Séance plénière du 16 décembre 2013: présentation du budget primitif Agriculture, Bois et Pêche par Claude Taleb
Le programme n°25 qui couvre le soutien de la Région à l’agriculture est le pur produit d’un exercice un peu particulier qui a consisté élaborer une proposition qui concilie l’anticipation d’un environnement législatif appelé à fortement – et heureusement – évoluer dès le premier semestre et les précautions inhérentes et destinées à éviter que rien ne se passe entre la fin du présent CPER et l’entrée en vigueur de la programmation FEADER 2014-2020.
La fin de 2013 verra en effet l’achèvement d’une programmation CPER qui couvrait de nombreuses actions dans le domaine de l’installation agricole, de l’accompagnement technique, des investissements matériels dans les bâtiments d’élevage, du soutien aux filières animales et végétales, de la valorisation fermière des produits…
Or, à l’heure où nous parlons, il semble acté que les futurs CPER n’incluront plus de financements de l’agriculture, hormis l’innovation en agroalimentaire.
Au début de 2104, on sait par ailleurs que la loi d’avenir agricole (LOA) fixera les nouvelles règles qui présideront à l’installation agricole et précisera la définition et les modalités du projet agro- écologique censé orienter la mutation de l’agriculture hexagonale.
En parallèle, nous aurons finalisé la version 3 des priorités qui présideront à la mise en œuvre du FEADER, du deuxième pilier de la PAC, dans notre région.
C’est dire que la formule d’année de transition s’applique donc très particulièrement à la politique agricole.
La première étape de cette transition est contrainte, la seconde est attendue, souhaitable et souhaitée.
La plupart des politiques précédemment inscrites au CPER sont appelées à être significativement remaniées conséquemment à la loi d’avenir et aux priorités nouvelles que nous avons déjà prévu d’inscrire au FEADER.
Dans cette première étape, au vu des difficultés et des besoins d’un certain nombre d’exploitations et de la nécessité de poursuivre les installations de nouveaux exploitants, il vous est donc proposé de proroger à l’identique les capacités d’engagements qui figuraient au titre de la part régionale du CPER, jusqu’à l’entrée en vigueur, en cours d’année, des nouvelles mesures.
L’étape suivante de la transition est, comme je le disais, attendue et souhaitable.
Tout au long de 2013, nous avons piloté avec les services déconcentrés du Ministère de l’Agriculture des assises qui ont mobilisé assidûment, je les en remercie, des dizaines de représentants de la profession agricole, dans la diversité de ses représentations, sur des sujets divers et cruciaux : le renouvellement des générations et l’installation en agriculture, l’ambition bio 2017, la formation, le foncier, les filières de commercialisation, la stratégie régionale pour la bio….
A l’automne les mêmes et d’autres acteurs ont planché ici même pour nous aider à définir les priorités de la prochaine programmation des fonds européens de développement agricole et rural (FEADER), pour lesquels, comme vous le savez, la Région devient autorité de gestion à compter de 2014.
Les positions et les propositions des uns et des autres ont été mis sur la table dans un climat d’écoute et de dialogue que je veux saluer. Des différences d’appréciation demeurent mais le diagnostic est largement partagé : c’est la pérennité de l’agriculture haut-normande, de la « ferme haut-normande » qui est aujourd’hui mise en question sur ses fondamentaux : ses exploitations familiales pourvoyeuses d’emplois, ses surfaces de prairies qui ne cessent de diminuer au prix de l’érosion et de la pollution de la ressource en eau, ses sols historiquement fertiles qui se dégradent…
Monsieur le Président, vous portez aujourd’hui avec détermination le projet de la transition énergétique comme un projet majeur pour notre Région, majeur pour l’emploi, majeur pour atteindre les objectifs de limitation du réchauffement climatique.
Nous allons peu à peu tous apprendre à conjuguer la transition avec les adjectifs agricole et alimentaire.
Les enjeux sont comparables : l’emploi agricole, la protection des ressources naturelles, et l’aménagement durable des territoires.
