Intervention relative à l’implantation du CEA Tech Aquitaine

Par Peggy Kançal – Intervention en séance plénière du 24 juin 2013

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Nous comprenons bien les enjeux du financement public de la recherche en France. Le rapport de la Cour des Comptes, publié le 10 juin 2013, pointe notre talon d’Achille national déjà connu depuis de nombreuses années : autant notre recherche fondamentale est performante, autant les retombées économiques industrielles sont insuffisantes. C’est pourquoi le lien entre la recherche publique et les entreprises est le point stratégique pour la France.

Dans la délibération et la convention qui nous sont ici présentées entre la Région et le CEA, le principal déterminant du fort soutien du Conseil régional (23 millions d’euros), c’est à dire la capacité du CEA à se rapprocher du monde industriel local et à -je cite- « alimenter en innovation » les acteurs industriels.
C’est bien une idée louable qui guide la nouvelle stratégie du CEA de délocaliser une partie de ses équipes jusqu’alors basées à Grenoble (vers Nantes, Bordeaux, Toulouse).

Au-delà des aspects positifs de cette implantation (présence d’une centaine d’emplois de haut niveau de chercheurs), nous avons tout de même d’importants questionnements, voire de doutes, sur la réalité de la synergie entre le CEA et les entreprises régionales qui nous est annoncée et promise.

  • D’un côté, il est indéniable que le CEA peut apporter une certaine plus-value aux PME, que ce soit par l’accès au CIR (Crédit d’Impôt Recherche), ou par une certaine caution scientifique dans le cadre de la reprise aux appels d’offres.
  • D’un autre côté, plus mitigé, nous ne pouvons pas ignorer les retours d’expérience enregistrés à ce jour. Citons l’exemple de l’énergie solaire : force est de constater que le CEA a encore a prouver son expertise dans ce domaine. Pour une success story ici (Soitec), nous voyons beaucoup d’échecs retentissants comme le projet « PV Alliance » (2008-2009) portant sur l’augmentation du rendement des cellules photovoltaïques qui a déjà englouti plus de 150 millions d’euros sans aucun débouché industriel, puisque les objectifs du programme avaient déjà de 3 à 5 ans de retard sur les performances et la rentabilité des panneaux asiatiques.

Nous ne pouvons pas passer sous silence non plus les habitudes relationnelles du CEA avec le monde des PME-PMI : le CEA a un certain talent pour capter les bonnes idées, les bons concepts au sein des PME, pour ensuite les incuber et les faire breveter par des collaborateurs qui créent ensuite leur propre société dans laquelle le CEA investit et prend des parts ! Il est plus rare de voir le CEA investir dans des PME qui ne sont pas d’émanations dirigées par d’anciens collaborateurs.

Notre vigilance sur ce dossier ne se veut pas rejet absolu ou défiance. Au contraire, ce que je souhaite souligner, c’est le potentiel d’innovation et l’expertise forgée par les entreprises aquitaines -qui sont d’ailleurs aidées par la Région au titre de la Recherche/Développement industriel et dont nous nous félicitons- dans les secteurs stratégiques que sont les énergies renouvelables ou le bâtiment intelligent.
Que l’on cite des acteurs comme Exosun (trackers solaires), Exoes (projet EVE, moteurs hybride), Domo Hélios (autoconsommation et convention électricité), Sunna Design (éclairage public), TCE Solar (intégration de panneaux photovoltaïques au bâti, projet Certipos), Immosun… tous ces acteurs là ont déjà une longueur d’avance sur ce que peut proposer le CEA.

L’enjeu de fond dont il sera alors question, dans la mise en œuvre de ce conventionnement est de s’assurer que les décisions d’investissement dans les plateformes technologiques seront pertinentes et seront réellement en phase avec les besoins de nos entreprises en Aquitaine. Cela implique de la part du CEA un renversement de posture intellectuelle en acceptant l’idée  que ce soient les PME qui alimentent en innovation le CEA.

En termes de proposition, nous suggérons que le comité de pilotage intègre une personne qualifiée qui pourrait faire le lien entre le CEA et les intérêts des PME (par exemple le directeur de l’ADI). Par ailleurs, la Région pourrait mettre en place une réflexion sur les indicateurs d’emploi et le développement industriel.

En conclusion, compte-tenu des interrogations fortes sur la capacité du CEA a réellement jouer le jeu de la loyauté, de l’écoute, de la relation d’égal à égal avec les acteurs industriels locaux, nous nous abstiendrons sur cette délibération.

Je vous remercie.

 

 

 

Remonter