Séance plénière du 23 juin 2014 : intervention de politique générale par Claude Taleb

Claude Taleb

La matière ne manque pas pour nourrir notre débat de politique régionale.

 

Le Conseil des Ministres examinait mercredi 2 projets de lois – la réforme territoriale, la loi de transition énergétique – qui sont susceptibles, sous réserve d’être adoptés par le Parlement, de profondément modifier la donne pour notre Région.

 

Dans la « Région des énergies » la transition énergétique est plus qu’un horizon, c’est une nécessité. Développement éolien, rénovation thermique, tiers-financement, décroissance de la part du nucléaire… J’y reviendrai, au moment d’examiner la délibération sur l’éolien en mer.

Cela me laisse le temps de partager ici un certain nombre de réflexions sur les enjeux de la réforme territoriale, et aussi d’évoquer la riche actualité sociale et citoyenne de notre Région.

 

Nous sortons d’une séquence électorale où nos concitoyens ont fait la grève des urnes et manifesté leur désespoir de la chose publique au point de laisser libre cours aux solutions des promoteurs de l’exclusion des plus pauvres parmi les pauvres et du nationalisme le plus obtus.

 

La première menace qui plane sur la réforme territoriale est celle de l’indifférence populaire.

Il revient à ceux qui portent l’ambition de cette réforme d’apporter la démonstration par la preuve que son objectif est justement de (re)donner la capacité aux citoyens d’être acteurs et actrices de l’avenir de leur territoire.

 

La perspective de changer profondément les périmètres, les attributions, les compositions de nos assemblées nous bouscule  bouscule tous nos partis? Tant mieux !

Il faudrait être aveugles et sourds pour camper pour camper sur les positions conservatrices qui s’expriment à droite et à gauche.

 

Les écologistes choisissent le mouvement et soutiendront la plus ambitieuse décentralisation avec un objectif central : réinventer la démocratie, tirer profit d’une articulation nouvelle et créative entre la démocratie représentative et la démocratie participative, réinscrire les politiques publiques dans la proximité, promouvoir l’égalité des territoires.

 

Je ne tournerai pas plus longtemps autour du pot : écologistes haut et bas-normands, adhérents et élus, nous disons banco à la proposition qui nous est faite, oui à l’union et à la fusion de nos deux régions dans une nouvelle région, la Normandie.

 

La Normandie continuera à promouvoir le tourisme, la qualité alimentaire, la valorisation de nos espaces littoraux. Rêvons que l’union fera sens commun alors que nous obtiendrons la réalisation toutes affaires cessantes de la liaison ferroviaire haute performance reliant Paris à Cherbourg et Paris au Havre, ainsi que la circulation optimisée des hommes des femmes, des idées et des marchandises, entre Rouen et Evreux et Rouen et Caen!

 

Notre nouvelle région s’appesantira moins sur son passé lointain et d’hypothétiques âges d’or, que sur la préparation de l’avenir, d’une trajectoire de développement résilient, assurant le renouveau de l’emploi, du vivre-ensemble et la préservation des ressources naturelles.

 

Nous serons, M. le Président, ces prochains mois, dans nos deux Régions, force de proposition normande, pour préparer et réussir cette transition.

 

L’affectation de responsabilités nouvelles aux Régions est une bonne nouvelle. Elle suppose toutefois des ressources nouvelles, par décentralisation des recettes fiscales de l’Etat et par le développement de la fiscalité écologique.

 

La décentralisation passe par la régionalisation mais pas seulement.

Les Verts sont depuis longtemps favorables à une organisation de notre pays fondée sur les bassins de vie, les intercommunalités et les régions au sein d’une Europe fédérale.

 

Mais l’objectif n’est pas de « faire des économies », il s’agit de mieux rendre le service public, d’améliorer la lisibilité de l’action publique. La consolidation des politiques de solidarité doit aller de pair avec la suppression des Conseils départementaux à laquelle nous sommes favorables.

 

Si les élus sont les premiers concernés, personne ne peut s’exonérer de l’exercice du changement.  La réforme ce n’est pas « que pour les autres » comme nous le suggère le Président des CCI normandes dans une récente et baroque tribune de presse. La représentation de la société civile dans nos CESER obéit à une vision des « forces vives » datée, qui mérite d’être modifiée si nous voulons que nos assemblées, toutes nos assemblées, ressemblent à la diversité de notre société.

