En nommant Alain Juppé à la tête d’un grand ministère chargé du développement durable, Nicolas Sarkozy veut montrer que l’écologie est devenue une priorité du gouvernement…
Et de poursuivre, dès la formation du gouvernement, par la convocation en toute hate des associations écologistes pour les informer de ses nouvelles priorités. Alain Juppé pose, savamment disposé devant les arbres des jardins de l’Elysée, pour incarner par l’image la force de sa priorité environnementale. Oui, mais… Premier couac, les associations anti-nucléaires sont écartées d’emblée. Sans ménagement. Et très vite, le deuxième couac arrive : Alain Juppé affirme que le programme autoroutier se poursuivra : priorité à la voiture et aux camions ! Troisième couac : la culture des OGM en plein champ va continuer. Il ne manque plus au super-ministre qu’à annoncer l’abattage des ours pyrénéens pour réussir une entrée dans le domaine de l’écologie aussi remarquée que celle de Roselyne Bachelot en son temps.
Cette succession d’annonces anti-écologiques est conforme aux contradictions habituelles des partis conservateurs. Passés les constats unanimement partagés sur le réchauffement climatique et la crise énergétique, les mesures qui doivent être prises dans le domaine des transports et de l’agriculture heurtent de puissants lobbys, ceux-là mêmes qui soutiennent les partis de droite.
Il n’est certes pas simple pour N Sarkozy et A Juppé d’expliquer aux routiers qu’une part importante d’entre eux doit se reconvertir. Pas plus simple de dire aux agriculteurs que les subventions aux productions massives et polluantes vont être progressivement supprimées et réorientées vers une agriculture respectueuse des sols, de l’eau et des hommes. Pourtant, il n’y a pas d’autre solution réaliste et crédible pour s’attaquer enfin aux conséquences désastreuses de ces politiques sur notre environnement.
L’oukase posé sur les anti-nucléaires révèle également la faiblesse de la ligne d’Alain Juppé. Séduit par la modeste part du nucléaire dans les émissions de gaz à effet de serre, il en tire argument que cette énergie est écologique. Il passe sous silence le fait que le nucléaire est dangereux et produit des déchets dont nous ne savons que faire, à part renvoyer la question aux générations suivantes. Cet égoïsme générationnel est profondément anti-écologique, en ce qu’il consiste à garder les avantages pour soi ( la production d’énergie) et à remettre les inconvénients aux générations futures ( les déchets). Alors qu’il nous faut avant tout réduire nos consommations énergétiques.
François Bayrou a exprimé, avec constance, la même opinion que l’UMP sur le nucléaire. Lui qui s’inquiète tant du report de la dette publique sur les prochaines générations, s’enfonce dans ses contradictions en défendant une option pro-nucléaire affirmée : son souci des générations futures est à géométrie variable ! Nul doute que les écologistes sincères qui l’ont rejoint devront tôt ou tard constater que Bayrou, défenseur d’un système économique libéral, pro-nucléaire et fervent partisan des carburants agro-industriels, n’a pas le courage d’affronter les lobbys qui détruisent l’environnement.
L’UDF-Modem, liée par un programme économique classiquement productiviste et libéral, noue déjà ses premières alliances avec l’UMP en Seine-St-Denis pour les législatives. D’autres départements suivront, n’en doutons pas, tant l’exercice d’équilibriste de François Bayrou l’oblige à donner des gages tantôt à droite, tantôt à gauche et aux écologistes. On est loin de l’affirmation d’une ligne claire et courageuse et la méthode rappelle facheusement le braconnage organisé par Nicolas Sarkozy en direction de quelques personnalités de gauche et du centre et dénoncé avec force par…François Bayrou !