Dans cette copie « de transition », tout en préservant la possibilité, au cas par cas, de proroger certaines actions passées, il vous est d’ores et déjà proposé d’acter 5 axes d’intervention prioritaires :
– Le soutien à l’installation que nous souhaitons faire évoluer afin d’élargir l’assiette des personnes qui pourront en bénéficier aux nouveaux public désireux de créer de activités agricoles, qu’ils soient ou non issus du monde agricole, sans barrière d’âge, avec le souhait de réserver ces aides aux exploitants. Les dispositifs DJA et Coup de pouce agricole tels que nous les connaissons sont donc appelés à être remplacés par un dispositif unique.
– Une approche « système » du soutien aux exploitations. Il s’agit d’améliorer la compétitivité des exploitations par la réduction des coûts d’énergie et d’intrants, qu’il s’agisse des fertilisants chimiques, des produits phytosanitaires, ou des aliments pour le bétail. A ce titre un focus particulier sera mis sur l’élevage bovin-lait dont les producteurs s’inquiètent à juste raison des conséquences de la fin des quotas laitiers en 2015. 2500 emplois et presque autant d’exploitations sont en jeu, dans lesquelles cette réduction des coûts est essentielle. En complément, on observera que les exploitations qui ont mis en place des ateliers de transformation et de vente directe à la ferme en retirent entre 30 et 50% de chiffre d’affaires complémentaire. Et pourtant seuls 3% des laitiers vendent en circuits courts. La Région aide les investissements dans ces ateliers. Nous pourrions, en lien avec l’interprofession, renforcer cette action et pourquoi pas la faire évoluer vers des solutions d’ateliers et de magasins fermiers partagés par des groupements d’exploitants, dans le sens des orientations actuelles du Ministère de l’agriculture, qui préconise des mutualisations de moyens au sein de groupements économiques et environnementaux qui seront institués par la prochaine loi.
– Le soutien renforcé au développement de l’agriculture biologique. Les participants aux assises s’étant consensuellement fixé l’objectif d’un triplement des surfaces à l’horizon de 2017, il faut désormais « mettre le paquet » pour inciter et aider les conversions ainsi que la formation, l’accompagnement technique et la structuration des filières.
– L’appui aux filières animales et végétales. Il s’agit là de soutenir la préservation des variétés animales et végétales locales, d’aider les filières animales pourvoyeuses de valeur ajoutée et respectueuses du bien-être animal et de l’environnement, de soutenir les productions horticoles, maraîchères, et arboricoles. Le développement des races locales et de la filière apicole fera l’objet d’un soutien très particulièrement justifié au regard de ses enjeux pour la biodiversité en général et pour la biodiversité agricole en particulier. Les démarches nouvelles favorables à l’amélioration des sols, telles l’agro-foresterie et la permaculture seront encouragées et soutenues.
– L’appui à la qualité et aux circuits courts. Cet axe, ainsi que je l’ai indiqué, est un vecteur essentiel pour le maintien des exploitations de taille moyenne. En complément, à ce titre, nous nous engagerons auprès des opérateurs qui agissent pour valoriser la qualité des produits normands via la reconnaissance de l’AOP Cidre du Pays de Caux, la filière Pain normand et Pain normand bio, l’AOC de Neufchâtel, les volailles normandes, les canards de Duclair et de Rouen. La démarche de structuration collective du réseau régional des AMAP sera soutenue. La Région continuera d’appuyer l’action d’IRQUA Normandie en faveur des produits normands de qualité issus de l’agriculture et de la mer. Les initiatives des territoires destinées à développer les circuits de production et consommation de proximité ou périurbains continueront à faire l’objet de soutiens adaptés. L’ambitieux projet des Hauts-Prés porté par la CASE a ainsi fait l’objet d’un soutien au titre de la politique territoriale.
Toutes ces orientations sont en cours ou en phase d’amorçage.
Elles seront déclinées dans le Programme de Développement Rural et Agricole Régional (PDRR), qui est la déclinaison régionale du FEADER, le deuxième pilier de la Politique Agricole Commune, dont la Région assume désormais le pilotage.
Le gouvernement a en effet souhaité cette évolution destinée à définir les priorités régionales au plus près des caractéristiques de chaque région.
C’est alors que nous avions entrepris la concertation sur ces priorités, que nous avons appris la bonne nouvelle : le gouvernement a décidé tout à la fois d’octroyer une large marge de manœuvre décisionnelle aux Régions, tout en procédant à un transfert significatif de crédits du premier au second pilier, c’est à dire du système des aides directes payées par Bruxelles vers le financement des priorités définies dans chaque région.
