Elle était annoncée pour décembre, mais elle se fait attendre : la nouvelle loi d’orientation et de programmation sur l’éducation, traduction d’une grande promesse du candidat Hollande, la refondation de l’Ecole, s’est traduite par des concertations en juillet et en septembre, mais les discussions traînent en longueur. Le premier budget de la mandature – qui prépare la rentrée de septembre 2013 – est examiné au Parlement mais le projet de loi d’orientation n’a pas été rendu public et que le débat sur la programmation n’a pas encore eu lieu.
Nous comprenons que tout ne se fasse pas en un jour. Mais, d’une part, faut-il une loi bavarde, comme on l’a souvent reproché à la précédente loi d’orientation, dite « loi Fillon » ? Ou bien faut-il une loi qui fixe un cap et qui permette ensuite aux acteurs de se mobiliser, d’innover, pour généraliser ensuite les bonnes pratiques ?
D’autre part, cela pose problème notamment pour les 60 000 recrutements prévus par le candidat Hollande.
Un enjeu majeur : la formation initiale et continue des enseignants
Les écologistes partagent l’avis des mouvements pédagogiques , de fédérations de parents , de nombreux syndicats d’enseignants, que la formation initiale et continue, la place et le contenu du concours peuvent être des leviers de transformation du métier à long terme. Qu’il faut dégager du temps pour la formation ,avec une alternance sur les terrains de l’Ecole et de son environnement, et une ouverture réelle aux mouvements pédagogiques. Qu’il est intéressant d’ouvrir des voies d’accès pour ceux qui choisissent le métier enseignant en seconde carrière. Il faut enfin trouver une solution pérenne d’accès pour les nombreux vacataires et contractuels, en utilisant la validation des acquis de l’expérience.
Choisir de rétablir l’année de formation initiale sans revoir ni les contenus des concours ni les parcours de formation initiale, c’est envoyer un très mauvais signe à l’ensemble de la communauté éducative. Et cela ne résout pas les problèmes de vivier de recrutement, surtout dans des délais courts…
Quant aux emplois d’avenir professeurs, ils ne doivent pas servir de variables d’ajustement mais permettre effectivement d’accéder à la formation et à l’emploi durable d’enseignants.
Refonder, vraiment.
Assurer, vraiment, la réussite de tous, construire par l’éducation l’autonomie, la solidarité et la responsabilité , cela passe, pour les écologistes (voir le programme « Vivre Mieux » pages 108 à 111), par :
- combattre les inégalités dès la petite enfance ;
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faire toute sa place à une école fondamentale qui rompe avec la culture de la compétition, de la performance et du pilotage par les résultats, en mobilisant toutes les connaissances récemment acquises par les neuro-sciences sur les processus d’apprentissage ;
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rendre l’école à celles et ceux qui la vivent, en faisant en sorte que programmes d’enseignement et organisation ne soient plus vécus comme des carcans imposés par la techno-structure.
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Mettre au cœur du métier d’enseignant -et non à sa périphérie- l’accompagnement des élèves dans leur travail personnel.
Le ministre Vincent Peillon nous fait chaud au cœur quand il a déclaré le 1er juin que « l’entrée dans tous les sujets se fera par la pédagogie ». Ses déclarations suite au rapport de synthèse de la concertation ont marqué des avancées dans ces directions. Mais ceux qui veulent innover et se heurtent dans les établissements à la rigidité de l’organisation « une heure, une classe, un professeur, une discipline » attendent que l’on passe aux actes… Quant aux questions vives concernant les contenue et l’évaluation des apprentissages, cela est reporté à plus tard !
Nous serons donc vigilants à ce que la refondation tant attendue ne soit pas confisquée par une techno-structure tatillonne, à ce qu’au-delà même des acteurs directement intéressés, toute la nation se mobilise.
Mobiliser les collectivités et tous les autres acteurs de l’éducation.
Les Régions revendiquent la compétence en matière de formation professionnelle et d’orientation, et les annonces faites dans le cadre des Etats généraux de la Démocratie Territoriale vont dans ce sens.
Pour nous l’éducation ne se réduit pas à l’Ecole : il y a aussi la famille, la place des associations , mais aussi le rôle des écrans auxquels les enfants sont confrontés de plus en plus tôt.
Il ne faudrait pas que l’opportunité d’ouverture, que représente l’allègement de la journée, aboutisse à cloisonner le temps des cours et le temps des activités culturelles, sportives ou scientifiques. L’Ecole ferait bien de s’appuyer sur toutes les ressources extérieures pour se refonder, de s’ouvrir plutôt que de se verrouiller, d’être une institution bienveillante plutôt que de rester une machine à exclure.
D’ailleurs il existe bien des expériences locales de coopération sur des questions aussi variées que les dispositifs d’accueil des décrocheurs, l’éducation à l’environnement, la résolution non-violente des conflits, l’initiation à la démarche scientifique… qui restent trop souvent en marge des institutions.
L’Education nationale n’a pas vraiment coopéré avec les autres ministères pour travailler sur des questions aussi vives que celle des compétences des communes (faut-il rendre obligatoire l’organisation d’un accueil périscolaire ?), de l’éducation prioritaire (question renvoyée au ministère de la ville), de l’orientation (qui ne se réduit pas à la carte des formations après le collège), des projets éducatifs locaux dont la reconnaissance devrait concerner tous les acteurs institutionnels, de la formation tout au long de la vie (qui devrait aussi s’appliquer à l’Ecole elle-même). Le ministre a donné l’impression d’être le seul à piloter et chaque organisation finit par plaider pour ses intérêts catégoriels.
(Merci à Olivier Masson, animateur de la Commission Education pour sa participation à cette tribune) .