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Politique régionale du logement des jeunes et des étudiants

le jeudi 29 septembre 2011

Monsieur le Président,
Mes chers collègues,

Le sujet dont je viens vous parler aujourd’hui est malheureusement connu et partagé.
Il est nous rappelé chaque jour et encore hier avec le drame de Pantin où 6 personnes sont mortes suite à un incendie dans le squatt où elles tentaient de vivre : notre pays connaît une crise du logement sans précédent.
Une crise inédite par son ampleur, inédite par son coût social et économique.
Nous le savons toutes et tous, et c’est d’ailleurs ce qui nous a conduit en février dernier à adopter une politique régionale ambitieuse pour aider à la création de logements sociaux et à éradiquer l’habitat insalubre.

Mais parmi les nombreuses victimes du mal-logement, les plus jeunes sont encore les plus exposés. Je n’hésite pas à dire qu’il s’agit même d’une génération sacrifiée.
Je vous parle d’une génération qui sait qu’elle vivra moins bien que les générations qui l’ont précédée. D’une génération qui a vu ses aînés abandonner leurs rêves dans la désillusion et le renoncement. Cette génération anxieuse, hérite d’un monde fait de méfiance et de peur. Pour elle, les rêves les plus simples tels que travailler, avoir un toit, vivre dans la dignité et se projeter vers l’avenir, sont les plus inaccessibles.

Avoir un véritable emploi est un rêve inaccessible quand 25% d’une classe d’âge est au chômage et que tous les autres doivent accepter des contrats précaires et des salaires au rabais ;
Avoir un toit est un rêve inaccessible quand le prix du logement a doublé en dix ans et que l’emploi est si précaire et mal-payé ;
Vivre dans la dignité et se projeter vers l’avenir sont des rêves inaccessibles quand l’émancipation est sans cesse remise à plus tard et l’adolescence indéfiniment prolongée sous contrôle familial.

Cette génération est sacrifiée et ce n’est pas par hasard. Ce n’est pas par hasard que tous ces jeunes patientent à la porte de l’emploi, à la porte du logement, à la porte des responsabilités économiques, sociales et politiques. Ce sont des choix politiques constants et répétés qui ont fait des jeunes la variable d’ajustement de toutes les politiques.

La France a choisi il y a 30 ans de mettre un terme au formidable effort de construction des années d’après-guerre. Depuis ce temps, nous avons laissé la pénurie se constituer, nous avons laissé le logement devenir un bien rare et donc cher. Nous avons laissé flamber les prix et les loyers. Dans ce contexte de pénurie, l’immobilier est devenu pour certains une véritable poule aux œufs d’or. Des petits logements achetés à un prix encore raisonnable il y a peu se revendent au double voire au triple. Les loyers qu’on en tire constituent des efforts insurmontables pour les jeunes locataires. Les propriétaires de ces logements se seront finalement plus enrichis en dormant qu’en travaillant.

Car loger des jeunes est devenu un business juteux. On s’arrache ces petits logements de mauvaise qualité pour les louer hors de prix à des jeunes, étudiants ou travailleurs, qui consacreront la majeure partie de leur budget pour se loger.
On incite aussi fortement les ménages favorisés à investir dans des produits de défiscalisation dits « Scellier » ou encore « Censi-Bouvard », qui donnent naissance à des résidences étudiantes privées, où l’on trouve à louer pour 800 euros… un 18 m².
Le comble est atteint quand les pouvoirs publics eux-mêmes, renonçant à reprendre la main sur le marché, en valident les dérives. Le gouvernement a récemment lancé un site internet ayant pour vocation de mettre en relation les étudiants et les propriétaires de petits logements en Ile-de-France. Ce site, Lokaviz.fr, payé par le gouvernement et géré par les CROUS d’Ile-de-France, recèle des offres pour la plupart indécentes et parfois mêmes totalement illégales : des logements interdits aux hommes (« appartement réservé à une étudiante »), des offres de travail dissimulé (« loyer réduit contre heures de ménage ou baby-sitting), des loyers supérieurs à 50€/m² pour des gourbis…

Aucune honte, aucune morale. Exploiter la misère et la jeunesse ne semble plus déranger personne dans un domaine ou le marché est roi.  Est-ce là le modèle de société que nous voulons défendre ? Je ne le crois pas.
Pour ma part, je refuse de voir la jeunesse condamnée au mal-logement. Je refuse de cautionner des loyers hors de prix pour des logements minables. Je refuse de céder à la fatalité.

