Campagne . La caravane verte, porteuse d’un discours pro-UE à contre-courant, était hier à Abbeville.
De l’art de faire campagne à contre-courant : parler d’Europe. Et pour dire qu’on l’aime, en plus… Pour les européennes du 25 mai, les écologistes n’ont pas peur de reprendre la formule qui les avait portés à 16% en 2009. A touche-touche avec le PS. Vu le contexte national de montée de l’extrême droite, de déception à gauche et d’inertie de l’Union européenne, rééditer cet exploit – qui plus est sans Daniel Cohn-Bendit – relèverait d’une jolie surprise pour les listes Europe Ecologie (qui se passent à nouveau de l’étiquette les Verts sur les affiches). Après de bons scores aux municipales et la prise de Grenoble en mars, certains se mettent à rêver d’une dynamique qui pourrait les porter haut.
«Lutte». Pour remettre les troupes écolos en mouvement et intéresser les médias à autre chose qu’aux soubresauts de la majorité et du gouvernement Valls, leurs candidats ont entamé un «tour de France de l’écologie». Du Parlement de Strasbourg il y a une semaine à la banlieue parisienne aujourd’hui. A chaque fois : la visite d’un haut lieu de lutte écolo (la centrale nucléaire du Tricastin, dans le Vaucluse, le chantier de l’EPR de Flamanville, dans la Manche…) est prévue avec l’ambition de montrer comment «l’Europe peut aider dans ces batailles locales»,explique Karima Delli, eurodéputée et tête de liste dans le Nord-Ouest.
«L’Europe protectrice», pas facile à porter dans une France où le sentiment anti-UE grandit. Mais à Drucat, à côté d’Abbeville (Somme), on veut bien croire que les institutions européennes peuvent aider dans leur «lutte» contre un projet de ferme géante, dite «des 1 000 vaches».
Hier, ils étaient une bonne trentaine de sympathisants, tous résidant à proximité du futur site industriel et membres de l’association Novissen. «Ce n’est pas simplement un problème local ou régional mais d’intérêt national et européen : quel type d’agriculture voulons-nous ?» souligne Michel Kfoury, président de Novissen. Karima Delli et les responsables écologistes ont réussi il y a quelques mois à le convaincre de figurer en numéro 4 sur leur liste.
Pour contrer le projet des 1 000 vaches, ils réclament «une directive» à l’Europe.«Ils l’ont fait pour le poulet et le porc ! Ils n’ont encore rien fait pour les bovins !»critique Michel Kfoury. «On peut déjà demander une contre-enquête pour voir si les directives sur l’eau et les sols ont été respectées», ajoute l’eurodéputée Karima Delli. Et tenter d’arrêter les travaux déjà en cours sur le site. Une tactique à la Notre-Dame-des-Landes.
Carburant. Si ce discours proeuropéen passe bien auprès des opposants à la ferme des 1 000 vaches, c’est beaucoup plus difficile lorsqu’il s’agit d’une jeune génération moins qualifiée. Venue hier dans la Somme pour accompagner Karima Delli, Clarisse Heusquin, 26 ans et tête de liste dans la grande région Centre, n’a pas réussi la veille à intéresser des jeunes d’un lycée des métiers traînés à la Maison de l’Europe de Clermont-Ferrand pour assister à un débat entre candidats.«L’un d’eux est intervenu pour dire que le sentiment d’appartenance à l’Europe, ça ne lui parlait pas, raconte-t-elle. Je suis allé les voir à la fin pour leur dire que si j’étais élue, je leur ferai visiter le Parlement à Strasbourg, ils m’ont répondu : « On n’en a rien à foutre »… Quand tu te prends ça, c’est difficile.»
La benjamine des têtes de liste à ces européennes ne se dégonfle pas : «Pour les prochaines étapes, j’ai demandé à mon équipe de trouver des exemples concrets de ce que l’Europe fait pour leur quotidien.» Mettre du carburant dans le discours proeuropéen, pas si courant.
Envoyé spécial à Abbeville
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