 

Réussir la mutation de nos territoires et de nos collectivités, appellerait le dépassement temporaire des clivages et le plus large rassemblement des démocrates et des républicains.

 

Certes, la méthode employée pour impulser cette réforme est contestable. Il est choquant qu’une nouvelle carte des territoires ait ainsi été opérée sur un coin de table.

Nous y voyons une raison de plus pour réformer et démocratiser notre République fatiguée.

 

La France du XXIème siècle n’est plus celle de 1871, quand les premiers conseillers généraux ont été élus. Elle n’est plus non plus celle de De Gaulle et de Mitterrand, deux hommes du siècle d’avant, qui n’ont pas eu et n’auront plus de successeurs.

 

La Vème République est à bout de souffle. Pour nous, dire oui à une décentralisation ambitieuse, c’est faire un premier pas vers une VIème République plus parlementaire, plus démocratique, plus citoyenne.

 

Chers amis de la majorité, nous parions que vous n’êtes pas insensibles à ce message.

Chers collègues de l’opposition républicaine, nous sommes curieux d’entendre ce matin votre chef de file. Entendrons-nous le Bruno Lemaire des champs qui tel un cabri, scande depuis des années « Normandie, Normandie » ou Bruno Lemaire candidat à la présidence de l’UMP qui dit niet à la réforme quand elle devient possible ?

 

L’actualité sociale nous montre des haut-normands qui savent s’investir quand ils perçoivent l’aboutissement de leurs actions, il faut s’en réjouir.

 

Ainsi en est-il des usagers du service public ferroviaire qui exigent à juste raison avec l’appui de notre majorité, le maintien de la liaison Bréauté-Fécamp.

 

Nous saluons aussi les collectifs d’habitants et d’élus opposés au contournement Est de Rouen. Cette opposition populaire grandit. La raison voudrait qu’on tourne enfin la page de ce projet anachronique et ruineux.

 

Notre groupe exprime sa solidarité appuyée à Olivier Lainé, agriculteur brayon, syndicaliste paysan, poursuivi avec plusieurs de ses camarades pour avoir mené à visage découvert une action non violente destinée à alerter sur les impacts funestes, pour l’environnement, pour l’emploi paysan et pour le bien-être animal, de la ferme-usine des 1000 vaches en Picardie. Cette vision de l’agriculture est aux antipodes de celle que notre collectivité promeut, pour notre territoire.

 

Le combat des intermittents, sans lesquels le spectacle vivant ne serait pas ce qu’il est dans notre région, est emblématique d’une vision de la société et du développement social qui comptent beaucoup pour les écologistes.

A contrario des positions méprisantes et cyniques du Medef et des libéraux, nous accordons beaucoup de valeur aux choix de vie des créateurs qui assument le risque de la précarité pour créer du lien social, faire un métier qui les passionne et qui nous enchante.

Réduire leurs droits, supprimer des créations, ne soulagera en rien ceux qui peinent à boucler les fins de mois.

 

Les pratiques et la consommation culturelles sont précieuses dans une société en mutation. Elles nous élèvent au dessus des petites et des grandes misères du quotidien et nous aident à nourrir nos imaginaires pour le monde qui vient.

Voilà pourquoi les élus EELV apportent leur soutien entier aux artistes mobilisés et à leurs revendications modérées et responsables au vu des enjeux en présence.

 

Monsieur le Président,

 

Nous vous avons sollicité il y a quelques semaines afin que notre collectivité rejoigne le mouvement des régions qui ont symboliquement exprimé leur désaccord avec l’objet et les modalités des négociations sur le Traité transatlantique de libre échange, dit TAFTA.

Lors de la mandature précédente, à l’initiative de notre groupe, notre collectivité s’était symboliquement déclarée « Région sans OGM », et s’en était ensuite trouvée inspirée pour mettre ce critère sans OGM dans les cahiers des charges de la commande publique de restauration, ainsi que pour nos aides agricoles.

Nous vous proposons aujourd’hui ainsi qu’à toute la majorité et à toute notre assemblée de réitérer cette prise de position symbolique. Dire non à TAFTA c’est aussi une façon utile de mettre l’accent sur les conditionnalités environnementales et sociales dans toutes nos politiques.

 

Pour télécharger cette intervention en pdf, c’est ici.

 

 

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