La grippe A/H1N1, déjà l’acte 2

Que penser de la pandémie de grippe qui débute ? Noyé sous le flot d’informations, comment ne pas s’interroger ? C’est avant tout en tant que médecin que je m’exprime sur le sujet; voici quelques repères pour aider chacun à comprendre les termes du problème.

Un nouveau virus grippal est apparu. A cela rien d’extraordinaire : les virus se transforment – on dit qu’ils mutent- comme tout organisme vivant, soit par adaptation, soit par accident. Il en résulte un nouveau virus et la question qui est posée dès sa détection est double : va-t-il se propager rapidement ? est-il dangereux ?

A la première question, on peut répondre probablement non. Un virus grippal n’aime pas la chaleur; il a besoin de températures basses pour se développer et se répandre. C’est pour cette raison que les épidémies surviennent en hiver et jamais en été ! En quelques jours, les faits l’ont confirmé : le pays le plus touché compte quelques centaines de cas, et les autres quelques dizaines. C’est très peu : une épidémie de grippe classique touche en quelques jours plusieurs centaines de milliers de personnes en France.

Toutefois, il est possible qu’après sa phase actuelle d’émergence, le virus sommeille puis se réactive à l’hiver dans les pays de l’ hémisphère nord. Produirait-il une épidémie grippale banale ou s’agira-t-il d’un virus plus dangereux ?

Il est trop tôt pour se prononcer précisément sur la léthalité ( la capacité à tuer) du virus A/H1N1. Il est certain qu’elle n’est pas élevée. Mais on ne sait si elle est comparable à celle d’un virus grippal saisonnier ou plus forte. A ce sujet, les comparaisons avec la grippe de 1918 sont folkloriques. En 1918, on ne disposait ni d’un système de santé performant, ni d’antibiotiques. Or les décès dus aux virus grippaux sont en fait pour la plupart dus à des surinfections bactériennes favorisées par le virus, que l’on traite avec un antibiotique. Il était logique qu’on meure beaucoup en 1918 de maladies qu’on ne savait ni diagnostiquer ni traiter !

L’acte 2 de l’épidémie sera donc l’heure de vérité. Nous pouvons le préparer avec sérénité. En 15 jours, l’institut Pasteur a mis au point un test de détection rapide. Dans quelques mois, un vaccin sera produit. Nous saurons d’ici là avec certitude si le virus est « classique » ou hautement pathogène. Nous avons le temps de prendre les mesures adéquates.

L’ emballement médiatique m’a tristement rappelé la guerre du golfe et son cortège d’experts envahissant les plateaux de télévision pour alimenter l’opinion dominante du moment. Je n’ai entendu que mon confrère Antoine Flahaut, Professeur à l’école des Hautes études en santé publique, tenir un discours de bon sens, rappeler qu’à ce jour ce n’est qu’un virus grippal parmi d’autres, et que vigilance ni signifie pas précipitation.

Ah, au fait, exactement durant les mêmes journées, l’épidémie de méningite a tué plusieurs milliers de personnes en Afrique de l’Ouest et particulièrement au Nigeria. Et aujourd’hui comme chaque jour, 3 000 personnes vont mourir du paludisme.

Vigilance sur la grippe, oui bien sur. Mais pas au prix d’un égoïsme planétaire.