Le délit de solidarité enfin supprimé ?
On connaît l’histoire : depuis que le centre de Sangatte a été fermé, il y a dix ans, par Nicolas Sarkozy, de nombreuses personnes ont, d’une manière ou d’une autre, été incriminées pour « aide à l’entrée ou au séjour irrégulier ».
Vint, en 2009, le film Welcome, de Philippe Lioret, qui mettait en scène, de manière à la fois vraie et pédagogique, la situation d’une homme (Vincent Lindon), qui, à Calais, aidait, et même hébergeait, un jeune afghan en désir d’Angleterre. S’ensuivit l’ « amendement Welcome », déposé par le député socialiste de Seine-Saint-Denis Daniel Goldberg fin 2009.
Le Sénat s’est donc saisi de la question.
Sont ainsi exemptés de poursuites (avec l’
accord explicite de Manuel Valls, exprimé en séance) « toute personne physique ou (…) toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »
C’est évidemment « bienvenu »…
Le militant, ou la militante lambda, qui sert des repas à Calais, ou qui, à Lille ou à Arras, accompagne à la préfecture un étranger en situation dite irrégulière, est désormais à l’abri. Et, puisque les « soins médicaux » sont aussi concernés, nos ami-es de Médecins du Monde ne risquent plus rien.
Est-ce suffisant ?
Le texte est sans doute plus substantiel, car plus précis, que l’ « amendement Welcome » de Daniel Goldberg. Mais on aurait pu aller plus loin, et effacer, purement et simplement, du CESEDA, le délit d’aide à l’entrée ou au séjour irrégulier, car les activités des « passeurs » et des « filières » (que Manuel Valls a évoqués à plusieurs reprises lors du débat sénatorial) peuvent être, et sont déjà réprimées par le Code pénal français, au titre de la « traite des êtres humains » (art. 225-4-1). Et, en allant plus loin, ou en étant plus précis, transposer en droit français l’annexe III de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, relative, justement, aux activités de « passeurs » qui n’ont en général pas pour objectif d’exploiter leurs victimes après le « passage » de frontières. Il aurait donc été possible d’amender le Code pénal en tenant compte de la « contrebande » d’êtres humains, distinguée du « trafic ».
Alors, pour citer Alain Souchon, « jamais content » ? Oui, mais pas encore « carrément méchant ».
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Alain Delame