Modification de délégation de l’Assemblée Plénière au Président du Conseil régional en matière financière

Par Martine Alcorta – Intervention en séance plénière du 4 mars 2013.

Monsieur le Président, chers collègues,

On pourrait répondre à cette demande de délégation en restant comme on dit, le nez dans le guidon, et donc en ne pouvant qu’approuver la volonté de la Région de chercher des solutions de financement dans un contexte où les sources sont plutôt taries qu’abondantes. Car il faut reconnaitre que nous avons besoin d’investir pour améliorer la vie quotidienne des Aquitains et nous saluons cette volonté de chercher des solutions de financement plutôt que de nous inscrire dans la morosité ambiante et nous contenter de cautionner une politique d’austérité par le leitmotiv de la dette et la réduction des dépenses publiques.

Mais voilà la solution proposée n’est pas neutre politiquement contrairement aux apparences, elle n’est pas que financière. Car pour émettre ces billets de trésorerie il nous faut céder à la notation par une agence qui dira aux investisseurs s’ils ont raison ou pas de nous faire confiance.

Et c’est là que le bât blesse… ! Non pas que nous craignons une mauvaise note, nous savons tous que la situation de la Région est loin du surendettement, mais parce que nous allons à notre tour, d’autres régions et collectivités l’ont fait, céder à des pratiques qui prennent une ampleur sans précédent et qui sont loin d’être anodines pour l’avenir des politiques publiques.

Car si pour nous aujourd’hui les chances d’obtenir une bonne note sont élevées, il n’en est pas de même pour d’autres collectivités et nous ne savons pas ce qu’il en sera de notre propre collectivité dans quelques années.

Présenter la notation comme un simple thermomètre n’est pas tout à fait juste. Car la notation est aussi un virus qui lorsque elle devient négative ne fait que alimenter le mal qu’elle mesure. Quand la note baisse, les intérêts montent, le déficit augmente et les notes baissent…. Car cette notation n’agit pas sur un marché fixe ou encadré mais un marché totalement flottant.

Et quand les notes baissent, les agences préconisent aux collectivités de prendre des mesures que nous connaissons bien maintenant : elles disent qu’il faut réduire les dépenses, supprimer des emplois publics, tailler dans les dépenses sociales et assurance maladie, privatiser toujours plus de services publics, limiter les dépenses des collectivités territoriales… on connait la chanson dont la mélodie ressemble étrangement aux injonctions des marchés financiers.

Mais ces agences oublient une chose dans leur comptabilité : c’est qu’une dépense publique ne s’évalue pas seulement aux montants dépensés mais également aux montants des coûts épargnés  par ces investissements, les dépenses publiques devraient être comptabilisées avec deux colonnes, les sommes dépensées et en face les coûts évités par ces investissements que ce soit dans l’éducation ou  l’environnement par exemple. Si nous avions des comptabilités qui intègrent les externalités négatives et positives, ces bénéfices invisibles apparaitraient comme une évidence comptable.

Lors de la perte du triple A par la France en janvier 2012 par Standart and Poors, perte justifiée par l’agence par l’endettement public et la rigidité du marché du travail, Nicolas Sarkozy disait « ce ne sont pas les marchés ni les agences qui feront la politique de la France ».

Et bien très souvent, la vérité des paroles politiques se loge dans les dénégations de ce type. Car effectivement plus nous allons alimenter, chacun de son petit côté, de telles pratiques, plus nous allons augmenter la dépendance des politiques publiques au marché.

Si on regarde ce qui se passe au niveau européen, force est de constater qu’il s’agit plus pour les états membres de se serrer les coudes pour faire face aux injonctions du marché plutôt que d’élaborer une vraie politique fiscale européenne qui mettrait à contribution les hauts revenus et les profits des multinationales, qui créerait les conditions d’une croissance écologiquement responsable, et qui seraient un rempart contre la création de nouveaux déficits publics.

Nous attendons une réforme de la fiscalité écologique, une réforme fiscale plus juste qui mette à contribution le capital et pas seulement le travail, car tous les jours nous voyons bien que la spéculation sur les denrées alimentaires, les produits énergétiques, les matières premières, sur les biens communs met en danger permanent les populations.

A quoi sert de réduire les risques financiers si c’est pour augmenter ceux de la vie quotidienne des habitants ?

Nous vous suggérons toutefois si vous mainteniez votre décision d’émettre des billets de trésorerie d’accepter au moins de recourir à une notation extra financière car la bonne santé d’une collectivité ne doit pas être jugée uniquement sur la base de critères financiers mais environnementaux et sociaux. Nous souhaiterions aussi montrer l’exemple en matière de financement responsable et ne pas nous contenter d’attirer des investisseurs qui ne verraient dans notre gestion que l’aspect financier. Il serait aussi rassurant pour les Aquitains de savoir que l’on investit dans notre région non pas parce que nous avons seulement  une bonne gestion comptable de l’argent publique mais aussi une utilisation socialement et écologiquement responsables de cet argent.

 

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