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Communication sur l’Autorité Organisatrice du Logement en Idf : discours d’Emmanuelle Cosse

Monsieur le Président,

Chers collègues,

En février 2011, je suis venue présenter le rapport relatif à l’action régionale en faveur du logement. Je dressais alors un tableau bien sombre de la situation du logement en Ile-de-France et nous exhortais, chers collègues, à nous donner de toute urgence les moyens de la faire changer. Je vous proposais un plan d’action que vous avez adopté visant à développer massivement la création de logements sociaux, à lutter contre la précarité énergétique et à soutenir les copropriétaires dans le parc privé le plus dégradé. Lors du vote du budget 2012, vous avez réaffirmé notre engagement en maintenant cet effort pour lequel nous nous étions engagés en 2010 à consacrer un milliard d’euros en 4 ans.

 Lors de nos débats, nous avions soulevé l’immense décalage entre la croissance de la demande de logements et l’incapacité dans laquelle nous étions, et dans laquelle nous sommes toujours, à produire une offre suffisante pour y répondre.

 Le renouvellement du parc, le desserrement des ménages, le comblement du déficit accumulé et l’accueil de nouveaux ménages en Île-de-France nous conduisent à évaluer les besoins de production à 70 000 logements par an. Or combien en produisons-nous ? 40 000 par an, les bonnes années. 37 000 en moyenne.

 Dès lors, l’accès au logement, qu’il s’agisse d’accession à la propriété ou de location, fonctionne comme un système d’enchères, dont les ménages les plus modestes sont exclus. Quant au parc social, il est à la fois insuffisant en nombre et mal réparti sur le territoire pour accueillir tous les demandeurs. Destiné à être un parc de transition, dans des parcours résidentiels réussis, il est aujourd’hui un parc où l’on reste, faute de mieux, compromettant ainsi les chances d’accès aux autres ménages, qui sont désormais plus de 400 000, en attente d’un logement social.

Face à cette crise, les politiques publiques du logement présentent une organisation dispersée, sans cohérence et parfois même sans moyens. Depuis les première lois de décentralisation, qu’il n’est pas ici question de remettre en cause, l’Etat n’est plus seul à la manœuvre. Celui-ci, garant du droit au logement, fixe les grandes orientations et définit les grands programmes pluriannuels dont il assure le contrôle et, au moins en partie, le financement. Je pense par exemple au Programme national de rénovation urbaine, au Plan de cohésion sociale ou au Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. Mais les collectivités territoriales, notamment les communes et leurs groupements, détiennent d’importantes prérogatives, conservent la maîtrise de leur urbanisme, des usages du foncier, de la définition des objectifs et des typologies de constructions. Ces collectivités ont également des obligations, dont l’Etat, par l’action des préfets, doit contrôler et sanctionner l’application.  Je pense aux obligations résultant de la loi SRU ou bien encore à celles de la loi Besson sur les aires d’accueil des gens du voyage.

 De sorte qu’une géographie locale très complexe du partage des responsabilités se dessine et, si tout le monde s’accorde à peu près sur les besoins et les grands objectifs des politiques de logement, chacun est tenté de reporter sur les autres la responsabilité de leur échec. La juxtaposition de stratégies locales n’est pas à la hauteur des enjeux régionaux.

 Ce diagnostic, nous l’avions posé en février 2011 et l’assemblée régionale avait mandaté l’exécutif pour commander une étude relative à la mise en oeuvre d’une autorité organisatrice du logement.

Le Conseil régional porte de longue date l’idée de doter l’lle-de-France d’un outil efficace de coordination. La mission menée par notre vice-président Jean-Paul Planchou en 2008 propose cette évolution. Dans une tribune commune avec le Maire de Paris publiée dans le Monde en mars, le Président du conseil régional a réitéré sa volonté de créer une Autorité organisatrice du logement. Je sais que le Président Boucherat soutient fortement cette démarche.

Nous ne sommes pas les seuls à faire ce constat et à identifier ce besoin. Depuis une demi-douzaine d’années, des chercheurs, des acteurs du logement comme l’AORIF mais aussi des institutions aussi diverses que le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, le conseil d’Etat, le conseil économique, social et environnemental, ou la Fondation Abbé Pierre ont souligné le caractère spécifique de la crise francilienne du logement et l’impérieuse nécessité de dépasser le morcellement actuel pour conjurer l’inefficacité des politiques du logement.