Au total ce sont 3,3 % du total des crédits de la PAC supplémentaires qui sont ainsi régionalisés et basculent.
Pour la Haute- Normandie, on passe ainsi pour la période 2014- 2020 d’une enveloppe de 52 à 103 millions d’euros.
Les mesures nationales concernant la gestion des risques et certains soutiens à l’élevage étant financées hors enveloppe par l’Etat, l’augmentation potentielle de moyens est très conséquente et potentiellement très favorable. Je dis potentiellement car il reste bien sûr à mobiliser les contreparties locales à ces fonds européens.
Il me semble utile à ce stade de vous donner brièvement connaissance des orientations du PDRR en cours de finalisation, vous constaterez qu’elles tracent le chemin de la transition alimentaire et agricole que j’évoquais en début d’intervention. Une transition évidemment écologique.
Les 6 grandes orientations fixées par l’Union européenne sont en effet les suivantes :
– favoriser le transfert des connaissances et l’innovation ;
– renforcer la viabilité des exploitations dans leur diversité ;
– promouvoir l’organisation de la chaîne alimentaire par la qualité, les marchés locaux, les circuits courts, les groupements de producteurs ;
– restaurer, préserver et renforcer les écosystèmes tributaires de l’agriculture et de la foresterie ;
– économiser les ressources et soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de CO2 et résiliente face au changement climatique ;
– promouvoir l’inclusion sociale et le développement rural.
Dans la ventilation des crédits, les mesures « climat » doivent mobiliser un plancher de 35% des fonds.
La stratégie régionale qui a été définie, s’articule autour de deux ambitions régionales majeures qui sont cohérentes avec la Stratégie « Europe 2020 pour une croissance intelligente, verte et inclusive » et avec ce que nous anticipons de la prochaine loi d’avenir d’agricole :
– maintenir et développer l’agriculture biologique, et engager la mutation de l’agriculture conventionnelle dans les systèmes innovants de l’agro-écologie ;
– préserver l’élevage en système herbager et soutenir le système polyculture élevage soucieux de l’environnement et du bien-être animal, qui favorise l’autonomie alimentaire des exploitations agricoles.
Les caractéristiques pédo-climatiques de notre région l’ont portée historiquement à développer des systèmes intensifs qui sont aujourd’hui économiquement et agronomiquement fragilisés, et à accuser un retard chronique en production biologique.
Il vous est aujourd’hui proposé, vous l’avez compris, d’écarter le solutions extrêmes qui consisteraient à nous proposer de foncer dans le mur en klaxonnant en développant des systèmes type « ferme des 1000 vaches » avec les risques irréversibles induits : la disparition de très nombreuses exploitations pourvoyeuses de produits de qualité et d’emplois ruraux, et une dépendance accrue aux marchés mondialisés dérégulés en matière de prix de vente des produits et d’achat d’intrants alimentaires et énergétiques.
Loin de ce scénario catastrophe, c’est avec beaucoup d’espoir et la conscience du travail de fond… et de conviction, qui reste à accomplir sur le nouveau cycle qui s’ouvre, que je vous invite à approuver ce budget de transition.
Sans oublier de remercier plus encore que d’habitude les services qui ont dû tout au long de l’année écoulée assumer le surcroît de « comitologie » propre à l’Union européenne et aux concertations ministérielles avec des moyens réduits !
Et bien sur un clin d’œil à mes complices, Valérie Auvray qui s’emploie a développer les circuits courts et la valeur ajoutée qualité, Perrine Hervé-Gruyer qui se concentre particulièrement sur la stratégie régionale de développement du bio et sur les enjeux fonciers qui sont liés à cette mutation.
Forêts
Notre soutien à la filière bois est défini dans le même contexte que la politique agricole.
Nos actions sont définies en cohérence avec la future loi d’orientation agricole qui couvrira aussi la filière bois et qui a donc aussi été précédée en 2013 par des assises régionales.
Elles pourront demain bénéficier de cofinancements FEADER, en phase avec les orientations volontaristes qui visent à promouvoir l’utilisation efficace des ressources et à soutenir la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et résiliente face au changement climatique.
