Intervention sur le Schéma de Développement de l’Economie Solidaire
Par Bérénice Delpeyrat-Vincent – Intervention en séance plénière du 25 juin 2012.
Tout d’abord, mes remerciements vont aux services (M. Voisin, Céline Laroche, Jacques Le Priol et aux stagiaires, Cyndy Quere et Pierre Naves …. ), aux pays et quartiers d’Aquitaine, aux têtes de réseau de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), la CRESS, l’URSCOOP, le GARIE , le RAMA , Aquitaine active , Atis à tous les représentants des structures de l’ESS qui ont consacré du temps, aux élus qui ont alimenté les réflexions, aux chercheurs, à l’IEP et au président du CESER, Luc Pabeuf qui est intervenu, avec Alain Rousset, le 30 mars pour la mise en débat final du schéma.
Des remerciements pas seulement formels, le pari était risqué puisque le nom de la démarche était ‘ »écrire l’économie solidaire « , une démarche de co-construction et l’adaptation de la démarche au fil des réunions et des contributions. C’est une écriture à plusieurs mains : ce schéma est bien celui de l’Aquitaine et pas celui du conseil Régional.
Si le document papier vous a été remis jeudi dans vos boîtes, je suis la seule à blâmer, j’ai tardé à écrire l’édito. Mais comme toutes les contributions et les entretiens, le schéma était déjà disponible en version numérique.
Voila donc le schéma : semer, récolter les enjeux, les propositions, du grain à moudre pour tous en Aquitaine…
L’économie solidaire : le choix du terme a fait débat, c’est celui de ma délégation et, avec l’innovation sociale, celui de la lettre de mission que le président Alain Rousset m’a confiée. Nous avons choisi ce terme, plus large que celui d’ESS (défini par des statuts).
Je fais le parallèle avec l’agriculture biologique : elle est pour moi un horizon, elle a des acteurs historiques, un label, de l’expérience, un lien avec la recherche, des exigences, et l’objectif politique est de faire converger les pratiques et le plus grand nombre vers cet horizon. Il en est de même pour l’économie solidaire. Horizon d’une économie qu’on pourrait définir aussi comme l’économie du développement durable, elle regroupe les acteurs historiques et ceux qui sans être sous ces statuts (mutuelle, fondation, association, coopérative, scic …) en partage les valeurs ou les domaines d’intervention (commerce équitable par exemple), elle a vocation à initier des changements dans toute l’économie.
L’économie solidaire, économie du développement durable : parce qu’elle est une vraie économie, 10% du PIB, 10% des emplois et des entreprises riches de savoir-faire et de compétences, qu’elle verse en Aquitaine 2,3 milliards d’euros de salaire (dont 1,6 pour les seules associations ), qu’elle n’est pas l’économie de la réparation des dégâts d’une économie pas du tout solidaire, pas un économie low cost et qu’elle résiste mieux à la crise. (Cf diapo 2)
Elle est au cœur des territoires, non de localisable, et la gouvernance y est un véritable enjeu. Avec elle, pas besoin de se poser la question de la distribution de dividendes, et moins qu’ailleurs, celle de la présence des salariés dans les décisions, surtout dans les coopératives !
Elle s’est saisie de champs reconnus aujourd’hui comme essentiels (les caisses de solidarité, les assurances, les services à la personne et aux entreprises…) et que de grands groupes privés moins vertueux cherchent à grignoter. C’est aussi le cas pour de nombreux dossiers liés à l’environnement, depuis le recyclages des déchets jusqu’aux manifestations éco-responsables.
L’Économie Solidaire doit pouvoir se conforter, poursuivre son développement dans des champs qu’elle a défrichés, et en ouvrir de nouveaux. Dans une économie circulaire garante des équilibres sociaux et environnementaux, elle peut intervenir tout au long du cycle de vie d’un produit, d’un service, de la conception à la production, pour prévenir et innover, pas seulement pour valoriser les déchets d’un système qui en produit sans compter. Elle a fait ses preuves et est, dans un monde qui aurait tendance à ne voir les réponses que dans les innovations technologiques (qui comptent beaucoup mais ne suffisent pas), un monde où la tendance à pratiquer une sorte de «socialwashing« comme «le greenwashing« plutôt qu’à mettre en œuvre réellement l’économie du développement durable. L’échec de Rio+20 a, à ces deux titres, aussi, de quoi nous inquiéter.
L’Économie Sociale, c’est la reconquête par les citoyen-nes et les usager-es du champ de la décision économique. C’est l’assurance de la maitrise et du partage de ses innovations, c’est l’économie du lien social, du moins de biens plus de liens…
Toutes les réponses aux questions qui se posent à l’Économie Solidaire ne relèvent pas de la seule Aquitaine. Ce qui se passe au niveau européen, avec la question des services d’intérêt généraux, les règles des marchés publics, la concurrence libre et non faussée qui ne prend pas en compte la spécificité de l’Économie Sociale et ses « valeurs ajoutées « , est important. Ce qui va se passer au niveau national, avec le vote d’une loi cadre, attendue, les lignes financières qui seront dédiées (les 500 millions de la Banque publique d’investissement) ou les dispositifs financiers qui s’ouvriront à elle, sera essentiel. La création d’un ministère dédié (et le fait que lui soit joint la consommation – forcement responsable -) est un signal encourageant. Lors de la journée du labo de l’ESS, ce matin, notre schéma a été remis en main propre au ministre.
