Le gouvernement a lancé un vaste plan de vidéosurveillance. Initié par Michelle Alliot-Marie lorsqu’elle était ministre de l’intérieur, ce plan est repris par Brice Hortefeux qui prévoit d’installer 60 000 caméras de vidéosurveillance en France. A Paris, les socialistes soutiennent l’application de ce plan avec l’installation de plus de 1 100 caméras dont 80 dans le 19e. Les caméras sont-elles efficaces ? Combien coûtent-elles ? Quels sont leurs risques ?
Avec 4 millions de caméras, la Grande-Bretagne est le pays le plus vidéo surveillé en Europe. C’est le pays qui a consacré de ce fait le plus d’études à leur efficacité. Et le verdict est net : les caméras sont très faiblement efficaces pour réduire les atteintes aux personnes comme les atteintes aux biens publics. Dans un article publié par le quotidien The Guardian en Mai 2008, le responsable du programme londonien de vidéo-surveillance qualifie ses résultats de… »fiasco complet » ! Le Home Office ( équivalent de notre Ministère de l’intérieur) tirait un bilan similaire du programme anglais dans un rapport publié en 2005. Il est vrai que les chiffres sont cruels : 1 caméra permet d’arrêter un auteur de délit toutes les 967h, soit 40 jours ! Et la comparaison des chiffres de délinquance entre les zones équipées et celles qui ne le sont pas ne montre aucune différence interprétable.
Pourtant, les caméras coûtent cher. A Paris, le plan de la Préfecture se chiffre à plusieurs dizaines de millions d’euros. La Ville va payer entre 5 et 10 millions d’euros. Pour un résultat faible, très faible.
Les caméras de vidéo-surveillance sont devenues la dernière tarte à la crème en matière de sécurité publique. C’est le mythe de la technologie qui serait censée réduire la violence qui monte dans notre société. A la dilacération des liens sociaux et des règles de vie collective, la réponse des caméras, c’est : encore moins de présence humaine ! Pour preuve, le nombre de postes de policiers et gendarmes diminue de 2 744 dans le budget 2010 de l’État. Et ne parlons pas des éducateurs de rue, personnels de prévention….
L’impact de la multiplication des caméras sur les libertés publiques est réel. La ligue des droits de l’homme s’en est émue et dénonce des caméras « qui sontattentatoires à la vie privée et à la liberté de circuler sans entrave, ni surveillance. » Et de conclure à propos du plan parisien : « La Fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme dénonce le débat tronqué et l’information subjective qui préludent à la réalisation de ce plan. Elle s’interroge sur la pertinence d’un comité d’éthique, simple chambre d’enregistrement du fonctionnement d’un système. »
On ne saurait dire plus clairement que le PS parisien s’est plié au plan gouvernemental sans sourciller. Que ses élus ont validé le développement d’une méthode à l’efficacité très faible sur la violence, au coût élevé et portant atteinte à nos libertés.
Je ne vois qu’une raison à cela. Le PS ne veut pas prêter le flanc à l’accusation de laxisme. Il pense que s’opposer aux caméras, c’est s’opposer à une demande accrue de tranquillité, de respect des règles collectives.
C’est ici qu’il commet une lourde erreur. Car il confond la nécessité d’accepter et d’affronter un constat réel, celui de la violence montante de notre société, avec l’acceptation de méthodes illusoires pour enrayer le phénomène. Il prend le risque d’abandonner un peu plus les valeurs progressistes dont il se voulait le principal dépositaire. Et de faire croire, définitivement qu’il n’est de solutions que dans une fuite en avant technique, alors que notre société souffre de sa déshumanisation, de la distension des liens de proximité et du manque de construction collective de projets communs.
En renonçant ainsi, c’est à une vision conservatrice de la société que les élus PS se sont pliés. On ne peut que le regretter.