Premier bobard : les "nouvelles règles" du capitalisme mondial. Selon le G20, ce serait donc le Costa-Rica, les Philippines, l'Uruguay et l'île de Labuan (une zone franche de Malaisie) qui auraient pourris le système financier international. Les voilà tous les quatre jetés sur une "liste noire" des paradis fiscaux. En revanche, les poids lourds du secret bancaire, de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent s'en tirent sans dommages. Macao, Hong Kong, Jersey, la City de Londres, les Iles Vierges, les Bermudes, les Iles Caïmans, Singapour, le Luxembourg, la Suisse, le Liechtenstein, Brunei, certains Etats américains comme le Delaware ou le Nevada... sont "blanchis" ou placés sur une "liste grise" qui existe depuis dix ans et qui ne les a jamais contraint à quoi que ce soit. Le G20 a donc décrété que les principaux centres financiers off shore étaient peu ou prou vertueux. Aucune sanction claire, immédiate, tangible, n'est arrêtée. Le message est limpide (chez nous, Monaco et Andorre se sont d'ailleurs empressés de se féliciter de l'absence de sanctions) : tout peut continuer comme avant, à quelques boucs émissaires marginaux près, sous réserve de quelques "recommandations" sur les bonus des traders, les pratiques des agences de notation et des fonds spéculatifs, en échange d' "engagements" et de "coopération" sur la transparence des comptes bancaires nichés sous les cocotiers.

La grossièreté de la manoeuvre est confondante et elle fera vite long feu. Les dirigeants des pays les plus riches du monde croient-ils que les acteurs de la société civile internationale sont à ce point des gogos ? Pour notre part, nous continuerons à dire qu'aucune régulation efficace du système financier ne verra le jour si celui-ci n'est pas contrôlé par un organisme international indépendant des puissances nationales et si les mouvements financiers vers ces paradis ne sont pas taxés à la source. Ce sont deux des points durs du programme d'Europe Ecologie, hors desquels les gesticulations sur la "moralisation" du cap italisme financier resteront ce qu'elles sont : des leurres.

Deuxième bobard: le retour à la prospérité économique. L'atmosphère est saturée de milliers de milliards de dollars pour encourager la "reprise" tant désirée de la croissance. Passons sur le coup de bonneteau qui octroie au FMI et à la Banque mondiale - bras armés de la dérégulation mondiale - le rôle de médecin traitant de la régulation économique mondiale. C'est comme si on donnait à un virus la charge de combattre la maladie qu'il inocule. La bonne blague !

Il y a plus grave. Par quoi est inspiré ce déversement colossal de crédits ? Sur quoi cette volonté de relance de la croissance est-elle fondée ? Rien d'autre que sur un mystérieux ingrédient psychologique qui, parait-il, débriderait les comporte ments : la Confiance. En inondant le monde de pognon, le G20 souhaite redonner confiance aux entrepreneurs, aux consommateurs et aux marchés. Pour en faire quoi ? Pour qu'ils retrouvent leurs habitudes, retournent au business as usual et se bercent de l'illusion d'une croissance infinie. Il s'agit ni plus ni moins que d'inviter les acteurs économiques à reprendre confiance dans les vertus du système, à restaurer les pratiques anciennes de production, de consommation et de commerce, à les encourager à redémarrer de plus belle (comme par exemple la décision de relancer la libéralisation des échanges au sein de l'OMC). Bref, le G20 invite à négocier le virage pour reprendre le même chemin.

Cela ne conduira qu'à un formidable tête à queue ! Car c'est précisément les mécanismes qui ont conduit le monde à la r&ea cute;cession économique et sociale en même temps qu'à la destruction des équilibres naturels que le G20 veut réhabiliter. C'est justement le principe de confiance qui est mort. Exceptés quelques drogués polymorphes accrocs au vieux monde, qui peut croire que les mêmes politiques ne conduiront pas aux mêmes effets ? Chacun sait ou ressent que c'est ce mode de développement, ce système de fuite en avant dans l'excès de tout en tout qui mène l'humanité à la casse. Serait-ce ce concasseur des hommes et de la nature qu'il faudrait restaurer, à coups de dollars et d'esbroufe ?

Chaque milliard réinjecté pour réparer ce système prolonge la crise, creuse un peu plus la récession économique et la régression sociale, accentue la trajectoire d'effondrement des écosystèmes.

Ce n'est donc pas la confiance en ce qui a failli qu'il faut restaurer. C'est l'espoir en un nouveau projet de société qu'il est urgent de fonder. Un changement systémique qui passe, progressivement, par la reconversion de l'ensemble des activités humaines en fonction des impératifs sociaux et écologiques, comme le programme européen d'Europe Ecologie le propose.

Au fond, les principaux dirigeants de la planète ne sont peut être pas des âmes noires qui trompent sciemment le pauvre monde. A coup sûr, ce sont d'incorrigibles bigots. S'ils se sont efforcés à Londres de relégitimer la machine, c'est parce qu'ils sont dans l'impossibilité mentale de s'arracher aux schémas du passé, à la matrice culturelle originelle qui les a fait tels qu'ils sont, incapables d'imaginer un autre monde. S'ils veulent contre toute évidence sauver le système productivist e libéral, et pas le changer, c'est qu'ils y croient, les bougres, et, comme tout malade qui s'ignore, c'est qu'ils sont convaincus que le collapsus ne peut pas se produire. En ceci, ils ressemblent à s'y méprendre aux vieux pontes du socialisme réel qui n'ont pu imaginer l'implosion du système soviétique et qui l'ont découvert un beau matin agonisant à leurs pieds.

JPB