Discussion générale – Communication décentralisation de Mounir Satouri
La réforme territoriale a été l'objet d'un débat intense lors de la session plénière de fin juin. les écologistes, par la voix de Mounir Satouri, leur président de groupe ont rappelé les trois objectifs pour eux d'une réforme territoriale réussie :
- Retrouver la confiance de nos concitoyens "Quand 2/3 des français boudent les urne, ça n'est pas anodin ; quand le premier parti de France aux européennes est le Front National, ça n'a rien d'anodin", rappelle Mounir Satouri. La démocratie participative doit être la règle.
- Donner aux collectivités la capacité de lutter activement contre le changement climatique "Avec les aides en faveur de la rénovation énergétique et la production d'énergies renouvelable, la Région est déjà un acteur majeur dans le débat national sur la transition énergétique et c'est la bonne échelle pour poursuivre les mesures"
- Recréer des solidarités entre territoires... "Il ne peut y avoir en Ile-de-France des gens moins égaux que les autres", pour éviter les risques de rupture entre centres urbains et périphérie, on ne peut avoir une métropole en compétition avec la Région
- L'intervention complète de Mounir Satouri est ici en pdf : Communication décentralisation de MOunir Satouri
- Le texte approuvé par le groupe des éclogistes "Osons la Région Métropole" est ici : Metropole-Region Idf _ contribution du groupe EELV_CRIDF
- Pour rappel, la tribune dans Mediapart de Mounir Satouri : "les dix commandements écologistes pour une réforme territoriale réussie"
- L'interview dans le JDD de Mounir Satouri "Stop à la métropole du Grand Paris"
Le rapport en discussion est ici : CR_54-14
Le texte est là :
Monsieur le président,
Mes chers collègues,
S’il y a bien un mérite qu’on peut reconnaître aux écologistes en matière de décentralisation, c’est la constance. Nous portons toujours la même position, c’est-à-dire le triptyque « commune, intercommunalité, région ».
D’ailleurs, nous observons avec plaisir que comme sur d’autres sujets, les autres forces politiques finissent bien souvent par arriver à peu de choses près aux mêmes conclusions que nous.
La conversion n’est pas toujours facile à réaliser, mais que voulez-vous ? Notre constance n’a d’égale que notre persévérance. Je dirai donc merci à Manuel Valls et à François Hollande d’avoir lancé le débat sur la disparition progressive et organisée des départements. Les annonces du gouvernement montre en effet une réelle évolution sur le sujet et nous nous en réjouissons.
Nous avons toujours articulé nos propositions autour de trois objectifs très simples qui définiraient à nos yeux une « bonne » réforme de la décentralisation.
Premier objectif « crucial en ces temps troubles pour notre démocratie » : retrouver la confiance de nos concitoyens.
Il est temps pour les républicains que nous sommes d’avoir une réaction à la hauteur des enjeux. Quand deux tiers des français boudent les urnes, non seulement par mécontentement, mais par désintérêt pour la chose publique, ça n’est pas anodin. Quand le premier parti de France, que ça vous plaise ou non, c’est le Front National, ça n’est pas anodin.
Depuis le 25 mai dernier, on a beaucoup parlé de crise de régime, de la fin des partis politiques. On a même évoqué ici ou là la mort de la gauche. Au-delà des formules, il était grand temps d’ouvrir les yeux sur une situation qui n’a fait qu’empirer ces 30 dernières années.
Ce qu’on appelle parfois la « fatigue démocratique » n’est pas un mal franco-français. Elle n’est donc pas spécifique à la 5ème République, même si les institutions renforcent souvent le sentiment de dépossession démocratique. Partout en Europe, les systèmes démocratiques éprouvent des difficultés. La démocratie ne peut pas se contenter d’incantations. Elle ne convainc que quand on la pratique avec ardeur et avec assiduité. Et le meilleur endroit pour mettre cette maxime en pratique, c’est l’échelon local.
C’est pour ça que les écologistes sont des fervents partisans de la décentralisation. Car c’est là où le lien entre le citoyen et la chose publique est le plus fort. C’est là où l’impact concret de la décision politique sur le réel est le plus évident. C’est donc par là qu’il faut commencer, et je dirai même, c’est par là qu’il faut recommencer, qu’il faut refonder notre pacte social et démocratique.
