Alors que la plupart d’entre nous venons de vivre un moment important dans l’année, celui des fêtes de fin d’année, nous sommes questionnés par la manière dont ces fêtes se réalisent dans notre société : Noël et Nouvel An sont devenus des fêtes de la consommation et même de la surconsommation et cela même en période de « crise ».
La question que se posent les journalistes est claire : combien vont consommer les familles malgré la crise… la consommation est devenue le signe de la fête. La consommation est le signe que la société ne va pas si mal puisqu’elle consomme encore et cela rassure…
Beaucoup d’entre nous, au moment de se préparer à la Fête, s’interrogent : « faire la fête, qu’est-ce que cela veut dire ? Quel sens donnons-nous à ces fêtes ?
Une fois de plus, nous avons assisté à une débauche de produits alimentaires : la société de consommation bat son plein : Produire… Consommer … et cela toujours plus…comme s’il n’y avait aucune alternative à ce mode de vie. En voyant cela nous pouvons nous dire que le capitalisme a encore de beaux jours devant lui. La boucle est bouclée : les salariés travaillent et consomment, les salariés travaillent pour consommer… et ces jours là, les pauvres se sentent plus pauvres s’ils ne peuvent acheter plus que d’habitude.
Y a-t-il moyen de vivre et de consommer autrement ? La société de consommation nous est imposée par une production du « toujours plus » sans se poser la question du « comment » et « pourquoi ».
De plus, cette manière de vivre est source de grand gaspillage : Selon la FAO le tiers de la nourriture produite dans le monde est gaspillée chaque année entre le champ et l’assiette : environ 105kg par habitant et par an en Amérique du Nord et en Europe et 8kg en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud-Est. Et ces millions de tonnes gaspillées participent directement à l’augmentation du prix des produits de base et en rendent donc l’accès plus difficile pour des millions de personnes. On peut dire que l’excès de nourriture affame une partie de la population. Face à cela, Bruno Lhoste* préconise les 3 R : Réduire (à chaque étape de la production), Recycler les déchets, Réutiliser c’est-à-dire distribuer le surplus aux plus démunis. Mais d’un point de vue humain au plan de la dignité, il aurait été préférable que les plus pauvres puissent acheter eux-mêmes leurs produits.
Si on analyse les sources du gaspillage, elles s’observent au niveau des producteurs et des consommateurs, et elles sont liées essentiellement à la grande distribution, par exemple, on ne vend pas des légumes un peu tordus ou différents de forme.
La prise de conscience de ce gâchis par les consommateurs est de plus en plus importante et il est temps de se réapproprier notre alimentation : car à ce grand gaspillage des produits alimentaires, il faut y ajouter le problème des pesticides !
Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) la production mondiale de produits chimiques est passée de 171 milliards de dollars en 1970 à 4120 milliards en 2010 qui affectent l’eau, l’air, la terre … et contamination des cultures… et la France est l’un des consommateurs européens qui en utilise le plus en agriculture alors que partout des alternatives existent. Des mesures sanitaires pour l’alimentation sont de plus en plus drastiques, pour autant nous acceptons les traitements chimiques.
Il est vraiment grand temps de mettre en œuvre une véritable politique alimentaire dans laquelle la santé par l’alimentation tiendra toute sa place… où le plaisir de manger sera associé aux goûts redécouverts, aux produits bons plutôt que beaux, où le plaisir de manger sera associé aux producteurs.
Alors, bien sûr, il faut acheter moins, acheter mieux, produire et consommer bio mais cela ne suffit pas : IL EST TEMPS QUE LES CONSOMMATEURS se RÉAPPROPRIENT leur ALIMENTATION et disent ce qu’ils VEULENT. Les Consommateurs ont un POUVOIR énorme, qu’ils n’utilisent pas. La transformation écologique de l’économie passe par nos petits gestes de tous les jours, par les choix que nous faisons en faisant notre marché (mais pas seulement). Les consommateurs peuvent devenir ACTEURS de leur consommation. Nous pouvons refuser de manger des produits bourrés de pesticides, de manger trop gras, trop salé, trop sucré, nous pouvons refuser d’acheter des produits non « équitables ».
Il nous faut se réorganiser au niveau de l’approvisionnement, dans la manière de faire les courses, dans la manière de cuisiner surtout si on a peu de temps.
Avant tout il nous faut penser autrement pour agir autrement : Quel est notre rapport à l’alimentation ? La nourriture est essentielle à la vie, mais pas n’importe quelle nourriture. Notre manière de manger est en lien direct avec nos apprentissages, notre culture, notre société, et nous devons prendre en compte tous ces aspects pour comprendre le comportement alimentaire d’une personne. Mais la nourriture est lié au mode de vie actuel : Nous n’avons plus de lien avec le producteur (surtout en ville). Nous ne voyons pas et nous ne savons pas comment sont cultivés les légumes. Et nous ne savons rien sur la personne qui les a produits. Il est temps d’aller à la rencontre des producteurs et de nous associer, nous avons des intérêts communs complémentaires que nous avons oubliés trop souvent. Et puis une politique alimentaire commence au plan local et s’organise au plan local d’abord, alors il est temps que les collectivités territoriales , les producteurs locaux et les consommateurs locaux s’unissent pour organiser et générer des circuits courts alimentaires.
Dans une petite ville du Nord de l’Angleterre,TODMORDEN une formidable dynamique s’est mise en place pour remettre des circuits d’approvisionnements locaux. Le but ? Que les gens reprennent la main sur la façon dont ils se nourrissent. Tout commence dans un café-restaurant, à l’initiative de 3 femmes… Plus d’infos : http://www.incredible-edible.info/
Alors si nous demandons aux producteurs de transformer leur manière de produire, nous, consommateurs, devons changer notre manière de nous nourrir. Le rapport à l’alimentation est essentiel et nous devons respecter le produit. Dans ce produit, il y a le travail du producteur que maintenant nous connaissons) il y a aussi le lien à la terre, la terre nourricière… (il faut 5 à 6 mois pour produire une tomate, presqu’autant pour une carotte).Vous sentez cet humus qui remonte de la terre ? Alors nous sommes prêts pour partager ensemble ce repas de fête.
Annie THOMAS
Bruno Lhoste* : Directeur général d’Inddigo, société de conseil et d’ingénierie en développement durable. Il est également l’auteur de : La grande (sur-)bouffe – Pour en finir avec le gaspillage alimentaire .