conseil régional de Picardie

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