Tribune : « Maladies chroniques: prévenir plutôt que guérir »

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En 2014, qui ne compte pas au sein de sa famille, parmi ses amis ou ses proches, une personne frappée par le cancer, le diabète ou une maladie neurodégénérative ? Ces maladies chroniques frappent durement l’Europe où elles sont en augmentation constante : selon l’OMS, elles représentent aujourd’hui 86%  du total des maladies. D’ici 2030, on estime que ces maladies seront à l’origine de 52 millions de morts au sein de l’Union européenne.

Ce fléau croissant ne représente pas seulement une tragédie humaine pour les victimes et leurs familles. Il s’agit aussi d’un immense fardeau pour les systèmes de santé, les systèmes sociaux et les économies de chacun des États membres de l’Union européenne. 70% à 80% des dépenses de santé sont consacrées aux maladies chroniques, soit 700 milliards d’euros au niveau européen. Si rien n’est fait pour enrayer cette épidémie, ce chiffre n’aura de cesse d’augmenter dans les années à venir.

Mais, pendant qu’une part astronomique des budgets de santé publique est dépensée pour le traitement de ces maladies, seulement 3% seulement sont investis dans la prévention. C’est inacceptable ! Nous ne pouvons nous contenter de traiter ces maladies, il faut nous donner les moyens de les empêcher.

Cela passe par l’Europe. Le tabac, l’alcool ou un déséquilibre alimentaire représentent un important facteur de risque pour ces maladies. Mais le Parlement Européen, dans une résolution (1), reconnaît d’ores et déjà le rôle majeur de l’environnement dans cette épidémie. Il recommande de réduire la mortalité liée à ces maladies chroniques de 25% d’ici 2025, en agissant sur tous les facteurs de risques, y compris en réduisant l’exposition des populations aux polluants environnementaux, dont les très dangereux perturbateurs endocriniens. Ce nom barbare désigne des substances chimiques qui ont des effets sur la santé, en perturbant le fonctionnement des glandes du système endocrinien. On les retrouve dans un lot innombrable de produits qui nous entourent : produits de beauté, peintures domestiques ou industriels, plastiques… Aujourd’hui, plus personne ne peut contester que la crise sanitaire liée à l’explosion du nombre de cas de maladies chroniques relève aussi d’une crise écologique.

C’est pourquoi Europe Ecologie veut que le parlement européen aille plus loin en matière de prévention des maladies chroniques. Dans le prochain parlement européen, les élus écologistes mettront tout en œuvre pour obtenir, en urgence, un plan d’action européen transversal de prévention des maladies chroniques. Ce plan devra comprendre un large volet relatif à la prévention environnementale.

Il s’agira tout d’abord de lutter contre l’origine environnementale des maladies chroniques. Pour cela, il faut que soit adoptée une politique volontariste de réduction rapide de l’exposition des populations  aux substances perturbatrices endocriniennes, en visant particulièrement la protection des femmes en âge de procréer et des enfants. A cet effet, le règlement européen sur les pesticides est un bon outil d’action : il faut mobiliser ses clauses d’exclusion des perturbateurs endocriniens, en les étendant à l’ensemble des produits chimiques, et en revoyant ses définitions pour protéger plus efficacement. Mais, davantage de prévention sanitaire et environnementale suppose davantage d’effort en matière de recherche et d’innovations. La substitution des substances nocives ne sera possible que par des efforts de recherche et développement massif. Cet investissement fera de l’UE le champion mondial d’une chimie saine et créatrice d’emplois.

Il est également primordial d’orienter l’agriculture vers des modes de production bien moins dépendants de la chimie de synthèse en imposant un objectif chiffré européen de réduction de l’usage des pesticides de synthèse. Le modèle d’agriculture intensive et productiviste est à l’origine de pratiques, en matière de pesticides, nocives pour la santé des paysans qui travaillent dans les champs et nocives pour les consommateurs. Il est temps de privilégier l’emploi agricole et la santé face à la chimie !

Il est tout aussi indispensable de restaurer la qualité de l’air en agissant sur tous les déterminants : politiques des transports, politiques du logement et de l’efficacité énergétique, politique agricole encore…

Le sort des travailleurs est un impératif en matière de prévention sanitaire. Nous devons lutter activement pour que l’on cesse de tolérer l’exposition des travailleurs à des risques inacceptables en terme sanitaire dans leur environnement professionnel. Les valeurs d’exposition tolérées en milieu professionnel devraient être au moins égales à celles tolérées pour le grand public et définies en vertu du principe de précaution. MM. Barroso, Cameron et d’autres libéraux ont jugé bon de supprimer la Stratégie européenne pour la santé et la sécurité au travail, au prétexte qu’il ne fallait pas « gêner » les entreprises ? Les députés Europe Ecologie s’engagent à la rétablir !

Enfin, nous devons mettre en place une évaluation des risques européenne, indépendante et obligatoire, préalablement à toute mise sur le marché de produits issus de technologies nouvelles. Les nano-produits, la téléphonie sans fil n’ont pas été évaluées de manière indépendante, et de nombreuses études scientifiques font maintenant apparaître des risques. On ne peut pas cautionner de telles prises de risque au nom du profit !

(1) Position et engagement de l’Union européenne dans la perspective de la réunion de haut niveau des Nations unies sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles

Karima Delli, députée européenne EELV

François Veillerette, porte-parole de Générations futures

François Desriaux, rédacteur en chef du magazine Santé & Travail

http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/220514/maladies-chroniques-prevenir-plutot-que-guerir

Mardi 2 décembre 2014
propositions / programme

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