G20 : bravo les artistes !
Par nicole rouaire le lundi 6 avril 2009, 21:19 - Actu - Lien permanent
Comment donner l'illusion du mouvement sans bouger sur le fond ? Ou comment mimer un triple salto avant en restant droit dans ses bottes ? Réponse : en s'applaudissant à tout rompre pour faire passer ses bobards. L'opération porte un nom : G20. Et une date : Londres, 2 avril 2009. Décryptage par Jean-Paul Besset, journaliste, membre du Pacte hulot, et candidat d'Europe Ecologie pour la région Auvergne, Centre, Limousin pour les européennes du 7 juin prochain.
Premier bobard : les "nouvelles règles" du capitalisme
mondial. Selon le G20, ce serait donc le Costa-Rica, les Philippines,
l'Uruguay et l'île de Labuan (une zone franche de Malaisie) qui auraient
pourris le système financier international. Les voilà tous les quatre jetés sur
une "liste noire" des paradis fiscaux. En revanche, les poids lourds du secret
bancaire, de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent s'en tirent sans
dommages. Macao, Hong Kong, Jersey, la City de Londres, les Iles Vierges, les
Bermudes, les Iles Caïmans, Singapour, le Luxembourg, la Suisse, le
Liechtenstein, Brunei, certains Etats américains comme le Delaware ou le
Nevada... sont "blanchis" ou placés sur une "liste grise" qui existe depuis dix
ans et qui ne les a jamais contraint à quoi que ce soit. Le G20 a donc décrété
que les principaux centres financiers off shore étaient peu ou prou vertueux.
Aucune sanction claire, immédiate, tangible, n'est arrêtée. Le message est
limpide (chez nous, Monaco et Andorre se sont d'ailleurs empressés de se
féliciter de l'absence de sanctions) : tout peut continuer comme avant, à
quelques boucs émissaires marginaux près, sous réserve de quelques
"recommandations" sur les bonus des traders, les pratiques des agences de
notation et des fonds spéculatifs, en échange d' "engagements" et de
"coopération" sur la transparence des comptes bancaires nichés sous les
cocotiers.
La grossièreté de la manoeuvre est confondante et elle fera vite long feu. Les
dirigeants des pays les plus riches du monde croient-ils que les acteurs de la
société civile internationale sont à ce point des gogos ? Pour notre part,
nous continuerons à dire qu'aucune régulation efficace du système financier ne
verra le jour si celui-ci n'est pas contrôlé par un organisme international
indépendant des puissances nationales et si les mouvements financiers vers ces
paradis ne sont pas taxés à la source. Ce sont deux des points durs du
programme d'Europe Ecologie, hors desquels les gesticulations sur la
"moralisation" du cap italisme financier resteront ce qu'elles sont : des
leurres.
Deuxième bobard: le retour à la prospérité économique.
L'atmosphère est saturée de milliers de milliards de dollars pour encourager la
"reprise" tant désirée de la croissance. Passons sur le coup de bonneteau qui
octroie au FMI et à la Banque mondiale - bras armés de la dérégulation mondiale
- le rôle de médecin traitant de la régulation économique mondiale. C'est comme
si on donnait à un virus la charge de combattre la maladie qu'il inocule. La
bonne blague !
Il y a plus grave. Par quoi est inspiré ce déversement colossal de
crédits ? Sur quoi cette volonté de relance de la croissance est-elle
fondée ? Rien d'autre que sur un mystérieux ingrédient psychologique qui,
parait-il, débriderait les comporte ments : la Confiance. En inondant le
monde de pognon, le G20 souhaite redonner confiance aux entrepreneurs, aux
consommateurs et aux marchés. Pour en faire quoi ? Pour qu'ils retrouvent
leurs habitudes, retournent au business as usual et se bercent de l'illusion
d'une croissance infinie. Il s'agit ni plus ni moins que d'inviter les acteurs
économiques à reprendre confiance dans les vertus du système, à restaurer les
pratiques anciennes de production, de consommation et de commerce, à les
encourager à redémarrer de plus belle (comme par exemple la décision de
relancer la libéralisation des échanges au sein de l'OMC). Bref, le G20 invite
à négocier le virage pour reprendre le même chemin.
Cela ne conduira qu'à un formidable tête à queue ! Car c'est précisément
les mécanismes qui ont conduit le monde à la r&ea cute;cession économique
et sociale en même temps qu'à la destruction des équilibres naturels que le G20
veut réhabiliter. C'est justement le principe de confiance qui est mort.
Exceptés quelques drogués polymorphes accrocs au vieux monde, qui peut croire
que les mêmes politiques ne conduiront pas aux mêmes effets ? Chacun sait
ou ressent que c'est ce mode de développement, ce système de fuite en avant
dans l'excès de tout en tout qui mène l'humanité à la casse. Serait-ce ce
concasseur des hommes et de la nature qu'il faudrait restaurer, à coups de
dollars et d'esbroufe ?
Chaque milliard réinjecté pour réparer ce système prolonge la crise,
creuse un peu plus la récession économique et la régression sociale, accentue
la trajectoire d'effondrement des écosystèmes.
Ce n'est donc pas la confiance en ce qui a failli qu'il faut restaurer. C'est
l'espoir en un nouveau projet de société qu'il est urgent de fonder. Un
changement systémique qui passe, progressivement, par la reconversion de
l'ensemble des activités humaines en fonction des impératifs sociaux et
écologiques, comme le programme européen d'Europe Ecologie le propose.
Au fond, les principaux dirigeants de la planète ne sont peut être pas des âmes
noires qui trompent sciemment le pauvre monde. A coup sûr, ce sont
d'incorrigibles bigots. S'ils se sont efforcés à Londres de relégitimer la
machine, c'est parce qu'ils sont dans l'impossibilité mentale de s'arracher aux
schémas du passé, à la matrice culturelle originelle qui les a fait tels qu'ils
sont, incapables d'imaginer un autre monde. S'ils veulent contre toute évidence
sauver le système productivist e libéral, et pas le changer, c'est qu'ils y
croient, les bougres, et, comme tout malade qui s'ignore, c'est qu'ils sont
convaincus que le collapsus ne peut pas se produire. En ceci, ils ressemblent à
s'y méprendre aux vieux pontes du socialisme réel qui n'ont pu imaginer
l'implosion du système soviétique et qui l'ont découvert un beau matin
agonisant à leurs pieds.
JPB