De telles métamorphoses institutionnelles ont également été menées avec succès en France et à l’étranger, je pense en particulier à Rennes ou encore à Londres ou à Barcelone. Ces exemples nous montrent, s’il en était besoin, que, dès lors qu’elles sont souhaitables et souhaitées, de telles entreprises sont possibles. Je pense même qu’il serait une faute morale et politique de ne pas le tenter. Pour tout vous dire, je n’ai pas choisi de faire de la politique pour simplement faire des constats mais pour apporter des solutions. Et je ne me satisferai pas, quand mon mandat prendra fin, de n’avoir pas au moins tenté ce que je crois juste et nécessaire.

Ce principe étant posé, restait à imaginer et proposer les évolutions institutionnelles qui nous permettront d’atteindre le but poursuivi. Dès lors, la question du choix de la méthode se posait : nous aurions pu faire le choix de confier à quelques experts le soin de constituer, en chambre, un outil universel et parfait, qu’il n’aurait resté qu’à valider et adopter. Ce n’est pas la méthode que nous avons retenue. Nous avons au contraire fait le choix de la concertation et du partenariat, et nous avons associé au suivi de l’étude confiée à l’IAU l’ensemble des parties prenantes : L’Etat, la ville de Paris,  les conseils généraux, l’Association des maires d’Ile-de-France, Paris Métropole et le CESER.

Nous avons également organisé le 28 mars dernier un « Atelier des partenaires » consacré à la gouvernance du logement, auquel a été convié l’ensemble des acteurs du logement d’Ile-de-France.

L’IAU a mené en outre une cinquantaine d’entretiens en face-à-face avec des professionnels du logement et de la construction, des élus d’Ile-de-France ou d’autres territoires, des hauts fonctionnaires, des universitaires.

C’est sur les bases de cette étude, annexée au rapport qui vous a été remis, que j’ai le plaisir de vous présenter aujourd’hui, conjointement avec Jean-Luc Laurent, les options que l’exécutif a retenues.

Les options que nous avons retenues sont centrées autour de quatre grands enjeux des politiques du logement en Ile-de-France. Ces enjeux sont les suivants :

1.Se donner les moyens de construire réellement 70 000 logements par an pour mettre en œuvre le SDRIF

2.Soutenir en priorité le logement social, en visant l’objectif de 30 % de logement social dans le parc à l’horizon 2030

3.Garantir la mixité sociale et l’égalité des territoires

4.Aider le parc privé

La définition de ces enjeux ne vous surprendra pas. Ce sont les enjeux et les axes prioritaires de notre politique-cadre régionale. Nous en avons débattu ensemble et je ne doute pas que vous les partagez.

La définition des compétences et des moyens de l’Autorité Organisatrice du Logement appelle, quant à elle, quelques développements.

Tout d’abord sur le choix du périmètre géographique d’intervention de l’AOL : nous avons fait le choix de définir un périmètre large, celui de la région. Vous savez que certains plaident pour un périmètre resserré, reposant par exemple sur l’unité urbaine au sens de l’INSEE. Il nous est apparu au contraire que de nombreux éléments plaidaient pour un périmètre régional. D’une part le simple souci de cohérence avec l’échelle d’autres instruments, comme le SDRIF, le Schéma du logement étudiant, le plan régional d’accueil, d’hébergement et d’insertion (PRAHI). C’est également l’échelon d’intervention des EPF ou des grands bailleurs sociaux. Plus fondamentalement, les problèmes de logement, qui sont concentrés dans la zone dense, engendrent des phénomènes de report vers les périphéries, nourrissent la grande «centrifugeuse résidentielle», qu’il est indispensable d’intégrer dans une politique d’ensemble. Dans le cas contraire, nous risquerions de faire des périphéries l’arrière-cour de la zone dense, et d’en faire le réceptacle des problématiques insuffisamment traitées, comme l’hébergement, la précarité énergétique, le parc ancien dégradé, etc. Sur la question du logement comme sur toutes les grandes politiques publiques, nous, élus, avons l’impérieuse responsabilité de ne pas créer une « région à 2 vitesses ». L’articulation des territoires, l’articulation des politiques, pour améliorer le quotidien des Franciliens, est au cœur de notre projet de développement : le SDRIF.

