Séance plénière du 12 octobre : discours de politique générale par David Cormand
Cette dernière séance de la mandature est l’occasion de jeter un regard sur le travail réalisé au service des hauts-normands depuis 2010. Ce mandat, qui aura finalement duré 5 ans, aura permis des avancées notables dont EELV se félicite.
Sous l’impulsion de Claude Taleb, les politiques agricoles de la Région ont été intégralement révisées. C’était nécessaire. Non seulement pour accompagner la filière agricole autour des enjeux de la qualité des productions, du respect de l’environnement, du bien-être animal, et de la prise en compte des conséquences pour la santé des agriculteurs et des paysans de l’usage de produits nocifs. Mais aussi pour adapter la filière agricole face à un modèle économique qui est aujourd’hui de moins en moins viable.
Concernant l’environnement, Véronique Bérégovoy a portée une politique où la Région de Haute-Normandie a mis en place un Observatoire de la Biodiversité dés 2010. L’érosion de la biodiversité, qu’elle soit patrimoniale ou ordinaire, touche les territoires à différentes échelles. Par les biens et services qu’elle procure, la préservation de la biodiversité constitue un enjeu majeur pour l’économie, la qualité et le cadre de vie de la société, mais surtout pour les générations futures. Mieux connaitre ce patrimoine et les prédations qui altèrent la biodiversité sur notre territoire est une priorité pour réduire les nuisances et préserver le capital naturel de notre Région. Dans la même idée, le lancement d’un appel à projet biodiversité constitue là encore une avancée pour permettre d’accompagner des acteurs précieux de notre région pour mieux connaitre et préserver l’environnement.
Sur l’énergie, la mise en place du chèque énergie et la préfiguration d’un dispositif de tiers financement visent à faire de notre région un territoire sobre en consommation énergétique.
Mais cette mandature a aussi été , parfois, celle du temps perdu…
Tout d’abord l’attente entre 2010 et 2012, suscitée par l’incertitude autour d’une réforme territoriale voulue par l’ex-chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, qui annihilait les Régions et a fait pesé sur les collectivités une épée de Damoclès.
Puis, toujours l’attente, celle de la nouvelle réforme territoriale du président Hollande. Cette réforme s’avérera décevante en terme de transfert de compétence et d’autonomie, notamment fiscale, des nouvelle régions, tardive, et peu lisible.
Le changement surprise en cours de mandat de président de région a également constitué un élément qui a conduit à réévaluer des dispositifs et des arbitrages, ce qui n’a pas eu pour effet de nous faire gagner du temps.
Depuis 5 ans, certains dossiers structurels de notre territoire n’ont pas tous avancé au même rythme, mais continuent pourtant de parfois peser contre des réorientations pourtant nécessaires dans notre Région.
En 2010, l’actualité économique et énergétique de notre région, c’était un nouvel EPR à Penly soutenu par toutes les forces politiques, sauf bien entendu les écologistes. 5 ans après, l’échec industriel retentissant que constitue l’EPR de Flamanville met en lumière l’absurdité de poursuivre un projet inhibant d’un point de vu économique et énergétique pour notre région. Plus que jamais, la production électrique d’origine nucléaire est un « faux-ami » pour notre région, son économie et son environnement.
Mais dans le même temps, le lancement effectif de l’appel d’offre pour l’installation d’éoliennes off-shore, un temps retardé par le Gouvernement précédent, constitue une opportunité pour notre région.
La sobriété énergétique et les énergies renouvelables sont l’horizon souhaitable d’un point de vu économique et écologique pour notre territoire. Il ne faut désormais plus hésiter, nuancer, tergiverser dans ce domaine. Il faut avancer de manière résolue et déterminée.
Nous souhaitons que d’ici une ou deux génération, notre Région soit autonome avec 100% d’énergies renouvelables. Les ressources locales nécessaires sont là : le vent, la mer, le soleil, la biomasse, le sol, les savoirs-faire et l’industrie.
Il ne manque qu’un ingrédient : la volonté.
En 2010, la LNPN voulue par Nicolas Sarkozy n’était qu’un trait sur une carte et une posture démagogique de communication. Aujourd’hui, nous avons un projet adapté aux transports du quotidien et dont le coût est réaliste, même s’il est encore élevé. Les écologistes auront été très actifs pour participer à l’élaboration de ce scénario, finalement retenu.
Pourtant, on ne peut que regretter les injonctions contradictoires qui sont envoyées concernant le transport ferroviaire de passagers… Alors même que nous assumons de mettre en avant le train dans notre région, l’un des dispositif de la Loi Macron organise la concurrence entre les lignes ferroviaires dans lesquelles nous souhaitons investir et le transport par car. A quelques semaines du sommet mondial sur le climat, nous devons prioriser clairement le ferroviaire. Quant au fret ferroviaire, il ne cesse de se dégrader, conduisant à toujours plus de marchandises transportées par camions.
Autre sujet récurant, celui du contournement Est de Rouen. Aujourd’hui encore, ce projet d’un autre temps à l’impact budgétaire et environnemental colossal ruinent toutes les alternatives plus écologiques et moins chers. Comme le chien de Pavlov, beaucoup de décideurs continuent d’hurler à la modernité à l’énoncé de ce projet.
Pourtant, l’unanimisme longtemps affiché se fissure devant la prise de conscience des conséquences concrètes de la réalisation d’un tel équipement.
On l’entend souvent, et depuis longtemps, notre région est bien gérée, la mieux géré, la première. Il y a hélas d’autres domaines, moins valorisants, dans lesquels nous sommes parmi les premiers: pollutions, maladies chroniques, chômage, perte de biodiversité, imperméabilisations des sols, dégradation de notre ressource en eau… Bien entendu, je n’ignore pas le procès que l’on fait aux porteurs de mauvaises nouvelles. Et les écologistes n’ont pas vocation à éternellement jouer les Cassandre. Nous souhaitons faire entendre que la gestion est peu de choses sans imagination.
Préparer le monde de demain est une priorité bien plus exigeante que la tenue de tableaux excel
La fusion de la Normandie nous ouvre un nouvel imaginaire, un nouvel espace, un nouveau territoire. C’est une occasion décisive, historique, de revisiter ce que depuis trop longtemps nous considérons comme acquis, immuable.
De ce point de vu, je forme le voeu que cette fusion attendue par beaucoup d’entre nous ne se résume pas à une affaire de « gestion » et de chiffres mais qu’elle soit un moment de rencontre entre les habitantes et les habitants de notre Région et un avenir désirable, un nouvel élan.
Notre Région ne sera plus jamais ce qu’elle a été, et la question de sa mutation – de sa « métamorphose » dirait Edgar Morin, qu’il ne faut surtout pas confondre avec Hervé ( le premier ayant l’âge, lui, d’avoir pu participé au débarquement) – est fondamentale. Elle reposera sur les concepts d’ambition et d’équilibre.
Ambition des transformations qu’il faudra assumer d’accompagner et d’initier résolument: économiques, énergétiques, agricoles… Equilibre qu’il faudra respecter face aux risques que constituent la montée des inégalités et les prédations environnementales croissantes.
C’est le défi de la Normandie du XXI e siècle. Ce mandat aura permis de poser quelques jalons dans ce sens. Mais beaucoup reste à faire pour espérer être à la hauteur de ce qu’il nous appartient de réaliser.