Cela implique tout d’abord de faire beaucoup plus simple. Pas au nom de la baisse des dépenses publiques, qui est un objectif discutable. C’est important parce que le citoyen ne s’y retrouve plus.
Comment espérer l’implication de toutes et tous si personne n’est capable de dire qui fait quoi, et avec quel argent ? Comment revaloriser le politique quand il n’est pas responsable devant ses électeurs ?
Pour faire vite, les écologistes souhaitent renforcer les intercommunalités et les régions, et supprimer les départements qui ne correspondent plus aux réalités vécus par les habitants. Ces structures vieilles de plus de deux cent ans ont certes un rôle important pour les politiques sociales, mais qui pourrait tout à fait être assumé par les autres niveaux de collectivités.
Et pour cela, il faut des assemblées pleinement légitimes sur le plan démocratique. Nous voulons donc la généralisation du scrutin proportionnel de liste, avec une prime majoritaire faible pour ne pas écraser l’opposition et favoriser le débat d’idées.
Mais il faut aller encore plus loin sur le fonctionnement des collectivités, nous proposons donc :
- l’instauration d’une séparation des pouvoirs entre exécutif et législatif
- le renforcement des droits de l’opposition (comme la présidence de la commission des finances)
- la co-élaboration systématique des politiques publiques avec les citoyens, et notre vœu est une proposition importante à ce titre
- des budgets participatifs, comme ce que nous avons commencé à faire dans les lycées
La question de la participation citoyenne se pose aussi sur les redécoupages. Je ne vais pas commenter la carte du gouvernement, mais plutôt la méthode. Quand la population est en perte de repère et boude les urnes, j’ai un doute sur le message véhiculé par la suppression arbitraire de collectivités sans demander aux gens ce qu’ils en pensent.
Surtout quand on prétend faire des économies en supprimant des postes d’élus ou en mutualisant les effectifs régionaux. Tout ça ne fait pas très sérieux.
Au contraire, le renforcement de la démocratie locale est un beau chantier qui devrait figurer au cœur de la réforme territoriale !
Deuxième objectif « le plus important pour garantir un futur soutenable à notre planète » : donner aux collectivités la capacité de lutter activement contre le changement climatique.
Et je veux souligner ici l’occasion formidable qui s’offre à nous.
Le parlement va étudier au même moment la loi de réforme territoriale et la loi de transition énergétique. C’est une opportunité inédite. Tout le monde connaît ici le rôle primordial des collectivités pour adapter nos sociétés au changement climatique.
La Région Île-de-France s’est engagée dans cette voie depuis longtemps, avec par exemple l’adoption du Schéma Régional de Cohérence Ecologique, mais aussi toutes nos aides en faveur de la rénovation énergétique et de la production d’énergies renouvelables.
Les Régions ont été un acteur majeur dans le Débat National sur la Transition Energétique et elles continueront de l’être si l’on en croit le texte initial proposé par le gouvernement.
C’est pour nous, écologistes, de bon sens car elles seules ont la taille nécessaire pour gérer à la fois les questions de transport et d’aménagement, et donc de protection des espaces agricoles et de circulation des espèces.
Le premier texte sur la réforme territoriale avait donné la compétence aux métropoles sur la lutte contre la pollution de l’air, la gestion des milieux aquatiques ou la prévention des inondations. Si on réfléchit à ces défis très concrets à l’échelle de l’Île-de-France, il semble assez évident que la Région est bien mieux placée puisqu’elle ne se limite pas à la partie urbaine.
L’Île-de-France est peut-être la première région économique de France, et même d’Europe, mais c’est avant tout un territoire agricole et forestier. C’était d’ailleurs toute la philosophie du Schéma Directeur sur lequel nous avons longuement travaillé.
Le défi était de créer des espaces mixtes à proximité des réseaux de transports, qui puissent combiner activité économique et habitat, et qui réconcilient vie urbaine et protection de la nature.
Je suis persuadé que c’est la réussite du SDRIF qui a suscité l’adhésion du gouvernement à la montée en puissance des schémas d’aménagement pour les autres régions. C’est d’ailleurs dommage que l’Île-de-France ne puisse pas intégrer son schéma de développement économique dans ce même document, comme pourront le faire les autres régions. Car nous avons fait la démonstration qu’il était possible de réconcilier toutes les fonctions du territoire sans laisser personne de côté.