Ce choix d’un périmètre large ne fait bien évidemment pas obstacle à ce que soient développées des politiques différenciées, négociées avec les territoires, dans toute leur diversité.

Sur le choix des compétences réglementaires ensuite : nous avons retenu l’option de confier à l’AOL l’élaboration d’un PRH - Programme Régional de l’Habitat, document d’urbanisme stratégique et prescriptif chargé de définir et de territorialiser les actions en matière de logement selon les besoins de chaque territoire, et en concertation avec les acteurs locaux. Il s’agit d’en faire un outil intégré dans la hiérarchie des documents d’urbanisme, entre le SDRIF et les PLH, qui lui seraient subordonnés. Il s’agit également d’en faire un outil opérationnel, puisque doté d’un volet foncier et appuyé par les financements nécessaires. Nous proposons donc un outil qui accompagne les élus bâtisseurs et créé l’émulation chez les élus plus rétifs.

Enfin, sur le choix des moyens financiers : il nous est apparu indispensable de confier à l’AOL les moyens d’assumer les objectifs qu’elle s’assigne. Afin d’éviter l’écueil - bien connu en Ile-de-France - de documents d’urbanisme généreux dans leurs objectifs mais inopérants, car sans moyens. A ce titre, il convient que l’AOL, outil de mutualisation des financements des bailleurs sociaux, soit délégataire unique des aides à la pierre sur son territoire. Cette délégation unique doit s’assortir de dispositifs de contractualisation avec les territoires, je pense en particulier à ceux qui, aujourd’hui, sont délégataires des aides à la pierre : la ville de Paris, le conseil Général des Hauts-de-Seine, les communautés d’agglomérations de Melun Val-de-Seine et de Cergy-Pontoise.

Cette délégation implique, évidemment, que soit maintenu de la part de l’Etat, un niveau suffisant d’aide à la pierre. La constitution d’une autorité organisatrice n’ayant pas pour objectif de masquer, par des moyens institutionnels nouveaux, des moyens financiers qui seraient en diminution.

L’Etat, vous le voyez, figure en bonne place dans ce paysage institutionnel renouvelé. Je laisserai à Jean-Luc Laurent le soin de revenir plus en détail sur ce point, mais il nous a semblé opportun de rappeler que la politique du logement relevait avant tout et par nature de la solidarité nationale, dont l’Etat ne peut pas être dédouané. Par conséquence, sur le sujet, maintes fois abordé, des sanctions à prononcer contre les communes en infraction avec l’article 55 de la loi SRU, nous rappelons que l’AOL a vocation à constituer une instance d’élaboration et de mise en œuvre des politiques du logement sur son territoire, et non une instance de contrôle.

Permettez-moi un mot, enfin, sur la composition et les modalités de prises de décisions de cette AOL. Ceux qui auront cherché dans ce rapport des éléments sur les modalités de représentation de telle ou telle collectivité, ou sur les modalités de nomination de tel ou tel représentant, seront déçus, car nous n’en parlons pas. Non que le sujet ne soit pas digne d’intérêt ni qu’il ne devra être posé en son temps. Mais, au stade de ce travail de concertation, entrer dans ce type de considérations aurait été tout à fait prématuré et, pour tout dire, sans doute contreproductif. Nous avons fait le choix de travailler sur le fond, sur les déterminants d’une plus grande efficacité collective : périmètre, compétences, moyens financiers, moyens d’action.

Avec cette communication régionale, s’ouvre une nouvelle étape vers l’élaboration de cette autorité. Je remercie tous les élus qui ont participé à ces travaux. En particulier, j’invite les collectivités qui ont été nos partenaires tout au long de leur élaboration à se saisir de nos propositions. Comme nous y a enjoints le Président de la République, il appartient aux élus d’Ile-de-France, en dialogue constant avec l’Etat, de travailler à la création d’outils efficaces au service des Franciliens.

Nos propositions nécessiteront pour une part des modifications législatives et réglementaires. Il importe donc que le gouvernement et le parlement s’en saisissent. J’aurai pour ma part l’occasion, dès la semaine prochaine, de remettre ce rapport à la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Je vous remercie.