L’élitisme la nouvelle religion du siècle !

Par Martine Alcorta et Bérénice Delpeyrat-Vincent – Décembre 2011

La question du financement public des lycées privés est d’autant plus brûlante aujourd’hui qu’elle s’inscrit dans un contexte avéré de déstructuration et de démantèlement volontaires de l’enseignement public

 

La question du financement public des lycées privés est d’autant plus brûlante aujourd’hui qu’elle s’inscrit dans un contexte avéré de déstructuration et de démantèlement volontaires de l’enseignement public. L’exigence de « faire mieux » avec « moins » met les établissements publics dans une situation insoutenable et exacerbe la rivalité historique «privé /public».

On ne peut pas mettre non plus tout le « privé » dans le même sac et faire comme si « privé » égale « politique libérale de l’éducation » et « public » égale « service public  » : pensons par exemple au lycée du Mirail à Bordeaux qui récupère tous les élèves découragés par des enseignements élitistes de certains lycées publics bordelais et qui propose une prise en charge de ce découragement par des formes d’organisation scolaire alternatives. La gratuité ne peut être le seul critère sur lequel il faut s’appuyer pour décerner le label « public » à l’enseignement.

La gestion de l’université, et de plus en plus celle des établissements secondaires, emprunte depuis quelques années déjà, une manière de faire très inspirée des politiques de management. Si certains enseignants voire certains établissements résistent à la tentation de tomber dans l’enseignement élitiste, cette volonté de résistance n’est pas généralisable ni dans le privé ni dans le public.

L’élitisme qui crée une société à deux vitesses est à l’opposé de notre vision écologique de l’éducation qui doit amener le plus grand nombre à l’autonomie de pensée et doit donner à tous les élèves la capacité de choisir leurs vies sociales et professionnelles et non de les subir. A une époque où les attentes des parents envers les lycées sont à la fois la réussite de leurs enfants mais aussi la personnalisation et une attention particulière à cette étape qu’est l’adolescence, il est difficile de demander ce « plus » aux établissements publics en leur enlevant chaque fois un peu plus de leurs moyens.

C’est ce qui peut aujourd’hui faire la différence avec des établissements privés soucieux (ce qui n’est pas le cas de tous) d’apporter cette dimension relationnelle personnalisée parce qu’ils ont la possibilité de faire porter le coût de ce « plus » par les parents. Nous sommes attachés à « l’école pour tous » qui donne à chacun et chacune, non pas une « égalité des chances » qui est un leurre et une invention post républicaine, mais une égalité des acquis et notamment la possibilité pour chaque élève d’être en capacité de s’émanciper et faire face aux aliénations présentes et à venir.

C’est la raison pour laquelle il n’est pas envisageable que la qualité de l’enseignement soit réservée aux classes les plus aisées obligeant les classes les plus modestes à se sacrifier pour offrir à leurs enfants une éducation à la hauteur de leurs espérances. Le désengagement de l’Etat en faveur de l’enseignement public participe de cette escalade vers une école à deux vitesses et nous nous interrogeons sur la générosité des financements des collectivités territoriales envers le privé.

En sommant les financements « fonctionnement et investissement » accordés par la Région, nous nous retrouvons parmi les six régions qui donnent le plus aux lycées privés. Les investissements sont notamment importants et alimentent un patrimoine qui échappe totalement à la collectivité.

Aucun discernement n’est fait entre les établissements qui pratiquent des frais de scolarité exorbitants et ceux qui restent dans des sommes raisonnables, entre ceux qui n’accueillent qu’une élite et ceux qui reçoivent des élèves issus de tous les milieux sociaux, entre ceux qui pratiquent le quotient familial et ceux qui créent une véritable sélection par l’argent, entre ceux qui apportent une proximité territoriale ou une dimension supplémentaire qu’elle soit linguistique et éducative et ceux qui concurrencent le public en proposant les mêmes enseignements avec plus de moyens.

Nous demandons à ce qu’un grand coup de frein soit donné à ces investissements, que nous souhaitons plus conditionnés, pour qu’un plus grand coup de pouce permette aux établissements publics d’assurer au plus grand nombre la qualité qu’exige l’école républicaine à laquelle nous sommes attachés, sans pour autant dédouaner l’Etat de ses responsabilités qu’il n’assume plus.

 

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