Pour 2014, il vous est proposé de poursuivre nos engagements en faveur de investissements matériels des entreprises d’exploitation forestière et de travaux forestiers et en faveur de la structuration de la filière régionale du bois et de créer un dispositif nouveau en faveur du reboisement des peuplements forestiers pauvres.
Les investissements matériels concourent à une exploitation optimisée de la forêt et à la création d’emplois qualifiés. Nous reconduirons notre soutien aux entreprises d’exploitation forestière et aux PME de première transformation. Une attention particulière sera portée sur l’utilisation de techniques et de matériels permettant d’assurer la collecte de la ressource tout en respectant les sols, afin de préserver leur potentiel productif, leurs capacités de stockage de carbone et de régénération naturelle.
Pour aider la filière, il vous est proposé de conforter notre soutien les contractualisant avec le CRPF et avec Anoribois. Le CRPF est un établissement public chargé de développer la gestion durable de la forêt privée. Son action de conseil des propriétaires forestiers privés sera notamment sollicitée pour accompagner l’action en faveur du reboisement des peuplements pauvres. La construction de stratégies collectives de filières ayant été relevée par les participants aux rencontres régionales du bois, la consolidation de notre partenariat avec l’inter-profession Anoribois apparaît incontournable. La contractualisation prévue visera à développer la concertation entre les activités amont et aval en veillant à l’équilibre entre les différents usages (bois d’œuvre/ bois-énergie), à assister les entreprises, à développer les démarches qualité, à développer l’usage des essences régionales dans la construction, à promouvoir les métiers de la filière…
A la différence de la forêt publique où on peut considérer que la gestion est optimisée, on est loin du compte en forêt privée. Une étude de 2008 a évalué la ressource disponible à 35000 hectares aujourd’hui couverts de peuplements dits pauvres. L’enjeu d’une action de reboisement n’est en effet pas seulement quantitatif, il est qualitatif : des bons sols sont couverts de peuplement de faible valeur économique. L’objectif est de les renouveler par plantation afin qu’ils retrouvent un bon potentiel de production et de stockage de carbone. Le choix des essences sera diversifié afin d’améliorer la résilience des forêts face au changement climatique tout en répondant mieux aux besoins de la filière de première et de seconde transformation. Les recettes de la vente n’étant par définition pas susceptibles de disponibilité à court terme et ne couvrant pas le coût du reboisement, il est apparu que l’aide publique pourrait faire effet levier. Cette action ayant été retenue au titre des priorités du FEADER sera donc cofinancée. L’individualisation du dispositif sera présentée à la Commission permanente dès que possible en 2014.
Pêche
On y voit nettement moins clair en la matière qu’en matière d’agriculture et de forêts : la Région devra redéfinir ses interventions au regard du nouveau Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche (FEAMP) qui influeront sans doute substantiellement nos dispositifs en faveur de la modernisation de la flotte de pêche. Les entreprises de mareyage et de transformation pourront quant à elle bénéficier des soutiens de droit commun aux entreprises et aux filières.
Au delà du solde de notre soutien à la SNSM pour la construction d’une nouvelle vedette au Tréport, notre action se concentrera donc sur le soutien à l’animation de la filière via le Comité régional des Pêches de Haute-Normandie. Celui-ci pourra bénéficier d’un soutien de 120 000 euros à l’appui d’un programme d’action prévoyant notamment :
– de représenter les intérêts de la profession ;
– de participer à l’élaboration et à l’application de la réglementation de prélèvement des espèces non soumises aux quotas de pêche ;
– de participer à la réalisation d’actions économiques et sociales en faveur des pêcheurs ;
– de participer aux politiques régionales de protection et de mise en valeur de l’environnement et favoriser une gestion durable de la pêche maritime et des élevages marins ;
– d’apporter les appuis nécessaires en matière scientifique, technique, formation et promotion des gens de mer.
Au final, pour l’ensemble des actions décrites en faveur de l’agriculture, de la forêt et de la pêche, et sans préjuger des adaptations et des engagements qui accompagneront la mobilisation des fonds FEADER, il vous est proposé d’inscrire :
– 2 467 000 euros d’autorisations de programme,
– 1 897 500 euros d’autorisations d’engagement,
-2 138 694 euros de crédits de paiement d’investissement,
– 1 723 162 euros de crédits de paiement de fonctionnement.
Pour télécharger cette intervention en pdf, c’est ici.