Intervention relative à l’implantation du centre Earthlab en Aquitaine

Par Marie Bové – Intervention en séance plénière du 4 mars 2013.

Chers collègue, ne mélangeons pas tout et n’importe quoi quand il s’agit de préserver un espace urbain ou naturel en employant de nouvelles technologies telles que les drones.

  • La veille environnementale (pollution, incendies de forêts, inondations…) n’est la même chose que la surveillance des libertés individuelles.
  • Le service public à but non lucratif n’est la même chose que la délégation de services aux sociétés privées à but économique

Comme vous le savez, ces aéronefs sans pilote que sont les drones, sont généralement utilisés au profit des forces armées ou de sécurité intérieure. Côté militaire, vous avez surement entendu les déclarations du ministre de la défense Jean Yves le Drian se plaignant du manque de drones de repérage tout en remerciant l’armée américaine pour son intervention au Mali avec les drones Predators conçus pour le recueil d’informations ou  l’envoie de missiles. Côté sécuritaire, vous n’ignorez pas l’utilisation qui en est faite par les autorités israéliennes pour contrôler les mouvements des citoyens palestiniens.

Mais force est de constater que  les drones  peuvent aussi avoir des applications civiles, de veille environnementale, voire de loisir. En effet, le recyclage des instruments militaires vers des applications civiles est autorisé depuis le printemps 2012 grâce à deux Arrêtés publiés au Journal Officiel autorisant les drones à voler dans l’espace aérien civil français. C’est pourquoi, les drones voient leurs usages se diversifier : changement climatique, sécurité de sites sensibles, lutte anti-incendie, contrôle de l’intégrité d’ouvrages d’art…

A ce titre, il est largement mentionné dans cette convention l’intérêt de ces techniques sur les espaces côtiers et forestiers. Pour l’agriculture et la viticulture ces techniques viseraient en outre un objectif quantitatif des productions : bien loin du qualitatif sans substance chimique dans nos champs, les drones fourniraient une aide à l’épandage des pesticides et des engrais  pour avoir « des vendanges plus abondantes ».  Quand est-il exactement ?

Profitant de l’aubaine, l’Aquitaine n’a pas perdu de temps : notre Région est très largement en tête dans ce domaine. L’entreprise Fly-n-Sens  basée à Mérignac près de Bordeaux est sans contestation la star des médias et du business en la matière. Pour mémoire, ce fut « la première société en France à avoir obtenu l’autorisation d’effectuer des opérations aériennes» avec un drone. Avec des appareils ne dépassant pas 4kg («scan-copter»), les drones de Fly-n-sens ont tout particulièrement séduit  les sapeurs-pompiers des Landes pour la surveillance des feux de forêts. Dans ce programme nommé SDAFF, l’appareil permettrait de cartographier un front de flammes, de collecter des informations destinées au PC de sécurité, d’adapter en temps réel le déploiement des unités de sapeurs pompiers. Mais plus largement, ce type de programme sera prochainement étendu à la surveillance de zones polluées, l’évolution de la végétation, la cartographie de plans d’eau…

Si je précise l’ensemble de ces applications civiles spécifiques aux drones, c’est bien pour vous alerter chers collègues sur les dangers de la signature de cette convention. Dans un contexte de crise, de chômage, de scandales sanitaires et environnementaux, le drone est en quelque sorte l’arbre qui cache la forêt des incendies sociétaux. Il permet en effet de repérer avec précision le mouvement de nos concitoyens  au bénéfice des services de renseignement tout en développement un nouveau marché économique au bénéfice des entreprises qui les mettent sur le marché de la sécurité intérieure.

Soyons clair, en signant cette convention, les élu-es de la région Aquitaine offrent une nouvelle manne au secteur du privé  pour un programme global de surveillance englobant malheureusement celle des libertés individuelles. Au niveau européen, 190 projets de ce type malgré les protestations des associations de défense des droits de l’homme.

Enfin, l’ironie du sort fait que la veille louable des dégradations environnementales s’accompagne en parallèle d’une  surveillance des fauteurs de troubles au premier rang desquels se trouvent les écologistes et les syndicalistes. Et oui !

En effet, permettez-moi de vous rappeler les directives récentes édictées par le ministre de l’intérieur Emmanuel Valls à l’intention des services de renseignement :

  • Le 5 novembre 2012 lors d’une conférence de presse, Emmanuel Valls évoquait un « processus de radicalisation dans de nombreux pays » ayant pris en France « des proportions inquiétantes » en  citant à titre d’exemple les «  groupes violents gravitant autour de projets comme la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin ou l’aéroport de Notre Dame des Landes en France ».
  • Le 30 janvier  2013, une note fut transmise aux différents directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP), soulignant la nécessité « d’anticiper » les mobilisations, ainsi que « les risques d’incidents » ou d’éventuelles « menaces sur l’outil de production en cas de radicalisation d’un conflit ». Parmi les groupes ou milieux à suivre « avec constance », la note évoque « Les mouvements de défense de l’environnement, qui peuvent être amenés à conduire des ’actions fortes’ sur les thèmes du nucléaire ou du gaz de schiste, doivent également ’faire l’objet d’une veille permanente’ ».

Néanmoins, sans plus de précisions sur ce lien étonnant entre l’utilisation des drones et la productivité agricole, on peut imaginer sans trop de difficulté que la surveillance accrue des « faucheurs volontaires » aura sans aucun doute une répercussion immédiate sur la moisson du maïs à maturité…

C’est pourquoi, cher-es collègue, au nom de notre devise républicaine,  je vous remercie de bien vouloir supprimer dans cette convention l’ensemble des mentions se référant aux applications de sécurité intérieure et de défense militaire :

-Premier amendement –

v page 5 de la délibération, page 2 de la convention

Nous proposons de supprimer les éléments suivants :

– 5e paragraphe :

« La Région Aquitaine est Région partenaire de la Direction Générale de l’Armement, et la Défense, domaine d’intervention également visé par EarthLab.»

– 11e paragraphe :

« – les applications de sécurité et défense. »

– Deuxième amendement –

v page 6 de la délibération, page 3 de la convention

Nous proposons de supprimer les éléments suivants :

– 8e paragraphe :

« et une zone Confidentiel Défense permettant d’aborder les problématiques des applications sécuritaires et de défense. »

– Troisième amendement –

v page 7 de la délibération, page 4 de la convention

Nous proposons de supprimer les éléments suivants :

– 4e paragraphe :

« Par ailleurs, il est entendu entre les Parties que Telespazio envisage d’utiliser EarthLab à des fins de services pour le Ministère Français de la Défense : le financement correspondant sera à la charge de Telespazio, étant entendu qu’AEROCAMPUS et la Région Aquitaine apporteront tout leur soutien à Telespazio pour rendre EarthLab compatible de tels services (habilitation, adaptation des règles de sécurité du site, etc…) »

 

– Quatrième amendement –

v page 8 de la délibération, page 5 de la convention

Nous proposons de supprimer les éléments suivants :

– 10e paragraphe :

« ainsi que les applications de sécurité et défense.»

 

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