Et nous pourrons dès demain monter très fortement en puissance sur les questions énergétiques. La loi de transition énergétique va par exemple conforter le rôle de la Sem Energie Positif, puisque le lobby bancaire a perdu sur la question du tiers financement. Avec la fin progressive du tout nucléaire, nous allons pouvoir doper la production décentralisée d’énergies renouvelables. Combien de projets citoyens attendent un petit coup de pouce pour se lancer dans la révolution énergétique qui s’annonce ?
Vous l’aurez compris, il nous tarde d’agir !
Troisième objectif « auquel est particulièrement confronté notre Région, la plus inégalitaire du pays » : recréer des solidarités entre territoires.
Pour reprendre Coluche, il a quand même en Île-de-France des gens moins égaux que les autres. Pour les écologistes, l’égalité des territoires doit être le troisième grand axe de la réforme territoriale.
Avec la baisse des dotations aux collectivités, la solidarité des territoires va être de plus en plus importante si l’on ne veut pas que les fractures d’hier deviennent les fossés de demain. Toutes les analyses le montrent, il y a un risque de rupture très fort dès que l’on sort des grands centres urbains.
Et pourtant, le premier texte de loi s’est surtout attaché à la question des métropoles, c’est-à-dire aux lieux où l’on crée le plus de richesses, même s’il y existe aussi des poches très fortes de pauvretés.
Pour nous, la concurrence entre Régions et Métropoles n’est ni saine, ni durable car le souci de la coopération aura toujours du mal à cohabiter avec un marketing territorial exacerbé.
- Métropole du Grand Paris : nous partageons le souci du gouvernement sur la construction de logement et sur le partage des richesses
- Mais le projet actuel ne permet pas de répondre à ces deux enjeux, c’est pourquoi nous nous sommes exprimés pour le changer radicalement
- Comment peux-t-on croire qu’une métropole dominé par des maires de droite va construire les dizaines de milliers de logements sociaux nécessaires alors qu’ils ne respectent même pas la loi SRU dans leur commune ?
- Comment croire que ceux qui ont jalousement gardé les emplois et la richesse fiscale vont se mettre, dès demain, à partager avec les territoires les plus pauvres ?
- Je constate d’ailleurs que Paris Métropole est dans une forme d’impasse : facile de s’allier pour s’opposer, plus difficile de s’allier pour proposer une alternative
- Il faut trouver un autre projet, et ce projet, ça peut-être la Région, pour toutes les raisons que j’ai évoqué
- Mais pour cela nous avons besoin de plus d’autonomie fiscale. Il nous faut des moyens, notamment avec de la fiscalité écologique pour encourager les comportements vertueux
- L’autonomie fiscale permettra d’ailleurs le Pass Navigo Unique qui serait une vraie mesure de justice et d’égalité pour toutes les franciliennes et tous les franciliens
Et une plus grande autonomie nous permettra d’assumer de nouvelles compétences pour mettre en œuvre notre vision du développement francilien. Nous croyons toujours qu’une Autorité Organisatrice du Logement à l’échelle de l’Île-de-France est la solution la plus adaptée pour mettre tout le monde autour de la table et trouver des solutions concrètes à la pénurie.
On pourrait penser aussi à la question de la qualité de l’air, des grands centres commerciaux et des grands équipements sportifs alors que notre Région souffre d’une overdose de grands projets tout aussi inutiles qu’imposés par le haut.
En conclusion :
Retrouver la confiance de nos citoyens en approfondissant la démocratie locale.
Donner aux collectivités la capacité de lutter activement contre les pollutions et le changement climatique.
Définir de nouvelles solidarités entre les territoires pour que personne ne soit laissé au bord du chemin.
Voilà la feuille de route des écologistes.
Si nous arrivons à nous mettre d’accord, toute la gauche mais même au-delà, toutes les forces politiques qui sont représentés à la Région, sur ces grands principes et à les porter dans le débat parlementaire, alors nous réussirons, je le crois, à défendre efficacement l’intérêt général des franciliennes et des franciliens.
Je vous remercie de votre attention.