C’est justement la ligne ambitieuse qu’a défendu le conseil régional depuis longtemps, en soutenant la création de logements sociaux pour les jeunes.
De 2005 à juillet 2011, ce sont 11000 logements étudiants qui ont été crées. Ce sont 6000 logements en foyers de jeunes travailleurs et résidences pour jeunes actifs qui ont été crées.
Ce sont ainsi près de  150 millions qui ont été consacrées depuis 2005, pour inverser cette pénurie de logements sociaux.

Aujourd’hui, avec ce rapport-cadre, nous vous proposons d’aller plus loin.
- Tout d’abord en accélérant le développement de l’offre de logements sociaux à destination des jeunes.
- Ensuite en favorisant l’accès des jeunes au parc social et au parc privé, tout en maîtrisant les loyers.

Notre priorité continue de porter dans la construction de logements sociaux à destination des jeunes. Nous devons tout faire pour réduire la pénurie de logements abordables.

- Evidemment, il s’agit tout d’abord de poursuivre notre effort en matière de logement des étudiants.
Tous les travaux sur la question l’ont dit et redit : l’Ile-de-France est une région particulièrement sous-dotée en résidences universitaires, alors qu’elle concentre à elle seule plus de  600.000 étudiants.
Ainsi, dans le cadre d’une convention avec l’Etat, nous avons exigé de porter notre objectif annuel de construction de logements étudiants de 3000 à 4000 places, avec une priorité portée aux logements sociaux conventionnés en PLUS, dont les loyers sont plus accessibles que la norme imposée en la matière.

- Pour accompagner cet effort et le démultiplier, nous proposons également la création d’une conférence annuelle du logement étudiant, dans la suite logique du Schéma régional du logement étudiant. Cette conférence réunira tous les acteurs concernés : maitres d’ouvrage, bailleurs, étudiants, communauté éducative, représentants de l’Etat, maires ; elle aura pour objet de dessiner les contours des politiques à venir en la matière. La Région veut être demain le chef de file du logement étudiant.

Cet effort de construction s’accompagne d’un rehaussement de  notre intervention financière et d’un regard particulier sur l’implantation géographique des programmes à venir.
Un surfinancement est ainsi prévu pour les académies ou secteurs dont le taux d’équipement est inférieur au taux régional. Je pense en particulier au département de la Seine Saint Denis, ou au Val-de-Marne.

Enfin, pour répondre aux exigences du Schéma régional, une prime spécifique est dédiée à la création de 40 chambres pour étudiants gravement handicapés et permettra également le financement du logement attenant de l’accompagnant de ces étudiants.

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Notre aide envers les étudiants ne cesse de s’accroître. Notre objectif est simple : créer une offre locative sociale d’au moins 50.000 logements, soit doubler l’offre actuelle en dix ans.
Il en est de même pour les résidences de jeunes travailleurs, que nous soutenons fortement. Nous allons aussi travailler spécifiquement sur des programmes en direction des apprentis, dont beaucoup ont les plus grandes peines à trouver un logement dans les contraintes qui sont les leurs.
Enfin, pour l’ensemble de ces actions, notre volonté est de soutenir des programmes dont les loyers de sortie et charges sont maîtrisées et acceptables.

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J’ai bien conscience que le seul développement d’un parc social spécifique ne suffira pas à répondre à l’immensité et à la diversité des besoins des jeunes en matière de logement. C’est d’ailleurs plus largement une question de philosophie des politiques publiques à l’égard de la jeunesse. Faut-il cantonner les jeunes dans des dispositifs spécifiques ou ne vaut-il pas mieux leur garantir un accès égal aux dispositifs existants ?

