Moratoire sur le photovoltaïque : Courrier de Mickaël Marie au Préfet de Région

Monsieur le Préfet,
Mme la Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement a annoncé, il y a quelques semaines, la suspension pour une durée de trois mois de l’obligation de rachat de l’électricité solaire incombant à EDF. Cette décision a été officialisée par le décret du 9 décembre, que les professionnels de la filière photovoltaïque ont très vivement contesté, annonçant le 20 décembre dernier leur intention d’introduire un recours auprès du Conseil d’Etat en vue de l’annulation du texte.

J’ai été saisi, en ma qualité de Conseiller régional, des inquiétudes des professionnels, qui m’ont fait savoir leur légitime exaspération à voir l’environnement règlementaire dans lequel évolue leur activité sans cesse perturbée par ce que, devant tant de légèreté, il conviendrait de qualifier d’improvisation – et non de stratégie – de la puissance publique. Ainsi, les professionnels m’ont-ils rappelé les multiples changements, aménagements et virages de l’Etat dans la conduite de chantiers qui étaient présentés comme prioritaires. Les mots du Président de la République, le 25 octobre 2007 devant les acteurs du Grenelle de l’Environnement, étaient alors sans équivoque, et avaient même surpris par leur volontarisme.

Les faits, semble-t-il, s’obstinent à rester têtus, et à méconnaître la force des discours. La situation de la filière photovoltaïque est en effet loin d’être singulière : ainsi, le développement de l’éolien, en particulier terrestre, a-t-il été largement découragé par toutes sortes de chausse-trappe introduits au gré des discussions parlementaires ou des arbitrages administratifs. A ce stade, et dans la mesure où les décisions de l’Etat continuent de se faire attendre, nous pourrions même concevoir quelques inquiétudes quant au développement de l’éolien off-shore, dont vous savez pourtant le soutien qu’il rencontre en Basse-Normandie,
tant auprès de l’assemblée régionale que des représentants des milieux socioprofessionnels (je pense ici à l’avis, adopté à l’unanimité, du Conseil économique, social et environnemental régional).

En novembre dernier, un rapport publié sous la direction du climatologue Jean Jouzel indiquait déjà qu’un cinquième des mesures du Grenelle était insuffisamment engagé, et devait faire l’objet d’une « réorientation stratégique ou d’une remobilisation significative ».
Ce rapport, par ailleurs nettement plus favorable que l’appréciation collective des grandes associations environnementales, comptait alors, au chapitre des engagements réalisés, le développement de la filière solaire. Moins d’un mois après cette publication, la décision du gouvernement sonne comme un cruel démenti aux termes mêmes du rapport.
Je ne peux ignorer, enfin, que cette décision intervient dans un contexte particulier, qui voit enfler, d’une part, une campagne de communication très désagréable cherchant à imputer au développement des énergies renouvelables la responsabilité d’une augmentation des coûts de l’énergie, au moyen d’arguments aussi indignes qu’inexacts, et, d’autre part, une obsédante
petite musique, reprise hélas au plus haut sommet de l’Etat, visant à congédier les obligations de protection de l’environnement qu’on avait naguère érigées en principes cardinaux de l’action publique.
La loi Grenelle II impose dans chaque région de définir, en concertation entre la Région et les services de l’Etat, un schéma régional climat, air, énergie (SRCAE). Vous comprendrez que les Régions attendent, pour que soit garantie la possibilité d’un travail de qualité, une action de l’Etat qui soit lisible, claire dans ses objectifs et dans les moyens mis en oeuvre au service de ceux-ci, et qui ne souffre pas de telles contradictions qu’elles viendraient, dans les faits, freiner ou empêcher ce qui est présenté, dans les textes et les discours, comme une ambition partagée.

Dans l’attente de réponse de votre part, je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, à l’assurance de ma respectueuse considération.

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