Longtemps, les professionnels de santé de l’arrondissement ont respecté les tarifs de la sécurité sociale. Mais la situation évolue rapidement. Qui est concerné ? Qui est responsable ?
La question des dépassements d’honoraires des professionnels de santé fait la une des journaux. Le phénomène s’accroit dans des proportions importantes et s’étend sur des secteurs jusque là préservés. C’est le cas du 19e arrondissement.
Les médecins généralistes sont encore relativement épargnés; il reste largement possible de trouver une consultation au tarif du secteur 1 soit 22 euros. Les médecins du secteur 1 pratiquant des dépassements sont minoritaires. En secteur 2 – dit à honoraires libres – le tarif moyen approche les 30 euros.
Les médecins spécialistes connaissent une évolution différenciée suivant les spécialités : par exemple, il reste très peu d’ophtalmologistes à pratiquer des tarifs proches des 28 euros remboursés; la moyenne est autour de 50 euros. La situation est comparable en gynécologie et cardiologie, plus équilibrée en pédiatrie et ORL.
La pratique des dépassements d’honoraires se développe également chez certains professionnels para-médicaux comme les kinésithérapeutes.
Au total, on assiste dans le 19e à une forte progression des dépassements d’honoraires des médecins de ville, qui rend de plus en plus difficile l’accès aux soins, y compris de personnes ayant une mutuelle. Comment en arrive-t-on là ?
Il est tentant d’incriminer les professionnels concernés, et il est exact que ces dépassements peuvent venir illustrer l’affaiblissement des valeurs humanistes qui fondent la pratique du soin, et le développement d’une vision prestataire de la médecine dans laquelle le professionnel fournit un service et en attend une rémunération correspondant à ses responsabilités, sans autres considérations. Les valeurs de réussite financière ayant imprégné toute notre société au cours des deux dernières décennies – jusqu’au chef de l’Etat- comment s’étonner que la pratique médicale soit touchée ?
Il est pourtant deux responsabilités politiques essentielles :
Celle de la Sécurité sociale d’abord. Garante des fondements de notre système de solidarité nationale, elle a choisi de fermer les yeux. Elle laisse les médecins du secteur 1 pratiquer des dépassements de plus en plus importants, depuis des années, sans réagir. Elle sait tout de ces dépassements, elle a le pouvoir de les sanctionner mais elle ne fait rien. Pourquoi ? Parce qu’elle préfère laisser prospérer des dépassements qu’elle ne rembourse pas – et donc qui ne lui coutent rien – plutôt que d’augmenter les tarifs remboursables ! Et tant pis pour l’assuré social, qu’elle doit défendre mais qu’elle abandonne de fait.
Soumise aux directives du pouvoir politique, la Sécurité sociale ouvre ainsi tout un espace aux assurances privées qui se font fort de proposer des couvertures complètes, ….mais à leurs tarifs et en sélectionnant les assurés « rentables ». Au final, la Sécurité sociale, les assureurs privés et les professionnels de santé peuvent y trouver leur compte, aux dépens des assurés sociaux…et des valeurs fondatrices de la sécurité sociale.
Responsabilité première aussi : celle de l’ordre des médecins. Garant du respect du principe de « tact et mesure » dans le montant des honoraires, il répond invariablement depuis des années qu’il n’est pas saisi de plaintes ! L’Ordre est sourd, l’Ordre est aveugle, il ne sait pas ce qui se passe ! Ce sommet d »hypocrisie est à rapprocher de l’attitude des responsables de l’Ordre des médecins de Paris qui, à force de détournements d’argent à leur profit, ont été à l’automne 2007 l’objet d’une mesure de dissolution pure et simple par arrêté préfectoral ! Du jamais vu : ceux qui sont en charge de faire respecter la déontologie médicale pris la main dans le sac. Comment s’étonner de leur inaction totale face à des dépassements d’honoraires qu’ils doivent estimer somme toute bien faibles…
Les carences conjuguées de la Sécurité sociale et de l’Ordre des médecins ont ainsi permis au phénomène des dépassements d’honoraires de prospérer. L’Etat laisse faire, n’augmente pas les bases de remboursement et transfère la charge des dépenses sur les ménages. Se soigner coûte de plus en plus cher aux français, mais peu importe : la politique de santé est devenue une politique de maitrise des dépenses. Sans un profond mouvement de révolte des assurés sociaux, l’évolution se poursuivra.