Pour ce qui est de notre région, des collectivités œuvrent déjà et ont des politiques spécifiques, c’est le cas de l’agglomération de Pau, de la CUB, de la ville de Bordeaux, des départements de la Dordogne, de la Gironde et des Pyrénées-Atlantiques par exemple. Pour le Conseil régional, se reporter aux diapositives 3 et 4.
La spécificité du schéma est qu’il est celui de l’Aquitaine et pas seulement celui du Conseil régional : chaque structure, chaque collectivité, pourra, à partir du document, de la boite à outils, si elles le souhaitent s’en emparer pour trouver du grain à moudre.
Le travail en commun a permis de dégager 5 axes :
- Coopérer pour entreprendre autrement.
- Structurer : cela passera par une véritable identité partagée. Aujourd’hui certains acteurs de l’Économie Sociale sont plus structurés par « secteur » par filière, le sport par exemple, que dans l’Économie Sociale, pour s’affirmer sur les valeurs partagées, mais aussi pour sortir de l’entre soi.
- Mieux connaitre : une évidence qui passera par une veille stratégique, mais aussi par une véritable chaine d’accompagnement des projets, et les acteurs comme les communautés de communes au regard de leur compétence sont intéressées.
- Mutualiser, mais aussi, comme dans d’autres secteurs répondre aux besoins de transmissions.
- Professionnaliser : c’est former dans l’Économie Sociale (fonction ressources humaines et compétences des salariés et bénévoles dirigeants) et former à l’Économie Sociale (formation initiale, avec de la sensibilisation) la question de l’éducation à la coopération, au sein du système scolaire et de l’éducation populaire, et dans les formations professionnelles. Là aussi face au rouleau compresseur d’un modèle idéologique de compétition entre individus outrancier qui isole et fragilise, et dont le système libéral fait son miel (l’auto-entrepreneuriat a montré ses limites), la coopération ça s’apprend, le Québec en est un bel exemple.
L’Économie Sociale aux service des territoires
- Sensibiliser les territoires. Dans les échanges, la question de quel territoire (telle ou telle collectivité avec telle compétence, les pays, les bassins de vie) a permis de dégager des pistes, c’est pourquoi le choix s’est porté sur le territoire de projet, plus que sur des frontières administratives. C’est un des enjeux.
- Connaitre l’Économie Sociale. Nécessité de se doter d’outils (grille de diagnostic) ; rôle dans la cohésion sociale et l’emploi ; veille stratégique ; observatoire.
- Créer les conditions d’un dialogue territorial. En s’appuyant par exemple sur des comités de bassin et d’emploi et encourageant la coopération entre les acteurs eux-mêmes, en initiant de nouvelles pratiques de coopération, en les formalisant (ingénierie avec plate-forme, pôle de coopération territoriaux, comme à Tarnos).
- Stimuler, consolider… tout un programme !
L’innovation sociale, enfin ….
Abordée dans la démarche, parce que comme je l’ai dit au début, les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire en sont historiquement (deux siècles tout de même) les porteurs et les dignes héritier-es. L’innovation sociale est aujourd’hui sur le devant de la scène : sa reconnaissance fait du bien !
Dans le schéma, ont été dégagés deux enjeux : celui de la définition de l’innovation et celui de la lisibilité et des changements d échelle.
Pour ce qui est de notre collectivité et de nos leviers d’action, le Conseil régional proposera en fin d’année en plénière, comme cela a été fait pour les politiques d’insertion par l’économique, portées ici par Lucette Lousteau (secteur important de l’économie solidaire) un règlement d intervention. Celui-ci reprendra (et je rassure en ce qui concerne l’évaluation) les dispositifs pertinents (en matière de soutien financier par exemple) et pourra modifier l’appel à projet de mutualisation pour en faire un volet règlementaire, conforter les têtes de réseau avec qui nous conventionnons… Si certains chapitres de ce règlement se feront à coût constant, cela nécessitera, comme toute nouvelle politique, des moyens financiers et organisationnels au sein de notre collectivité.
Le volet innovation sociale, sera lui, en partie décalé. Si le changement d’échelle et l’essaimage sont déjà abordés en Aquitaine, avec Enercoop (énergie) ou Terre de liens (accès au foncier pour l’installation), la question de la définition et les liens avec la recherche doit être d’évidence articulée avec le schéma de la recherche que Mathieu Hazouard vous a présenté à la dernière plénière. Dans ce cadre un groupe projet inter-services, inter-élu-es, chercheurs-ses se met en place pour rendre ses travaux début 2013.
La présentation en images
Présentation 25 juin plénière 2