Non, Mme Iborra, nous ne partageons pas tout à fait les mêmes valeurs…

La réponse d’Alain Refalo à Monique Iborra.

Dans un entretien donné à La Dépêche du Midi en date du mercredi 15 février, Monique Iborra, députée socialiste sortante de la 6ème circonscription, répondant à une question sur le danger qui viendrait de ses concurrents de gauche et écologistes, déclare : « A vouloir trop se distinguer quand les valeurs sont partagées, ce n’est pas très crédible. Ce n’est pas la peine de se positionner en concurrents quand on est partenaires. C’est un problème de cohérence. L’important est de mener la gauche au pouvoir. »

Ainsi, Madame Iborra nie la réalité d’une concurrence légitime à gauche au prétexte que socialistes et écologistes seraient « partenaires ». Certes, au plan national, un accord programmatique a bien été signé entre le PS et EELV. Cependant, cet accord acte également des désaccords et pas des moindres. Tout particulièrement sur le nucléaire. Le parti socialiste et son candidat à la présidentielle n’envisagent nullement une sortie du nucléaire civil dans les vingt prochaines années. Au mieux la fermeture de la centrale la plus vieille, Fessenheim, au prétexte qu’elle est située en zone sismique… L’EPR de Flamanville sera bien construit et toute la filière nucléaire sera relancée pour des décennies. Ce n’est pas un désaccord à la marge, mais l’illustration exemplaire que le parti socialiste et Europe Ecologie ne défendent pas les mêmes projets de société et donc les mêmes valeurs.
Le choix de l’énergie nucléaire, outre les risques non maîtrisables qu’elle fait courir à la planète, est un choix qui légitime une politique de croissance dont nous savons aujourd’hui qu’elle engendre d’irréversibles nuisances environnementales et de graves injustices sociétales, chez nous comme ailleurs. C’est le choix d’un modèle économique centré sur le produire et le consommer toujours plus, sur le gaspillage de l’énergie. C’est le choix d’un modèle qui épuise les ressources naturelles de la planète et qui n’est donc pas reproductible sur l’ensemble des pays.


Le choix du nucléaire implique un choix de société anti-démocratique.
La politique nucléaire n’a jamais fait l’objet d’un débat au Parlement. Les citoyens ont toujours été tenus à l’écart de ce choix. Les puissants lobbys qui régentent l’industrie nucléaire pratiquent la désinformation sur les coûts réels et les risques encourus. Soumis au dogme nucléaire, les pouvoirs qui se succèdent sont complices de cette désinformation. Les socialistes ont mené et mèneront la même politique énergétique que la droite. En ce sens, ils défendent un modèle économique et un projet de société pas très éloignés de ceux qu’ils envisagent de remplacer en mai 2012.
Enfin, choisir le nucléaire civil, c’est forcément développer le nucléaire militaire, c’est participer à cette folie qu’est la course aux armements de destruction massive. Qui peut penser que de tels choix, essentiels et existentiels, relèvent de valeurs communes avec les écologistes ?
L’ accord PS-EELV prévoit également que sur une cinquantaine de circonscriptions, le candidat écologiste sera soutenu par le parti socialiste. Or, dans de nombreuses circonscriptions, des candidats socialistes dissidents se déclarent et seront présents contre les candidats écologistes. Ces candidats sont soutenus par leur propre parti, alors qu’ils devraient être menacés d’exclusion. Le parti socialiste, tant sur le plan local que national, a pris l’habitude de ne pas respecter les accords signés avec ses « partenaires ». Ainsi, au Conseil général de la Haute-Garonne, les accords prévoyant une vice-présidence à l’élu écologiste, ainsi que des moyens pour travailler, ne sont pas honorés par le président socialiste. Non, lorsque la parole donnée est reniée, lorsque les accords écrits demeurent des chiffons de papier, j’affirme que nous ne partageons pas les mêmes valeurs.


Dans la 6ème circonscription, comme dans d’autres en Haute-Garonne, une compétition loyale est donc légitime à gauche.
L’argument : « nous sommes partenaires, et non pas concurrents » est le même que celui que nous entendions lors de la campagne des cantonales. Or, sur le canton de Colomiers, les électeurs ont éliminé au premier tour les candidats de droite et d’extrême droite et ont choisi le candidat écologiste au second tour face au candidat socialiste. Si nous sommes réellement des partenaires, pourquoi y aurait-il alors plusieurs candidats ? Telle est en substance le sens de cette affirmation qui vise à masquer les différences et à tromper les électeurs.


Ce qui n’est pas crédible, c’est de faire croire aux électeurs, qu’entre les candidats du camp de la gauche, il n’y aurait pas de différences d’analyses et de propositions
. Qu’il n’y aurait que des nuances. Pourtant, la campagne électorale permettra aux électeurs  de comparer et de choisir quel est le candidat le mieux à même de porter, à l’Assemblée Nationale, un projet de transformation sociale et écologique. Un projet qui vise à donner une nouvelle espérance à nos concitoyens. A cet égard, le dossier du méga centre commercial des Portes de Gascogne, porté par le maire socialiste de Plaisance du Touch, est également emblématique de nos différences de valeurs. Malgré les multiples sollicitations citoyennes, Monique Iborra demeure silencieuse sur ce projet. Un silence qui vaut approbation ? Le maire socialiste de Tournefeuille, également conseiller général, a quant à lui affiché à de multiples reprises son hostilité à ce projet destructeur d’environnement, destructeur d’emplois de proximité et destructeur à terme de lien social.  Où sont les valeurs de la gauche lorsque des élus « de gauche » n’ont comme horizon indépassable que de soutenir des multinationales américaines et de proposer à leurs concitoyens de consommer et de polluer toujours plus ?

Enfin, la question n’est pas seulement de savoir si la gauche doit arriver au pouvoir et si la circonscription doit rester à gauche, mais de définir de quelle « gauche » l’on parle. La gauche est plurielle, diversifiée. Le parti socialiste n’en a pas le monopole, malgré des tendances hégémoniques persistantes. Il n’a  pas fait la démonstration de sa volonté de rompre avec le système productiviste, avec le mythe de la croissance bienfaitrice. En réalité, il ne propose qu’une politique de rigueur qui se veut certes plus « douce », plus « juste », mais une rigueur qui, au final, continuera de faire souffrir les exclus et les plus démunis de notre société.


Avec détermination et conviction, je mènerai une campagne sur les valeurs, les projets et les propositions de l’écologie politique. Les citoyens pourront alors vérifier que ce qui compte, ce n’est pas tant les valeurs proclamées, que la volonté de cohérence entre les projets et les valeurs, entre les paroles et les actes.

21 février 2012