Je suis convaincue que de grandes marges de manœuvre nous sont offertes dans cette voie de l’accès au logement non spécifique.
C’est pour cette raison que dès février dernier, je vous proposais de favoriser un meilleur accueil aux jeunes dans le parc social familial en réservant au moins 5 % des programmes financés par la Région à l’accueil de ménages de moins de 30 ans. Mais cela n’est pas suffisant.
Nous avons donc décidé de mobiliser une partie du contingent de réservation régional, non demandé par nos agents, à destination de jeunes, en partenariat avec l’Union régionale des foyers pour jeunes travailleurs. Cela permettra de proposer à des jeunes sortants de FTJ d’entrer dans le parc social.

De la même manière, nous soutiendrons des opérations de colocation dans le parc social, encore trop peu nombreuses et pourtant si intéressantes, en terme de mixité sociale et de mixité générationnelle.

Enfin, pour que notre action ait un impact fort, nous souhaitons investir tous les interstices qui nous permettent de changer la donne : agir sur le parc privé est ainsi nécessaire. C’est là que sont aujourd’hui logés la plupart des – de  30 ans. C’est là aussi que se pratiquent nombre de discriminations à l’entrée au logement, de fraudes et de pratiques abusives.

De nombreuses collectivités, de nombreuses institutions, l’Etat même, rivalisent entre eux pour offrir aux jeunes des dispositifs de caution solidaire. Nous avons étudié longuement cette option mais n’avons pas jugé pertinent, pour le moment, de proposer un dispositif régional spécifique.
D’une part afin de ne pas compliquer la lisibilité des dispositifs existants avec un outil concurrent. Mais également et plus fondamentalement parce que le marché locatif privé en Ile-de-France s’est tellement emballé ces dernières années que le premier problème n’est plus celui de la caution locative mais tout simplement celui de pouvoir payer un loyer !

C’est pour cela que nous voulons tenter une expérimentation d’intermédiation locative dans le parc privé, à destination des jeunes. Il s’agit d’agir sur les relations locatives en pesant sur les loyers et les conditions d’accueil des jeunes locataires tout en rassurant et sécurisant les propriétaires-bailleurs qui souhaitent les accueillir. La Région proposera aux propriétaires qui le souhaitent de louer directement leur logement à une association dont la Région est partenaire et qui assurera pour eux pendant 3 ans la gestion locative et les risques inhérents. En échange de cette sécurité, les propriétaires devront consentir un loyer inférieur au marché.
C’est un défi ambitieux, peut-être difficile à relever. Mais, avec de nombreux partenaires répartis sur l’ensemble de l’Ile-de-France, notamment les CCLAJ ou les PACT, nous voulons le tenter.

Voici résumées brièvement les actions principales de ce rapport, qui a été élaboré en concertation avec les élus et les groupes de la majorité, mais également avec le Conseil Economique, Social et Environnemental Régional (CESER), avec le Conseil Consultatif du Handicap ainsi, enfin, qu’avec le Conseil Régional des Jeunes. Ce rapport est aussi le fruit de longs échanges avec les acteurs de l’habitat social, les CROUS, les associations travaillant en direction des jeunes, et bien entendu avec les syndicats étudiants.
Je les remercie tous et toutes pour leurs contributions et la qualité du dialogue entrepris. Je remercie également les vice-présidentes et vice-présidents qui m’ont aidé sur ce rapport. Je pense bien sûr en premier lieu à Isabelle This-Saint-Jean, mais aussi à Emmanuel Maurel, Henriette Zoughebi et Laure Lechatellier.

Cette politique est ambitieuse et nécessaire. La jeunesse doit être sortie de l’ornière et doit retrouver de meilleures conditions de vie et des perspectives d’avenir pour ne pas basculer dans le désespoir. Je sais qu’elle compte sur nous. A nous de ne pas la décevoir.

Je vous remercie.